La pénurie d’infirmières augmente le risque de mortalité des patients

SANTÉ. C’est dans le cadre du Congrès de l’Acfas, qui se déroule cette semaine à Montréal, que le professeur de l’Université de Sherbrooke Christian Rochefort a présenté le fruit de ses recherches sur les ressources infirmières dans les hôpitaux. Les conclusions sont pour le moins inquiétantes.

Par Cynthia Dubé

Les résultats de cette étude démontrent qu’il y a un lien direct entre les heures supplémentaires, le personnel moins qualifié et le risque de mortalité chez les patients.

«Le travail d’une infirmière est de surveiller les patients et de détecter les changements subtils dans leur état de santé pour prendre les mesures qui s’imposent par la suite, explique Christian Rochefort, chercheur et professeur à la faculté de médecine et des sciences de la santé de l’Université de Sherbrooke. Pour que ça fonctionne bien, il faut que le personnel soit bien formé et bien expérimenté, mais il doit aussi être bien reposé. Quand on introduit des heures supplémentaires, on vient jouer sur la capacité de vigilance et d’attention du personnel.»

Les infirmières le criaient déjà haut et fort, mais les recherches du professeur Rochefort, qui porte sur plus de 125 000 patients, viennent maintenant appuyer leur propos. «Cette étude a été rendue possible grâce aux dossiers-patients électroniques, indique M. Rochefort. Ces dossiers-patients permettent d’extraire un grand volume de données. C’est un exercice qui n’était pas possible auparavant.»

Il s’agit de la première étude au Canada qui mesure de façon pointue l’impact que peuvent avoir sur les patients les heures supplémentaires et l’usage accru de personnel moins qualifié, en raison d’une pénurie d’infirmières. Il faut dire que le taux de roulement chez les infirmières est particulièrement élevé, dû aux conditions de travail difficiles. «C’est une profession qui n’est pas attirante a priori», constate M. Rochefort.

Des solutions concrètes?

Puisqu’on met potentiellement à risque la qualité des soins, et même la vie de certains patients, on peut se demander si les autorités minimisent les répercussions. Pour le professeur Rochefort, il s’agit plutôt de décisions prises par manque d’alternatives.

«Je pense que ça ne plaît à personne de recourir aux heures supplémentaires, affirme-t-il, et on ne peut pas dire que c’est de la négligence. Je dirais que c’est le système qui est malade et c’est à ce niveau qu’il faut agir.»

Pour résorber cette pénurie, il faudrait donc trouver des façons d’augmenter le nombre d’infirmières. Mais comment? «D’abord, répond M. Rochefort, il faut recruter davantage en rendant la profession plus attirante. De meilleures conditions de travail attireraient plus de gens. Il faut aussi faire en sorte que les infirmières déjà dans le réseau ne quittent pas leur emploi. Encore une fois, pour retenir les gens, il faut leur donner des conditions plus favorables et valoriser le rôle de l’infirmière. Une meilleure autonomie dans la prise de décisions est un bon exemple.»

Et est-ce que le gouvernement en fait assez pour leur venir en aide? Le professeur sherbrookois préfère ne pas s’avancer sur cette question, mais croit qu’il est tout à fait possible de rendre le métier plus intéressant et attrayant.

«Des exemples aux États-Unis démontrent que les hôpitaux qui conservent le plus leur personnel infirmier sont ceux qui leur donnent beaucoup dans la gestion et qui ne les considèrent pas comme des exécutants des médecins, mais plutôt comme des professionnels de la santé à part entière.»