Algues bleues: les inondations en cause

Richard Lauzier, agronome au ministère de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’alimentation du Québec (MAPAQ) et principal porte-parole de la Coop de solidarité du bassin versant de la rivière aux Brochets, ne partage pas les conclusions d’Aleksandra Drizo. Il attribue plutôt le recul dans la lutte aux cyanobactéries aux inondations de mai 2011.

«Même s’il reste encore beaucoup à faire, les efforts déployés depuis 15 ans pour améliorer l’état de la rivière aux Brochets ont permis des améliorations notables», indique M. Lauzier.

Un projet ambitieux

Ce dernier affirme que la Lisière verte, un projet pilote réalisé de 2007 à  2009 dans le cadre du Programme pour l’amélioration du secteur canadien de l’agriculture et de l’agroalimentaire (PASCAA), a largement contribué à sensibiliser les agriculteurs de Pike River, Stanbridge Station, Notre-Dame-de-Stanbridge, Saint-Sébastien et Saint-Alexandre à l’importance d’une gestion responsable des terres agricoles.

«Pas moins de 56 des 66 producteurs agricoles du secteur ont collaboré à la réalisation de ce projet visionnaire. Un taux de participation de 85 %, ce n’est pas rien», insiste-t-il.

En échange d’une compensation financière de 675 $/ hectare pour deux ans, les agriculteurs dont les terres touchent à l’un des cours d’eau tributaires de la rivière aux Brochets (Ewing,  Granger, Pelletier, Castor et Petit Ruisseau) ont accepté d’aménager une bande riveraine de neuf mètres, de part et d’autre de la rivière, en remplaçant les cultures annuelles par des cultures pérennes/ vivaces (foin ou panic érigé) sans intrants (aucun fumier, fertilisant ou pesticide). Les zones inondables en bordure de la rivière ont également été prises en compte dans ce projet. Un chantier gigantesque qui a nécessité plus de 700 interventions mécaniques de toutes sortes.

«La bande riveraine est le dernier rempart pour empêcher la terre enrichie de se retrouver dans les cours d’eau», précise M. Lauzier.

Au dire de ce dernier, le projet a permis de réduire de 26 % les matières en suspension et de 12 % la quantité de phosphore présentes dans le cours d’eau témoin Ewing.

Une solution parmi d’autres

Richard Lauzier aurait bien aimé que les gouvernements donnent suite au projet pilote et «l’étendent» à d’autres régions, mais les compressions budgétaires, dit-il, ont parfois raison des meilleures intentions.

Même s’il croit toujours à l’utilité des bandes riveraines, le porte parole de la Coop prend cependant soin de préciser qu’elles ne peuvent pas régler tous les problèmes.

«Il faut également travailler sur la rotation des cultures, les pratiques culturales et la perméabilité du sol pour limiter le ruissellement des eaux et le déplacement des sédiments vers les rivières ou les lacs», indique M. Lauzier.

Ce dernier insiste par ailleurs sur l’importance du respect des normes environnementales minimales (trois mètres de la ligne des hautes eaux et un mètre du haut de talus). La surveillance des bandes riveraines, ajoute-t-il, ne relève pas du MAPAQ, ni du MDDEFP (ministère de l’Environnement), mais des inspecteurs municipaux.

«Même si 85 % ou 90 % des agriculteurs font preuve de bonne foi et comprennent la situation, il restera toujours des délinquants. Voilà pourquoi ça prend quelqu’un pour faire respecter les normes en vigueur», poursuit M. Lauzier.

L’agronome signale au passage que la MRC de la Haute-Yamaska a décidé d’aller plus loin en matière de réglementation en imposant la norme de trois mètres du haut de talus. D’autres MRC n’ont pas encore pris de décision à ce sujet, mais regardent ça de près», poursuit M. Lauzier.

Les inondations de mai 2011

Richard Lauzier fait également remarquer que les gains environnementaux attribuables aux efforts individuels ou collectifs sont souvent annihilés par les événements climatiques.

«Les inondations du bassin du lac Champlain et de la rivière Richelieu, survenues en mai 2011, ont entraîné le déplacement de quantités phénoménales de sédiments vers les cours d’eau et favorisé la croissance de certaines plantes aquatiques envahissantes. Des années d’efforts en matière de protection environnementale ont été anéanties en quelques semaines (…) On a ainsi perdu une bonne partie du terrain qu’on avait gagné avec les bandes riveraines et autres mesures similaires», précise le porte-parole de la Coop.

Ce dernier laisse également entendre que la lutte aux cyanobactéries n’est pas gagnée d’avance et constitue toujours un défi de taille.

«Le rapport d’analyse du projet pilote nous a appris que la charge annuelle de phosphore vers la baie Missisquoi attribuable aux activités agricoles représente 79 % de la charge totale. La présence de particules de phosphore dans l’eau en fait un milieu propice au développement des cyanobactéries en plus d’avoir des effets négatifs sur l’efficacité des systèmes de traitement de l’eau des municipalités. La collaboration des agriculteurs est donc essentielle à la résolution du problème», rappelle M. Lauzier.