Aldéa Bricault, une couturière aux doigts de fée, franchit le cap des 100 ans

COMMUNAUTÉ. Notre région compte une nouvelle centenaire. Aldéa Bricault est née le 19 décembre 1922, à Farnham. Elle s’est rapprochée peu à peu de sa ville d’adoption, où elle a élevé seule ses neuf enfants.

Mme Bricault coule aujourd’hui des jours paisibles à la Résidence Mia, dans le quartier Saint-Gérard, à Saint-Jean-sur-Richelieu. «On aimerait tous être comme vous», lui lance Nathalie Dessureault en lui servant une magnifique pointe de gâteau.

La propriétaire de la résidence privée pour aînés avait invité Le Canada Français pour fêter l’événement avec la centenaire. Des ballons gonflés à l’hélium flottaient dans la cuisine. La date de l’anniversaire de Mme Bricault était affichée en grand format sur un mur d’ardoise.

La centenaire est issue d’une famille de 13 enfants. Aînée des filles, elle a fréquenté l’école jusqu’à 13 ans. Une fois sa scolarité complétée, il était entendu qu’elle reste avec sa mère pour l’aider à s’occuper de la maison… et de la marmaille!

«J’ai appris très jeune à coudre par moi-même, raconte Aldéa Bricault. Vous vous doutez bien que ma mère n’avait pas beaucoup de temps pour me le montrer. La première chose que j’ai appris à faire, ce sont des couches!»

Autodidacte

Elle développe son talent avec une grande facilité. Très vite, elle augmente le niveau de difficulté de ses créations. À 12 ans, la jeune autodidacte se porte volontaire pour coudre la robe de confirmation de l’une de ses sœurs. Le résultat est digne d’une professionnelle.

Mme Bricault se marie à l’âge de 20 ans, dans sa ville natale de Farnham. Elle s’installe ensuite sur une ferme laitière, à Sainte-Brigide-d’Iberville. Nous sommes alors en pleine Deuxième Guerre mondiale. Pour se faire un revenu supplémentaire, le jeune couple accepte d’héberger deux prisonniers allemands sur sa ferme.

«Il y en avait un qui était très gentil, se souvient-elle. Ils étaient bien contents d’être à la ferme plutôt que dans un camp.» Les prisonniers des pays alliés avaient d’abord été détenus en Angleterre. Ils avaient ensuite été déportés dans plusieurs pays du Commonwealth, dont le Canada, face à la menace d’invasion d’Hitler de l’autre côté de la Manche.

Recyclage

La jeune mère de famille est une as du recyclage. Pas par souci de l’environnement, mais par nécessité. «Quand on était jeunes, il n’y avait pas de matériel sur le marché, raconte sa fille, Ginette Harbec. Ma mère décousait des manteaux d’hiver qu’elle récupérait pour nous en faire de nouveaux. C’était toute une créatrice!»

C’est une centenaire aux doigts de fée, ni plus ni moins. «Elle découpait des sacs d’épicerie de plastique en lanières pour en faire des sacs tressés, ajoute son fils, Normand Harbec. Elle a même déjà défait une paire de bottes en cuir pour en faire un sac d’école.»

Aldéa Bricault a vite appris à se débrouiller seule. Son mari était absent la plupart du temps. Elle décide donc de se divorcer, même si c’était très mal vu par l’Église. Il fallait beaucoup de courage pour oser se séparer dans les années 1960.

Couturière

Elle a longtemps travaillé comme couturière à la manufacture C.J. Grenier, sur le boulevard Saint-Joseph. «C’est le travail qui m’a gardée en forme, affirme Mme Bricault. Je ne me suis jamais laissée aller!» Sa fille Ginette croit plutôt que le secret de sa longévité se trouve du côté de la technique Nadeau, qu’elle pratiquait encore il n’y a pas si longtemps.

La centenaire est la première surprise d’atteindre cet âge vénérable. «Tu penses toujours que tu n’en auras pas pour longtemps. Ça doit être le Bon Dieu qui ne veut pas de moi!», s’exclame-t-elle.

Sa force de caractère et sa persévérance ont fait qu’elle a donné sa vie pour ses enfants, affirme Ginette Harbec. «Je suis fière de moi et de ma famille, conclut sa mère. Mes enfants m’ont toujours aidée et je n’ai jamais eu besoin de l’aide sociale. J’ai fait mon possible et je les ai élevés du mieux que j’ai pu.»