Sainte-Brigide-d’Iberville: une bleuetière sous haute protection grâce à Toriel

NATURE. La bleuetière Sur le champ, de Sainte-Brigide-d’Iberville, n’a pas besoin d’épouvantail ou de filets pour éloigner les oiseaux de la plantation. C’est Toriel, une buse de Harris, qui s’en charge.

«Plusieurs plages, aéroports et autres endroits publics ont recours à des oiseaux de proie, mais cette pratique n’est pas courante en agriculture. Je suis le seul producteur de bleuets, membre du Club-conseil de Corymbe, à avoir fait ce choix», indique Stéphane Surprenant.

Il faut savoir que l’utilisation des oiseaux de proie pour le contrôle animalier est très réglementée et nécessite la présence d’un fauconnier à leurs côtés en tout temps. Et on ne devient pas fauconnier du jour au lendemain!

«Ça prend 50 heures d’accompagnement pour devenir apprenti et 200 heures de plus pour obtenir le titre de fauconnier. J’ai appris le métier en 2015 en compagnie de Marie-Ève Castonguay, instructrice et copropriétaire de GPF, une entreprise spécialisée dans la gestion de la faune. Cette dernière m’a accompagné pendant tout un été, à raison de quatre heures par jour et de deux jours/semaine. Un investissement de 4 000 $ qui vaut aujourd’hui son pesant d’or», précise le propriétaire de la bleuetière.

La même année, M. Surprenant et sa conjointe, Emmanuelle Giroux, ont fait l’acquisition d’une buse de Harris répondant au nom de Toriel.

«Une femelle se vend près de 1 500 $ alors qu’un mâle coûte de 800 $ à 900 $. Ça peut paraître beaucoup, mais c’est beaucoup moins dispendieux que l’installation de filets au-dessus des plants de bleuets», ajoute M. Surprenant.

Ce dernier estime que l’installation de filets lui aurait coûté près de 35 000 $.

«Les filets finissent par brûler au soleil et doivent être remplacés aux cinq ans. Ça finit par coûter cher», explique-t-il.

Une bleuetière sans protection peut perdre jusqu’à 45 % ou 50 % de sa récolte, les oiseaux du Québec étant très friands de bleuets. L’utilisation de filets élimine les pertes en presque totalité alors que le recours à un oiseau de proie élimine 90 % des pertes.

L’entretien d’un oiseau de proie

Toriel avait deux mois quand le couple Surprenant-Giroux en a fait l’acquisition. Cette buse de Harris a maintenant trois ans et a une espérance de vie de 15 à 20 ans.

«Elle va commencer à pondre cette année. On parle de deux pontes par année et de deux à cinq oeufs par ponte. Ses bébés permettront d’assurer la relève», signale M. Surprenant.

L’élevage de ce type d’oiseau nécessite un suivi régulier et n’est pas de tout repos.

«Pendant la période des récoltes, on prend soin de s’assurer que le poids de Toriel soit supérieur à 930 grammes (g) tout en ne dépassant pas 980 g. De cette façon, on s’assure que l’oiseau n’est pas trop lourd pour voler et a suffisamment faim pour revenir à la volière après sa journée de travail. Quand l’animal est trop lourd, il devient indépendant, se perche au sommet d’un arbre et ne répond plus aux ordres», explique le fauconnier de Sainte-Brigide.

Toriel commence son quart de travail vers 4h30 ou 5h du matin, quand les oiseaux commencent à se manifester. Elle surveille ensuite la bleuetière tout au long de la journée, jusqu’à 16h30.

Un GPS miniature, installé sur l’une des pattes de l’animal et relié à un satellite, fournit au propriétaire des indications sur la hauteur, la vitesse et l’emplacement de l’oiseau.

«Il n’est pas question de laisser Toriel sans surveillance pour autant. Ma présence à ses côtés est indispensable pour éviter qu’elle attaque un autre animal et gagne en pesanteur. Si la buse attrape un autre animal, il suffit de se faufiler derrière elle et de lui tendre un morceau de viande de perdrix pour qu’elle relâche sa proie. Elle y va toujours au plus facile», explique M. surprenant.

L’oiseau de proie de la bleuetière Sur le champ attaque rarement un autre oiseau.

«Quand Toriel surveille les plants de bleuets, les oiseaux se passent le mot et ne s’aventurent pas dans nos champs. Son rôle est avant tout préventif», poursuit le fauconnier de formation.

En dehors des deux mois de récoltes, Toriel est en vacances… et peut prendre du poids.

«On fait monter son poids à 1 300 g pour l’aider à passer l’hiver au froid, puis on la met au régime un peu avant la saison des récoltes», ajoute son propriétaire.

Même si Toriel est un oiseau de proie, on peut facilement l’approcher en présence de son maître.

«En 2016, les jeunes du camp de jour de Bedford sont venus nous rendre visite et ont pu toucher la buse, la manipuler et se faire prendre en photo avec elle.

Toriel a repris du service, vendredi dernier, sous le regard des premiers cueilleurs et autocueilleurs de la saison. On peut parier que les oiseaux du voisinage sont déjà informés de sa présence et y penseront à deux fois avant de s’aventurer dans la bleuetière.