Le président de l’UPA Montérégie inquiet pour les producteurs laitiers
ÉCONOMIE. Le président de la Fédération de l’UPA de la Montérégie, Christian St-Jacques, est «désagréablement surpris» du résultat des négociations sur l’accord de Partenariat transpacifique (PTP), mais finit par admettre qu’il s’en doutait un peu.
«Le Parti conservateur n’a jamais voulu confirmer qu’il protégerait intégralement le système de la gestion de l’offre. Ce n’est pas sans raison…», explique-t-il.
M. St-Jacques considère que les producteurs de porc et de bœuf seront avantagés par l’ouverture du marché japonais aux produits étrangers, mais laisse entendre que les producteurs de lait, d’œufs et de volailles perdront au change.
«On n’a pas encore tous les chiffres en main, mais je suis loin d’être certain que les agriculteurs seront suffisamment compensés pour leurs pertes de revenus», ajoute-t-il.
Rappelons que le gouvernement Harper a prévu une enveloppe de 4,3G $ pour dédommager les agriculteurs affectés par les nouvelles importations en provenance des autres pays du bloc transpacifique.
Les producteurs laitiers écopent
Christian St-Jacques prend soin de rappeler que le gouvernement Harper avait déjà autorisé l’importation additionnelle de 17 500 tonnes de fromage par an lors des négociations sur l’accord de libre-échange Canada-Union européenne. L’équivalent d’une ouverture de marché de l’ordre de 2 % selon les chiffres fournis par l’UPA.
«En additionnant les deux nouvelles parts de marché de produits laitiers admissibles à l’importation (2 % Canada-Union européenne et 3,25 % PTP), on parle d’une brèche de 5,25 % dans le système de la gestion de l’offre. Il faut bien comprendre que le fromage importé n’est pas fabriqué avec du lait d’ici», indique M. St-Jacques.
Au dire de ce dernier, le PTP va carrément changer le portrait de l’agriculture au Québec et au Canada.
«Même si l’entente de libre-échange ne prendra pas effet avant deux bonnes années, il faut savoir que chacun des agriculteurs sera tenu de diminuer sa production de lait dès la première journée d’application de l’accord», poursuit M. St-Jacques.
Ce dernier rappelle qu’une baisse de production équivaut à une baisse de revenus alors que les frais fixes demeurent essentiellement les mêmes.
«Ça suscite beaucoup d’inquiétudes sur la rentabilité des fermes. Si les producteurs ne s’adaptent pas rapidement, plusieurs risquent de mourir à petit feu. Les agriculteurs vont devoir travailler encore davantage sur leurs coûts de production et se débattre pour garder leur place», affirme Réjean Racine, producteur laitier de Brigham et président de l’UPA de Brome-Missisquoi.
Protéines laitières «made in USA»
Et, comme si ce n’était déjà pas assez, les producteurs laitiers doivent par ailleurs composer, depuis environ deux ans, avec l’arrivée de protéines laitières en provenance des États-Unis.
«Comme il s’agit de nouveaux produits, la réglementation existante ne permet pas d’interdire l’entrée des protéines laitières en sol canadien. Le gouvernement a laissé entendre qu’il pourrait resserrer les contrôles à la frontière, mais ce n’est pas encore fait», déplore M. St-Jacques.
M. Racine abonde dans le même sens…
«Le gouvernement, dit-il, n’a pas pris d’engagement formel en ce sens, mais on souhaite ardemment qu’il prenne tous les moyens nécessaires pour éviter que les douanes ne deviennent de véritables passoires. Une sorte de compensation que le gouvernement pourrait offrir aux agriculteurs afin d’atténuer les effets négatifs de l’accord de libre-échange.»
Selon l’UPA, les revenus des producteurs laitiers provenant de la vente du lait ont baissé de façon drastique suite à ces importations, tant et si bien que certaines entreprises agricoles se questionnent sérieusement sur leur avenir.
«Le prix du lait équivaut… à celui de 2006 ! Y a-t-il beaucoup de gens d’affaires qui accepteraient une telle situation? (…) On ne peut pas continuer à ce rythme-là bien longtemps. Quand on est au bout de la corde, on n’a plus beaucoup de jeu», affirme M. Racine.
Deux poids, deux mesures
Le président de l’UPA de Brome-Missisquoi laisse également entendre que les produits importés des États-Unis ne répondent pas nécessairement aux mêmes critères de qualité que les produits canadiens.
«Comme il n’y a pas de réciprocité, il devient difficile d’être compétitif quand nos produits répondent à des normes plus élevées que celles des autres pays. Il faut rappeler que les critères de qualité applicables au Canada ont été établis d’un commun accord avec les producteurs, les transformateurs et les consommateurs», explique M. Racine.
Au dire de ce dernier, les producteurs laitiers américains utiliseraient notamment de la somatotropine bovine (STB), une hormone produite naturellement par les glandes pituitaires des vaches laitières, mais qui peut également être produite de façon synthétique et injectée aux vaches pour augmenter leur production laitière.
«Cette hormone de croissance est interdite au Canada», précise-t-il.
L’UPA compte mener une campagne de sensibilisation auprès des consommateurs. On espère qu’ils prendront le temps de regarder la provenance des produits sur les étiquettes et continueront à acheter canadien.
«Les agriculteurs d’ici contribuent à l’économie locale. Ils achètent de la machinerie agricole, de la moulée pour les animaux et font affaires avec les institutions financières d’ici. Peut-on en dire autant des producteurs américains?», questionne M. Racine.