Les victimes du collège St-Césaire bientôt indemnisées

Après presque cinq ans de procédures judiciaires, 206 victimes de frères membres de la Congrégation de Sainte-Croix ont finalement vu le recours collectif qu’elles avaient intenté en 2008 aboutir. D’ici quelques jours, les anciens élèves du collège Saint-Césaire, du collège Notre-Dame et de l’école Notre-Dame de Pohénégamook seront indemnisés pour les sévices sexuels subis entre 1950 et 2001. Ils recevront des montants variant de 10 000$ à 250 000$  selon la gravité des gestes infligés et les préjudices qu’ils ont causés.

Au total, 12M $ seront versés directement aux victimes. En incluant les frais d’avocats et les autres dépenses administratives, la somme atteint les 18M $. «En déposant l’enveloppe, je vais déposer tous les mauvais souvenirs et tout ce qui est amer», confie un Jacques Viens apparemment libéré.

À 50 ans, l’homme de Saint-Paul-d’Abbotsford peut enfin mettre un baume sur les blessures qu’il traîne depuis son passage au collège Saint-Césaire, alors qu’il n’avait que 13 ans. S’il se dit satisfait et reconnaissant du travail «incroyable» de son avocat, Me Alain Arsenault, il en est autrement de l’attitude des représentants de la Congrégation. «Les avocats des frères de Sainte-Croix ont été très durs, très arrogants et condescendants envers les victimes. Mais l’important, c’est qu’on a gagné au bout de la ligne, malgré toutes les embûches qu’ils ont pu mettre sur notre passage», soutient-il.

Le porte-parole des victimes, Sébastien Richard, avait lui aussi parlé «d’acharnement» de la part des représentants des religieux lors d’une déclaration au Palais de justice de Montréal, le 3 juillet dernier. Ce jour-là, le juge Claude Auclair avait entériné le jugement qui ordonne le versement des indemnités aux victimes, mettant officiellement fin à la saga judiciaire. «Vous avez tout fait pour étirer les délais et nous torturer en contestant de manière abusive les affirmations assermentées des victimes, ceci à leurs frais», avait dénoncé M. Richard en s’adressant aux membres de la Congrégation de Sainte-Croix.

Jurisprudence

Si Jacques Viens et Sébastien Richard s’accordent pour dire que la victoire de leur avocat s’apparente à celle de David contre Goliath, le principal intéressé n’est pas du même avis. «Je ne suis pas trop du genre à m’épancher sur mes sentiments dans ce type de dossier. Je ne vous dirai pas que ça a été facile, mais je ne suis pas David. Je ne suis pas Goliath. Je suis un avocat, c’est tout», affirme Me Arsenault.

Malgré son humilité, il est parfois possible de déceler dans la voix de l’avocat une certaine fierté lorsqu’il parle des indemnités que toucheront les victimes des frères de Sainte-Croix. « On a fait quelque chose qui ne s’était jamais fait. On est allé réclamer de l’argent pour les parents des victimes. La Congrégation leur donnera 910 000 dollars. En tout, c’est grosso modo 13M $ qui vont aller directement aux victimes et leurs parents », souligne-t-il.

René Cornellier, l’homme à l’origine du recours collectif, n’est d’ailleurs pas une victime directe des religieux de Sainte-Croix. En septembre 2008, M. Cornellier a appris que son fils, alors décédé depuis plusieurs années, avait été agressé par les hommes qui devaient l’éduquer. « Il a placé ses deux fils et sa fille dans des pensionnats à un moment plus difficile de sa vie, parce que leur mère était décédée. C’était pour qu’ils aient la meilleure éducation possible, pas pour qu’ils se fassent agresser», raconte Alain Arsenault.

Bien que le dossier soit aujourd’hui affaire classée, Me Arsenault croit qu’il est important de considérer le nombre de personnes qui y étaient impliquées. «Pour une victime qui dénonce, il y en a dix qui ne le font pas. Ici, on a un peu plus de 200 personnes qui ont parlé. Il y a eu, en réalité 2 000 victimes. Beaucoup d’autres ont été agressés sans que quiconque le sache», dénonce-t-il.

Jacques Viens avoue qu’il n’aurait jamais entamé lui-même des procédures judiciaires. «Seul, je n’aurais pas intenté un recours. Je n’aurais pas eu ce courage-là et je respecte ceux qui ne peuvent pas se dévoiler.» Aujourd’hui, après plusieurs années de lutte, lui et les 205 autres victimes des frères de Sainte-Croix qui seront indemnisés peuvent passer à autre chose. «Maintenant, on peut panser les blessures et survivre à tout ça.»

Le recours collectif en chiffres

• 3 collèges impliqués

• 5 ans de démarches judiciaires

• Environ 50 abuseurs (dont deux ayant agressé plus de 35 enfants)

• 206 victimes indemnisées

• 13,4M $ en indemnités pour les victimes et leurs parents

• 18M $ payés au total par la Congrégation, incluant les indemnités et les frais d’avocats