Le tracé de l’autoroute 35 fait encore des mécontents

TRANSPORT. Le projet de prolongement de l’autoroute 35 entre Saint-Jean-sur-Richelieu et la frontière canado-américaine, élaboré voilà plus de 40 ans, a été modifié au cours de la dernière décennie afin de préserver l’un des derniers milieux naturels québécois encore en contact avec les rives de la baie Missisquoi. Huit ans plus tard, le nouveau tracé ne fait toujours pas l’unanimité.

Lors de la consultation menée par le Bureau d’audiences publiques sur l’environnement (BAPE), en 2005, des citoyens et groupes environnementaux ont réclamé des mesures concrètes pour garantir la préservation des habitats de certaines espèces en péril et faciliter la libre circulation des animaux de part et d’autre de la voie de circulation rapide.

L’Organisme de bassin versant de la baie Missisquoi (OBVBM) a notamment demandé la mise en place de ponceaux pour favoriser «le libre passage des petits poissons ainsi que des amphibiens et reptiles, couplés à des clôtures dirigeant les animaux vers ces ponceaux pour éviter leur traversé sur l’autoroute ou la ponte des tortues en bordure».

L’OBVBM a aussi proposé l’aménagement de frayères à doré, de frayères à brochet, de sites de ponte pour la tortue molle à épines en guise de mesures de compensation.

Une étude d’impact sur l’environnement, déposée en août de la même année par la firme Genivar à la demande du ministère de l’Environnement, a par ailleurs mis en lumière l’importance de l’étang Streit et des étangs de l’ancienne carrière de Saint-Armand comme refuge d’oiseaux migrateurs. Ces sites sont situés en bordure de la route 133, entre le lac Champlain et le village de Saint-Armand.

Ces étangs servent notamment d’habitat au petit blongios (espèce vulnérable), à la pie-grièche migratrice (espèce menacée) et à la paruline à ailes dorées, une espèce en péril qui niche exclusivement dans l’est de l’Amérique du Nord.

«L’étang Streit est l’un des 28 refuges d’oiseaux migrateurs du Québec», prend soin de rappeler Johanne Bérubé, directrice générale de l’OBVBM.

«Le ministère de l’Environnement a également fait la démonstration qu’une partie du tracé initial était situé en zone inondable», précise Francis  Dorion, directeur de la gestion du territoire à la MRC de Brome-Missisquoi.

Nouveau tracé

En 2007, le gouvernement du Québec a émis un décret modifiant le tracé d’origine et permettant d’éloigner l’autoroute 35 des boisés existants et de la réserve écologique. Ce nouveau tracé n’a pas réussi à faire l’unanimité lui non plus.

Certains agriculteurs, la municipalité de Pike River et la MRC de Brome-Missisquoi ont notamment laissé savoir aux autorités gouvernementales qu’une portion du nouveau tracé aurait pour effet d’enclaver 78 hectares de terres agricoles actives et occasionnerait des pertes de productivité.

«On a peur que les terres enclavées entre l’autoroute et le boisé soient laissées à l’abandon», résume le maire de Pike River, Martin Bellefroid.

En février dernier, le conseil des maires de Brome-Missisquoi a recommandé à la CPTAQ de conserver le tracé initial de l’autoroute 35 à Pike River, tout en insistant sur l’importance d’éviter tout délai supplémentaire dans la réalisation du projet.

«Les agriculteurs aimeraient revenir au tracé d’origine, mais ne se font pas trop d’illusions là-dessus. Pour le monde agricole, la présentation d’un tracé alternatif tenant compte de la présence d’excellentes terres agricoles serait déjà un moindre mal», indique M. Bellefroid.

Ce dernier estime par ailleurs que l’aménagement d’un viaduc agricole ou d’un détour par la rue Champlain faciliteraient la vie à tout le monde. Il reprend ainsi la proposition d’un agriculteur qui suggérait d’aménager des traverses afin de permettre aux résidants, à la machinerie agricole et aux animaux de circuler de part et d’autre de la future autouroute 35.

Il convient de rappeler que le ministère des Transports du Québec (MTQ) avait exproprié une dizaine de producteurs agricoles de Pike River en 1973-1974 pour les fins du projet.

Rencontre à Cowansville

Des représentants de la municipalité de Pike River, de la CPTAQ et du MTQ  se sont rencontrés à Longueuil, en décembre dernier, afin de discuter de la problématique de l’enclavement des terres agricoles. Des élus de Pike River ont également discuté du dossier avec le ministre de l’Agriculture, Pierre Paradis, en février dernier.

Des représentants de Pike River, de la MRC de Brome-Missisquoi, de l’UPA Brome-Missisquoi et de la CPTAQ feront de nouveau le point, le 10 avril prochain, à Cowansville.

«On organise cette rencontre afin que tous les intervenants aient les mêmes informations et la même compréhension du dossier», explique Robert Desmarais, directeur général de la MRC.

Projet majeur

. Projet de 460M $: 200M $ déjà investis et 260M $ à venir.

. Financé par les gouvernements du Québec et du Canada.

. Réalisation du projet attendu depuis plus de 50 ans.

. Tronçon de 42 km entre l’A-10 et St-Sébastien complété.

. Portion de 4,5 km à partir de la frontière déjà construite.

. Lien manquant de 8,9 km entre St-Sébastien et St-Armand.

. Dernière phase du projet serait complétée vers 2020.

. Trait d’union de 500 km entre les villes de Montréal et Boston.

. Corridor commercial entre le Québec et la Nouvelle-Angleterre.

. Vermont troisième partenaire du Québec aux États-Unis.

Source: MTQ / Canada Français