Farnham rend hommage au major-général Forand

Le nom du major-général Alain Forand sera accolé à Farnham, au parc situé au nord de la rivière Yamaska, entre la passerelle Éva-Dulude et le pont Antonio-Bernier. Ce Farnhamien d’origine a assumé de lourdes responsabilités au sein des Forces armées canadiennes et possède une feuille de route impressionnante qui fait honneur à ses concitoyens.

La vie d’Alain Forand, comme celle de ces hommes et ses femmes vivant parmi nous et ayant servi aux quatre coins de la terre, demeure souvent peu connue du grand public. Sa carrière rappelle le rôle joué depuis longtemps par les troupes canadiennes à l’étranger et les dangers auxquelles elles ont maintes fois dû faire face.

Alain Forand s’est enrôlé en 1967 comme officier d’infanterie au sein du Royal 22e Régiment. «J’aimais les changements, je recherchais les défis. Je voulais faire quelque chose de différent», raconte-t-il. À 24 ans, il avait finalement déniché un métier à sa mesure. Dans l’armée, il a trouvé la camaraderie. S’y nouent des amitiés pour la vie, explique-t-il.

Quand on dit que les résultats de la mission en Afghanistan ne peuvent être envisagés qu’à long terme, Chypre en fournit un exemple. Le Canada y a envoyé des milliers soldats de 1964 à 1993 et vingt-huit d’entre eux n’en sont jamais revenus vivants.

Le général Forand, avec le Régiment aéroporté du Canada, y était présent au moment où la Turquie a décidé d’envahir la partie nord de la petite île. La situation s’est enflammée à l’été 1974.

Il commandait un peloton de reconnaissance de 55 jeunes soldats dont l’âge moyen n’était que de 19 ans. Pour combattre l’oisiveté de ses hommes, à leur arrivée au printemps, il les occupait à des exercices de mortier et à des travaux quand tout a sauté, relate-t-il.

Le 15 juillet 1974, un coup d’État est perpétré contre Mgr Makarios, avec l’encouragement de la junte militaire alors au pouvoir en Grèce. Cinq jours plus tard, les troupes turques débarquent dans le nord du pays séparant en deux l’île de la Méditerranée. «On ne pouvait pas faire grand-chose. Il fallait s’interposer. Nous n’avions pas les moyens pour les impressionner», se remémore-t-il en faisant référence aux deux camps en présence.

Deux soldats canadiens mourront et 36 militaires seront blessés gravement au cours de cet épisode de la mission de l’ONU. À l’époque, la situation des soldats canadiens en mission ne faisait pas la manchette des médias, fait-il remarquer.

Le lieutenant Forand alors âgé de 30 ans a risqué sa vie pour sauver celle de deux de ses camarades atteints par des balles en allant les récupérer, dans un champ de mines, sous le feu des tirs. Il s’est vu décerner l’Étoile du courage pour cet acte de bravoure.

Ex-Yougoslavie

En août 1995, le général Alain Forand était commandant du secteur sud de la mission des Nations unies en Croatie, en ex-Yougoslavie, durant l’attaque de l’armée croate pour reprendre le territoire des «Krajinas» occupé en 1991 par les Serbo-croates. Connue sous le nom d’Opération Storm, cette offensive croate allait provoquer le déplacement de 200 000 Serbo-croates.

Alain Forand commandait alors 5000 militaires comprenant principalement quatre bataillons provenant du Canada, de la République tchèque, de la Jordanie et du Kenya. Son quartier général était situé dans la ville de Knin, capitale du gouvernement serbo-croate des Krajinas.

Quelques mois auparavant, l’armée croate avait envahi le secteur ouest et des contingents de la mission de l’ONU avaient déguerpi laissant une mauvaise impression. Le général Forand était décidé pour sa part à s’y maintenir estimant que la présence des troupes onusiennes pouvait empêcher les massacres.

À l’aube du 4 août, les combats ont commencé et ont perduré jusqu’au 8 août. Des sites non militaires comme l’hôpital étaient sous le feu de l’artillerie croate. Le général Forand a envoyé un message de protestation au gouvernement croate. 

De nombreuses personnes, des Serbes pour la plupart ont commencé à se masser près du camp des troupes de l’ONU pour s’y réfugier. Malgré les supplications du Haut-Commissariat aux réfugiés de l’ONU dont la politique était de ne pas les laisser entrer et malgré les pressions de l’armée croate disant qu’il y avait des criminels parmi eux, le général Forand a décidé de leur ouvrir les portes. «Les Serbes étaient les méchants, dans l’opinion internationale, rappelle-t-il. Pour moi c’était simplement de pauvres gens qui payaient la note et qui s’étaient enfuis,» se remémore-t-il. Ils étaient des vieillards et des enfants pour la plupart, précise-t-il. Sa conscience ne lui permettait pas d’agir autrement.

Il accueillera ainsi 1250 personnes, des Serbes, mais aussi des Croates civils pris sous le feu de l’attaque, dans le camp des Casques bleus.

À son retour au Canada, Alain Forand recevra la Croix du Service méritoire pour son comportement dans une situation extrêmement difficile.

Autres défis

La carrière militaire de M. Forand l’a également amené au Sahara occidental en 1991. D’abord officier supérieur de liaison auprès du Front Polisario, il devint par la suite le commandant adjoint de la mission de surveillance du référendum par les Nations Unies.

Alain Forand a par ailleurs commandé les troupes durant la crise du verglas de 1998. Il était alors commandant du secteur du Québec de la Force terrestre, le grand patron de l’armée dans la province.

Témoignant de la haute réputation dont il bénéficie chez les anciens et du leadership certain qu’il exerce toujours, la section locale de l’Association des vétérans gardiens de la paix a été baptisée de son nom. La succursale major-général Alain Forand regroupe quelque 80 vétérans Casques bleus de la Rive-Sud et possède son siège à Saint-Jean-sur-Richelieu.

Le major-général a quitté la vie militaire en 2000, après trente-trois ans de service, mais demeure cependant près du milieu. Il est consultant auprès du Centre d’expérimentation des Forces canadiennes et agit comme mentor auprès des officiers inscrits au Collège d’État major de Toronto.