Les opposants au prolongement de l’autoroute 35 défendent leur position

TRANSPORT. La géographe Clémence Benoit, de Saint-Armand, croit plus que jamais que le parachèvement de l’autoroute 35 n’a plus de raison d’être en 2020. Voilà pourquoi elle entend continuer à réclamer l’abandon de ce «projet datant d’une autre époque».

«J’ai décidé de créer le groupe de mobilisation Non à l’autoroute 35 puisque, peu importe l’heure qu’il est, il m’est impossible de taire mes craintes et mes préoccupations, source supplémentaire d’éco-anxiété dont bon nombre de jeunes souffrent davantage à chaque année. Mon objectif est clair: je veux informer la population, pousser les gens à questionner les informations qu’ils reçoivent et les amener à comprendre que nous n’avons pas besoin d’autoroute entre Saint-Sébastien et la frontière. Ma réflexion est globale, construite à partir de la littérature scientifique et orientée pour le bien commun de la région et du Québec, et non envers mes intérêts personnels ou ceux des citoyens qui aimeraient bien que l’autoroute ne passe pas sur leur terrain», signale Mme Benoit.

La porte-parole du Groupe de mobilisation constate avec satisfaction que «le mouvement grossit lentement, mais sûrement».

Elle signale que les articles de journaux publiés le mois dernier ont offert «une belle visibilité» au groupe d’opposants et contribué à relancer le débat. Elle ajoute que les médias sociaux «aident le mouvement à gagner du terrain et à propager l’information vraie».

Mme Benoit prend soin de préciser que les opposants au projet ont reçu «de belles attaques», mais qu’ils entendent continuer à défendre leur position et à répondre aux arguments des partisans du projet «au meilleur de leur connaissance».

Inconvénients

Clémence Benoit soutient que les affirmations des personnes en faveur du parachèvement de l’autoroute 35 ne tiennent pas la route, y compris celles des maires de la région.

«Plusieurs personnes sont en faveur de l’autoroute, mais pour les mauvaises raisons. Elles parlent du problème de sécurité sur la route 133 en croyant que l’autoroute y remédiera (…) Même avec le prolongement de l’autoroute 35, la route 133 continuera d’être le lieu d’une importante circulation de véhicules lourds (…) à Pike-River», indique-t-elle.

Mme Benoit estime par ailleurs qu’il y a lieu de questionner la pertinence de ce projet dans le contexte social et environnemental actuel.

«On est en 2020, on vit une pandémie mondiale, on subit chaque année des phénomènes hydrométéorologiques de plus en plus extrêmes qui nous montrent bel et bien que les changements climatiques sont réels, on comprend de mieux en mieux l’importance des milieux naturels et des milieux humides sur la résilience de nos écosystèmes aux perturbations climatiques, et surtout on réalise de plus en plus l’importance de la souveraineté alimentaire du Québec, de produire et consommer localement et donc l’importance de préserver nos terres agricoles», affirme-t-elle.

L’instigatrice du mouvement d’opposition poursuit en disant que l’autoroute 35 n’est pas nécessaire et que son parachèvement peut même être source de problèmes.

«Souhaitons-nous réellement investir des millions pour un bout d’autoroute qui nous permettra de sauver, au plus, une dizaine de minutes entre la frontière américaine et Montréal; une pièce de béton qui, entraînant à sa suite une batterie de Tim Horton et de McDonald, défigurera nos villages aussi certainement que le fameux centre d’achat de la chanson des Colocs? Souhaitons-nous réellement balafrer nos campagnes d’une imposante infrastructure qui conduira à la perte de terres agricoles de qualité exceptionnelle, alors que le pouvoir attractif actuel de notre région, spécialement en temps de pandémie où les habitants des villes cherchent par tous les moyens à fuir l’épidémie, c’est la possibilité du retour à la terre, loin de la folie et de la surpopulation urbaine? Avons-nous réellement réfléchi aux coûts associés à l’entretien de cette nouvelle route, aux nouveaux dangers qu’elle apportera, à la trame paysagère rurale qu’elle perturbera, et aux travaux qui devront également être réalisés sur la route 133? Pensons-nous réellement améliorer la qualité de vie de quiconque avec cette autoroute, alors que tous les impacts associés porteront une réelle atteinte à la santé globale de toute une région?», se demande-t-elle.

Appel aux maires

L’agriculteur Claude Benoit, de Saint-Armand, en a également long à dire sur le sujet, lui qui suit attentivement le dossier depuis le milieu des années 2000.

M. Benoit prend d’abord soin de rappeler que les phases I et II du projet ont été réalisées par le gouvernement Charest et que, par la suite, ni le gouvernement Marois ni le gouvernement Couillard n’ont mis en chantier la phase subséquente.

«Aujourd’hui, nous sommes face à une nouvelle décision politique, qui est présentée ouvertement comme faisant partie d’un ensemble de mesures pour relancer l’économie après COVID. L’idée est compréhensible, mais indéfendable. On ne peut repartir notre économie qu’en misant sur des projets générateurs de richesse, de bien-être, d’éducation. À l’époque, nous faisions remarquer que la seule retombée économique du parachèvement de la 35 serait l’activité entourant sa réalisation. Aujourd’hui, rien ne permet de penser que ce sera différent», affirme-t-il.

Selon M. Benoit, l’importance du projet justifie que les élus prennent le temps nécessaire pour le comprendre et prendre une position éclairée.

«En raison des sommes colossales injectées par les gouvernements pour lutter contre la COVID (..)  on doit s’attendre à une longue période de gestion très serrée des dépenses publiques.  Quand nous regardons l`état actuel de nos routes, nous doutons qu’un seul élu rêve d’en avoir de nouvelles à entretenir. Nous nous disons aussi que les quelques centaines de millions, que coûterait ce bout d’autoroute inutile, pourrait faire une différence, si utilisés pour édifier une meilleure société», poursuit-il.

Le producteur agricole insiste par ailleurs sur l’importance – pour la population et pour ceux qui les représentent – de se poser les bonnes questions et de prendre les bonnes décisions.

«En tant qu’élus, vous avez vraiment un devoir de leadership. Vous pouvez être certains que la population sera avec vous et que les jeunes seront fiers de nous. Vous serez les premiers maires à avoir demandé et obtenu du gouvernement qu’il enterre pour toujours un projet d’autoroute», insiste-t-il.