Suspension de permis pour l’Hôtel Bedford

Une simple demande d’ajout d’un permis de bar sur la terrasse de l’Hôtel de Bedford, sis sur la rue Rivière, s’est soldée par la suspension du permis d’alcool pour une période de 60 jours. Trafic de cocaïne, entrave au travail des policiers, contenants non timbrés et de nombreux avis d’infraction expliquent la décision de la Régie des alcools, des courses et des jeux (RACJ) rendue le 4 février dernier.

En juin 2011, soit un mois après une frappe policière à l’Hôtel de Bedford, le titulaire du permis, Arthur Ditcham, a formulé une demande à la RACJ pour l’ajout d’un bar sur terrasse d’une capacité de 15 personnes. La Sûreté du Québec (SQ) s’est opposée à cette demande, notamment à cause du trafic de stupéfiant et de contrebande de cigarettes.

D’après la décision rendue par la RACJ, dont lAvenirEtDesRivière.com a obtenu copie, la SQ a obtenu des informations du public, en janvier 2011, indiquant qu’il y aurait vente de stupéfiants à l’Hôtel de Bedford. Ces renseignements ont permis aux enquêteurs de la SQ de Brome-Missisquoi d’enclencher une enquête qui a duré plusieurs mois.

Une première vérification à l’établissement de la rue Rivière, le 19 janvier 2011, a permis aux policiers de localiser une sonnette près du bar. «Selon les informations reçues, les clients se présentent au bar et demandent à voir Jim. Si celui-ci n’est pas au bar, l’employé du bar appuie sur une sonnette et communique avec Jim qui se trouve en haut où sont les chambres. Le client peut sniffer dans la cuisine commune en haut ou aller dans la salle de bain du bar», peut-on lire dans le document de onze pages.

Le mois suivant, les policiers ont effectué de la surveillance à l’extérieur de l’Hôtel de Bedford. Ils «constatent que deux personnes font un aller-retour au bar pour une durée de 5 minutes».

Le 15 avril 2011, deux agents d’infiltrations sont entrés en jeu. Ils se sont présentés à l’établissement où l’un d’entre eux a fait l’achat d’un sachet de 0,5 gramme de cocaïne pour la somme de 50$ auprès de Ghislain Reeves. Un peu plus tard dans la soirée, les deux policiers infiltrés sont retournés à l’Hôtel de Bedford pour y acheter un second sachet de 0,5 gramme de cocaïne, cette fois-ci auprès de James Clohosy, alias Jim. Une semaine plus tard, les deux agents d’infiltration s’y sont rendus à deux reprises afin d’y conclure deux transactions. Le 27 avril, les deux policiers se sont présentés une première fois au débit de boisson et ont rencontré Darin Ditcham, le gérant de l’endroit et fils du propriétaire. Ce dernier leur a indiqué ne pouvoir leur fournir que du cannabis. «L’agent y retourne donc plus tard et Darin Ditcham lui indique qu’il a ce qu’il veut. Il se dirige dans le bureau accessible par le bar et lui remet un sachet de 0,5 gramme de cocaïne», lit-on dans la décision.

Frappe policière

Le 12 mai 2011, l’Hôtel de Bedford a été la cible d’une frappe policière. La perquisition a permis aux policiers de saisir cinq demi-grammes de cocaïne, de l’argent, de la documentation et l’équivalent de 75 cartons de cigarettes de contrebande. Les policiers ont également saisi une bouteille de vin mousseux et une bouteille de vin puisque le timbre de la Société des alcools du Québec n’était pas apposé sur les contenants contrevenant ainsi à la Loi sur les infractions en matière de boissons alcooliques (LIMBA). En outre, un autre article de loi a été enfreint puisque le permis d’alcool n’était pas affiché à la vue du public lors de la perquisition.

Arthur Ditcham, propriétaire de l’Hôtel de Bedford, son fils et gérant Darin Ditcham, William Force, James Clohosy et Ghislain Reeves ont tous été arrêtés. Au lendemain de la frappe policière, Arthur Ditcham a été accusé de possession de stupéfiants en vue de trafic et de trafic de drogue. Il a été détenu jusqu’au 17 mai 2011 moyennant une caution de 500$ et des conditions à respecter. Il a été acquitté de ces deux chefs d’accusation le 13 janvier 2012.

James Clohosy, alias Jim, a plaidé coupable à une accusation de trafic de stupéfiants. Il a reçu une sentence de 12 mois de prison.

Darin Ditcham a lui aussi plaidé coupable à l’accusation de trafic de drogue qui pesait contre lui. Le 1er août 2011, il a été condamné à purger trois mois et 15 jours d’emprisonnement.

Enfin, William Force et Ghislain Reeves ont enregistré un plaidoyer de culpabilité à une accusation de trafic de stupéfiants et ont reçu une sentence de six mois avec sursis.

D’autres manquements

L’Hôtel de Bedford n’en est pas à ses premiers déboires avec la RACJ. En février 1999, le permis d’alcool de l’établissement a été suspendu pour une période de 30 jours pour de nombreuses infractions relatives à la Loi sur les infractions en matière de boissons alcooliques (LIMBA). Au fil des ans, le propriétaire du débit de boisson de la rue de la Rivière a reçu au moins quatre avis d’infraction en raison de différents manquements à la règlementation en vigueur.

En marge de l’audience de la RACJ, les policiers de Brome-Missisquoi ont aussi déposé des documents faisant état d’ébriété et d’entrave au travail des policiers, ce qui contrevient à la Loi. Le 9 avril dernier, vers 18h30, les patrouilleurs se sont rendus à l’établissement afin d’assister les ambulanciers. Ils ont constaté «que le propriétaire est en état d’ébriété ainsi que deux autres clients.» Deux heures plus tard, la SQ s’est présentée de nouveau au bar et a constaté que la porte était verrouillée. «Le 30 avril 2012, les policiers constatent la présence du titulaire à l’établissement et que la porte est toujours barrée», lit-on dans le document.

Permis suspendu 60 jours

Au début de la seconde journée d’audience à la RACJ, le 5 décembre dernier, les procureurs des deux partis ont annoncé qu’une entente avait été conclue, soit une proposition conjointe recommandant une suspension du permis pour une période de 60 jours. En outre, le titulaire, Arthur Ditcham renonçait à demander un permis de bar pour sa terrasse extérieure. La RACJ a entériné cet accord et a ordonné la suspension du permis pour une durée de 60 jours. M. Ditcham s’est également engagé «à ne pas admettre de clients dans une pièce visée par son permis suspendu pendant la période de suspension», écrit la RACJ.

Dès que la décision est rendue, elle est transmise au corps de police, explique Joyce Tremblay, porte-parole de la RACJ. La SQ de Brome-Missisquoi doit donc se rendre à l’Hôtel de Bedford afin de mettre sous scellés les boissons alcooliques qui se trouvent sur les lieux. «La loi ne prévoit pas de délai pour la mise sous scellé, mais généralement, les policiers attendent environ 30 jours avant de procéder», indique l’agente Aurélie Guindon, porte-parole de la SQ de l’Estrie.