Boues usées municipales: les agriculteurs en redemandent!

MINE D’OR – Les boues provenant du traitement des eaux usées, aussi appelées biosolides municipaux, ont des propriétés fertilisantes qui n’ont rien à envier aux fumiers. Ces matières résiduelles ont de plus en plus la cote auprès des agriculteurs en raison de leur excellent apport en matières organiques.

«Les matières résiduelles fertilisantes (MRF) sont de plus en plus recherchées, tant et si bien que l’on n’arrive plus à fournir à la demande. Et pas besoin de faire beaucoup de promotion, car nous avons déjà une listes d’attente d’agriculteurs intéressés à épandre les boues dans leurs champs», indique l’ingénieur France Pellerin, de la firme Andana Services Inc.

Cette dernière explique que les producteurs agricoles peuvent acheter du phosphore et de l’azote, mais que la matière organique ne s’achète pas. Les produits riches en matière organique n’ont donc pas de prix, au sens propre comme au sens figuré.

Pratique peu répandue

L’utilisation des fumiers humains pour fertiliser les sols est une pratique agricole vieille comme le monde et était déjà en vigueur dans l’Antiquité.

«En France, pas moins de 70 % des boues municipales sont épandues en milieu agricoles. Au Québec, à peine le quart des MRF est utilisé pour fertiliser les terres. Les trois autres quarts sont incinérés ou dirigés vers les sites d’enfouissement, deux procédés qui génèrent des gaz à effet de serre. Les données datent de 2012», signale Renée Plamondon, directrice générale adjointe de la division Estrie-Montérégie au ministère de l’Environnement.

Le bilan 2011 de Recyc-Québec révèle par ailleurs que la quantité de biosolides enfouis ou incinérés a chuté de 16 % dans la Belle province entre 2008 et 2011.

Près d’un million de tonnes (humides) de MRF sont épandues chaque année sur environ 3 % des terres agricoles du Québec.

«Si on recyclait 100 % des biosolides municipaux, on utiliserait à peine 8 % à 10 % de la surface agricole. En d’autres mots, il n’y aucun risque que le territoire agricole soit inondé de MRF», précise Mme Pellerin.

Dans Brome-Missisquoi et en Haute-Yamaska, la valorisation des MRF en milieu agricole a mis du temps à se répandre en raison du nombre élevé d’élevages porcins – à Ange-Gardien et Saint-Alphonse-de-Granby notamment – et de l’abondance de lisier.

Partenariat rural-urbain

L’épandage des MRF profite aussi bien aux municipalités aux prises avec des biosolides dont elles devraient autrement se départir à grands frais (enfouissement ou incinération) qu’aux producteurs agricoles qui y trouvent une source de matières fertilisantes de grande valeur.

«Les biosolides, on les donne aux agriculteurs, mais on n’est pas en mesure de leur garantir un approvisionnement régulier et en grande quantité. Les frais de transport, entre l’usine d’épuration et l’exploitation agricole, sont assumées par les municipalités qui, faut-il le rappeler, payaient déjà pour le transport des MRF vers les sites d’enfouissement», résume la porte-parole de la firme Andana.

L’épandage des MRF en milieu agricole est très réglementé et soumis à des normes très strictes.

«On dénombre environ 1 000 projets d’épandage de biosolides municipaux par an sur le territoire québécois et chaque projet doit être suivi par un agronome», signale Mme Pellerin.

Le gouvernement du Québec oblige par ailleurs les producteurs agricoles à produire un plan agroenvironnemental de fertilisation  (PAEF) à la mi-mai de chaque année.

«Les agriculteurs ne peuvent pas fertiliser comme bon leur semble, mais doivent se limiter aux quantités requises par le sol. Si les fermes spécialisées dans les grandes cultures (maïs, soya, etc.) se qualifient aisément, les fermes dédiées à la consommation humaine – les cultures maraîchères par exemple – ne sont pas admissibles. Environ le quart des 20 000 fermes du Québec peuvent recevoir des biosolides municipaux. On épand généralement les MRF sur les terres présentant un gros déficit en phosphore», poursuit Mme Pellerin.

L’épandage des boues municipales est autorisé entre le 1er avril et le 1er octobre et est interdit sur un sol gelé ou enneigé.

«Les municipalités ne peuvent bannir l’importation de biosolides municipaux plus de trois jours consécutifs et pour un maximum de douze jours par an», précise Mme Pellerin.

Risques pour la santé

Les porte-paroles des ministères de l’Agriculture et de l’Environnement s’entendent pour dire que l’épandage des MFR en milieu agricole ne représente qu’un risque minimal pour la santé humaine ou animale.

«L’agronome doit notamment démontrer que les boues municipales sont d’assez bonne qualité pour être épandues», indique Mme Plamondon.

Au dire de cette dernière, la présence de métaux lourds dans les MRF serait «semblable» aux engrais de ferme.

«Une analyse des boues usées de la Ville de Granby réalisée en 2013 démontre que les quantités de métaux lourds sont largement inférieures aux normes permises: 0,27 milligrammes versus 4 milligrammes par kilogramme de boues base sèche pour le mercure, 12,4 versus 300 pour le plomb, 41,3 versus 1060 pour le chrome, etc. Il convient d’ajouter que les normes québécoises sont parmi les plus sévères au monde», précise Mme Pellerin.

La DG d’Environnement Estrie-Montérégie se fait également rassurante sur la présence de médicaments dans les MRF.

«Les quantités, affirme-t-elle, sont tellement faibles qu’il n’y a pas de risque pour la santé.»

La porte-parole d’Andana Services Inc. abonde dans le même sens  et précise que les études démontrent des «concentrations extrêmement faibles» de médicaments dans les boues municipales.

«Une étude d’Agriculture Canada fait état d’une demi-pilule par hectare», ajoute-t-elle.

Cette dernière fait également remarquer que «la très grande majorité» des médicaments est biodégradable, bien que les biodépresseurs échappent à cette règle.