Réservoir municipal: Bedford doit-elle repeindre ou démolir?

Plusieurs châteaux d’eau ont disparu du paysage québécois ces dernières années. Ces réservoirs municipaux sont souvent en mauvais état et leur entretien coûte une petite fortune. Confrontée au même problème, la Ville de Bedford amorce aujourd’hui une réflexion sur l’avenir de l’imposante structure d’acier de la rue Rivière.

Visible à des kilomètres à la ronde, le château d’eau de Bedford fait partie du paysage urbain depuis des décennies et a fini par devenir un véritable symbole au fil du temps. Le service de protection incendie l’a notamment mis en évidence sur ses camions et un promoteur domiciliaire de la rue Victoria l’a par ailleurs adopté pour sa signature corporative.

«Le symbole de la Ville de Bedford est aujourd’hui passablement défraîchi. Il faut agir avant qu’il ne soit trop tard», estime le nouveau maire, Yves Lévesque.

Le directeur général de la municipalité, Yvon Labonté, abonde dans le même sens et prend soin de rappeler que la couleur du château d’eau est passée de gris à rouille de façon graduelle.

«Le conseil de ville dirigé par le maire Claude Dubois était déjà bien au fait du problème et en discutait à chaque année», précise ce dernier.

Trois alternatives

Le conseil municipal dispose en fait de trois alternatives: laisser le réservoir dans son état de délabrement actuel, le repeindre à grands frais ou le faire disparaître une fois pour toutes.

Pour la guider dans sa réflexion, l’administration Lévesque a décidé de commander une étude, au coût de 25 000 $, sur la qualité de la structure.

«À première vue, la tour et le réservoir semblent être en bon état, mais il faut regarder ça de plus près. Si l’étude démontre qu’il y a risque d’affaissement, la municipalité devra agir rapidement en consolidant la structure ou en la démolissant. Dans le cas contraire, on devra décider du moment opportun pour la repeindre. En 2016, peut-être», résume M. Lévesque.

Sur la base d’une évaluation datant de quelques années, la démolition du château d’eau pourrait coûter 150 000 $. Si la Ville décidait de décaper (sandblasting) la tour et la citerne, puis de la repeindre, la facture pourrait grimper jusqu’à 350 000 $.

«Comme la peinture utilisée à l’époque contenait sans doute du plomb, il faudra tendre des toiles aux abords de la structure et au-dessus de la rivière pour récupérer les particules de peinture. Les coûts d’assurance et de CSST risquent également d’être assez élevés», explique M. Labonté.

Selon l’auteur de Bedford raconté, Philippe Fournier, le château d’eau n’aurait pas été repeint depuis une quarantaine d’années.

«Si mes souvenir sont exacts, le travail avait été fait par un dénommé Duclos à l’aide d’un fusil à peinture», précise M. Fournier.

Bientôt 100 ans

Le livre Bedford raconté nous apprend que la mise en place d’un système d’aqueduc et la construction du réservoir d’eau du 138 de la rue Rivière ont fait suite à deux incendies majeurs. Un premier, survenu en mai 1911, qui consuma trois établissements commerciaux et une dizaine de maisons résidentielles du côté nord-est de la rue Rivière. Le deuxième, celui de décembre 1913, rasa la principale entreprise locale, la Bedford Manufacturing Co., située au nord-est du pont Zéphir-Falcon.

Les propriétaires de la Bedford Manufacturing Co. menaçaient d’aller s’établir dans «une autre ville moins risquée» si aucun effort tangible n’était entrepris afin d’améliorer les équipements de lutte contre les incendies. La nouvelle compagnie Torrington menaça à son tour de quitter Bedford si la municipalité ne se dotait pas «sur-le-champ» d’un réseau d’aqueduc.

La construction du réseau d’aqueduc et du réservoir aérien a finalement commencé en août 1915.

«Le réservoir de Bedford aura donc cent ans l’an prochain», fait remarquer M. Fournier, en faisant référence à cette structure qui permettait à l’époque d’assurer une pression constante dans les conduites de l’aqueduc et  de répondre à la forte demande en eau lors d’un incendie.

Au dire de ce dernier, le château d’eau constitue «une antiquité» et mérite d’être conservé si le coût de sa restauration n’est pas trop élevé. La disparition de plusieurs structures similaires – Saint-Bruno en 2012 et Sudbury en 2011 notamment – en fait désormais une denrée rare.