Le CARAT sur la corde raide

Les centres de traitement des dépendances sont sur la corde raide depuis une semaine. Le 1er juin, le ministère de l’Emploi et de la Solidarité sociale fera passer de six à trois mois la durée des séjours en thérapie admissibles pour les prestataires de l’aide sociale. Pour un petit centre comme le CARAT, à Sainte-Brigide-d’Iberville, cette mesure entraînera une restructuration majeure.

À partir de cet été, les prestataires de l’aide sociale qui veulent traiter une dépendance verront leurs frais de thérapie assumés par l’État pour un maximum de 90 jours par année, après quoi ils devront payer leur traitement de leurs poches. Jusqu’à maintenant, il leur était possible de séjourner jusqu’à six mois dans un centre de traitement en toxicomanie grâce à des prestations spéciales de 129$ par mois qui s’ajoutent à leur montant de base de 604$.

Selon la ministre de l’Emploi et de la Solidarité sociale, Agnès Maltais, ces modifications devraient permettre d’économiser 5,6 M$ par année. Le gouvernement justifie cette coupure par la hausse de 392% des dépenses consacrées aux frais de séjour depuis dix ans. Celles-ci sont passées de 5 M$ en 2002-2003 à 24,6 M$ en 2011-2012. Cette année, les données disponibles laissent entrevoir une autre hausse des coûts de 6%.

À cause de cette mesure, 19 des 54 centres de thérapie certifiés par le ministère de la Santé seront contraints de fermer leurs portes, dénonce Vincent Marcoux, directeur général de l’Association des centres de traitement de dépendances du Québec.

«La limite de 90 jours de prestations spéciales qui sera mise en place affectera notamment les personnes aux prises avec de multiples problématiques de dépendance, de santé mentale ou de justice. Il est inutile de rappeler que ces personnes ont un grand besoin d’encadrement», souligne-t-il.

Position du CARAT

Ouvert en 2005, le Centre d’aide et de réhabilitation pour alcooliques et toxicomanes (CARAT) honore depuis trois ans un contrat avec les services correctionnels. Son directeur, Jean-Yves Justum, accueille près de 80 personnes par année à Sainte-Brigide-d’Iberville. Il ne voit pas comment son équipe et lui pourraient traiter leur clientèle en aussi peu que trois mois.

«La ministre Maltais ne sait pas de quoi elle parle, affirme celui qui travaille dans le traitement des dépendances depuis 24 ans. Un sevrage se règle en deux semaines environ. Nous, on offre un traitement avec un impact clinique, pas une cure de désintoxication. On ne peut pas régler les problèmes d’une vie en trois mois.»

La plupart des hommes qui séjournent au CARAT sont directement référés par les tribunaux. Si ces coupures entrent en vigueur comme prévu, M. Justum craint que sa clientèle retourne derrière les barreaux.

@ST:Prison

@R:«Où iront ces gens-là si nos centres ferment? Si ce n’est pas chez nous, ce sera en détention. J’appelle ça pelleter un problème dans un autre ministère. Le gouvernement ne comprend pas que le traitement est une façon d’économiser. Ça coûte bien moins cher qu’une vie en prison», pense-t-il.

MM. Marcoux et Justum admettent tous les deux qu’il y a eu de l’abus dans la durée des séjours pour le traitement des dépendances, mais qu’il s’agit de cas exceptionnels. Choisir d’aller en thérapie durant six mois n’est pas une sinécure, rappelle Vincent Marcoux.

L’Association des centres de traitement des dépendances du Québec rencontre la ministre de l’Emploi et de la Solidarité sociale aujourd’hui (jeudi) pour lui demander d’abolir la limite de trois mois de séjour. Elle proposera cependant un processus d’amélioration de la surveillance pour éviter que d’autres abus ne se reproduisent.