Vivre de sa plume: pas facile!

Pour chaque artiste qui réussit à vivre de ses œuvres, il y en a plusieurs autres qui crèvent de faim et doivent cumuler les petits boulots pour parvenir à survivre. Si le constat s’applique d’abord aux arts visuels et aux arts de la scène, qu’en est-il de la création littéraire?

Une récente étude  de l’Observatoire de la culture et des communications du Québec nous apprend que les deux tiers des auteurs tirent moins de 5 000 $ par année de leur travail de création littéraire. Le profil sociodémographique des écrivains révèle par ailleurs que 22 % d’entre eux touchent entre 5 000 $ et 19 999 $ alors que 13 % reçoivent plus de 20 000 $.

À la lueur de ces données statistiques, on ne sera pas étonné d’apprendre que trois écrivains sur quatre (78 %) ont recours à des activités autres que la  création littéraire pour subvenir à leurs besoins.

Si l’appât du gain ne peut expliquer à lui seul l’entêtement des auteurs à noircir une feuille de papier après l’autre, il y a lieu de se demander quelles sont leurs véritables sources de motivation. Le journal a posé la question à quelques auteurs de la grande région Granby-Cowansville-Farnham.

Danielle Malenfant

Danielle Malenfant, de Cowansville, a commencé à écrire à l’âge de 12 ans. «Ma grand-mère me demandait de rédiger pour elle de petits communiqués de presse qu’elle faisait paraître dans les journaux locaux», explique-t-elle.

Durant son adolescence, Mme Malenfant écrivait surtout des poèmes et de petits textes dans son journal intime. En 1991, elle a rédigé un premier roman jeunesse pour rendre hommage à sa mère, décédée du cancer à l’âge de 46 ans. Ce roman a finalement été publié 17 ans plus tard.

Au fil des ans, la Cowansvilloise a publié trois albums illustrés pour enfant, un roman-lettres, cinq romans jeunesse, une pièce de théâtre et plus encore. On lui doit également une nouvelle littéraire pour adulte, deux guides pédagogiques, des scénarios interactifs et 45 capsules d’information sur l’alphabétisation.

«Au Québec, selon une recherche que j’ai effectuée dernièrement, la plupart des écrivains et des écrivaines cumulent deux et même trois emplois pour joindre les deux bouts. C’est mon cas: je révise des textes, donne des cours de français et de francisation, anime des ateliers d’écriture, offre un service de coaching aux auteurs, présente des contes dans les écoles. Depuis quelques années, la plupart de mes activités professionnelles sont reliées à l’écriture», nous confie celle que l’on connaît également sous le pseudonyme La Plume Rousse.

Jean-Paul Tessier

Jean-Paul Tessier, un ex-résidant de Saint-Césaire établi à Saint-Alphonse-de-Granby depuis une trentaine d’années, est surtout connu de ses concitoyens à titre de fondateur des Éditions de la Paix.

Au fil des ans, M.Tessier a écrit quatre romans pour adulte et un petit livre humoristique pour tous, Les insolences d’un éditeur.

Même s’il a toujours eu des liens très forts avec l’écriture, cet ancien professeur de français dit  avoir commencé à écrire en 1985 pour se défouler après le suicide d’un ami.

«Ça a été pour moi une manière de thérapie, de défoulement, de communication. D’habitude, on commence par l’oral et on continue par l’écrit. Ici, ce fut le contraire, vu la difficulté du sujet», explique-t-il.

Après avoir édité près de 350 livres en un plus d’un quart-de-siècle, Jean-Paul Tessier s’est départi de sa maison d’édition, voilà quelques mois, et jouit maintenant d’une retraite bien méritée. Il ne ferme pas la porte à l’écriture pour autant et dit croire qu’il finira bien par écrire de nouveau.

«La traduction anglaise de mon premier titre, François, le rêve suicidé, sortira cet automne. Ce sera Sebastian», ajoute le principal intéressé.

M.Tessier a délaissé l’enseignement, au lendemain de la parution de son premier roman, après avoir attrapé la piqûre de l’écriture.

«Quelques-uns vivent de leur plume au Québec, pas moi et je n’ai jamais rêvé à ça. J’écris pour le plaisir, le mien et celui de mes amis», ajoute-t-il, sur le ton de la confidence.

L’auteur-éditeur attribue son intérêt pour l’écriture à la beauté de la langue française.

«La beauté de notre langue qui agrandit les yeux par l’admiration et émeut les cœurs par le choix des mots et les figures de style, le souffle des envols et la musique des mots», résume-t-il.

Henri Lamoureux

Henri Lamoureux, de Sutton, partage son temps entre l’écriture et l’engagement social depuis toujours. Romancier, poète et essayiste, ce dernier est un véritable touche-à-tout et possède une feuille de route impressionnante, avec 14 romans, cinq essais, trois nouvelles, quatre textes dramatiques, un scénario, un conte, un récit et six ouvrages académiques destinés à l’enseignement universitaire. Il a également collaboré à de nombreux journaux et magazines à titre de chroniqueur littéraire et d’essayiste.

Tout a commencé en 1966, quand Henri Lamoureux a relevé une défi lancé par des amis. Sa participation à un concours international commandité par Hachette/Larousse/Air France, dans le cadre de l’Exposition universelle de Montréal, a servi de déclencheur.

«Il s’agissait d’identifier le Français qui, selon nous, avait le plus marqué l’histoire du monde. J’ai choisi Jean-Jacques Rousseau, VLB a choisi Victor Hugo. Il m’a coiffé au poteau, mais j’ai quand même été un des lauréats. La même année, j’ai gagné un prix de poésie», résume M.Lamoureux.

Le Suttonais d’adoption écrit à titre professionnel depuis 1978, soit depuis la préparation de L’affrontement, son premier roman.

«Je me suis mis à l’écriture parce que j’en avais le talent. Et parce que l’écriture offre un immense espace de liberté», précise-t-il. «Ce qui m’attire dans cette activité? La possibilité de construire un monde nouveau avec la matière qui existe déjà.»

Henri Lamoureux estime qu’il est possible de vivre de sa plume, mais admet que ce n’est pas nécessairement facile.

«Oui, je vis en bonne partie de l’écriture, si on tient compte des dérivés (conférences, prix littéraires, bourses, enseignement, manifestations culturelles, etc.)… Et comme dans n’importe quoi, tout dépend de vos besoins», ajoute-t-il.

Véronique Dubois

Véronique Dubois, de Farnham, est à la foi artiste peintre et romancière. Elle a commencé à écrire au secondaire et n’a jamais arrêté.

«J’ai toujours eu une grande imagination… et j’adore inventer des personnages. Je crois qu’on vient au monde comme ça. Le métier d’écrivain me procure beaucoup de satisfaction. Pourvoir dire et décrire tout ce notre mental nous projète, c’est un beau cadeau» affirme la principale intéressée.

Cette dernière a rédigé deux romans, à l’âge de 29 ans, qui ont trouvé preneur auprès de la maison d’édition Boomerang Jeunesse. La collaboration entre les deux partis entre dans sa huitième année.

L’auteure originaire de Lawrenceville a publié 11 romans jeunesse et collaboré à la rédaction de Mon livre de Noël, un recueil de contes illustrés publié chez Andora. Cet ouvrage collectif, qui regroupe une douzaine de textes originaux écrits par des auteurs québécois, est disponible en librairie depuis peu.

Véronique Dubois termine actuellement la rédaction d’une nouvelle série jeunesse de trois tomes qui doit sortir des presses en janvier ou février prochain. L’histoire met en vedette Aquidam, une Amérindienne, et se passe quelque part en Amérique avant l’arrivée de l’homme blanc.

La romancière de Farnham s’attaquera dans quelques jours à l’écriture d’une série pour adultes, dont le premier tome doit sortir en mars 2013. Elle entreprendra également sous peu la rédaction du sixième tome de Mady, une série destinée aux ados de 12 ans et plus. La sortie de ce roman jeunesse est prévue pour mai prochain.

«L’écriture d’un roman jeunesse me demande l’équivalent d’un mois et demi de travail à temps plein. J’écris à chaque jour, mais je trouve également du temps pour peindre. Avec un peu de discipline, je réussis à assouvir mes deux passions», précise Mme Dubois.

Cette dernière estime qu’il est possible de vivre de sa plume au Québec.

«Avec une bonne maison d’édition, qui travaille à vous faire connaître et vous respecte en tant qu’artiste, oui, c’est possible!», assure-t-elle.