Farnham: des voisins préoccupés par la proximité de la future usine de biométhanisation

ENVIRONNEMENT. Trois ans après le dévoilement des grandes lignes du projet d’usine de biométhanisation de 200 M$ dans le parc industriel de Farnham, certains voisins du site reviennent à la charge et réclament une fois de plus une relocalisation des futures installations de l’entreprise danoise Nature Energy.

Les résidants concernés digèrent mal que l’usine soit construite à moins de 500 mètres de la propriété de certains d’entre eux. Ces derniers auraient aimé être consultés par Nature Energy dans le cadre d’une rencontre d’information publique réunissant l’ensemble des personnes concernées (au lieu des rencontres individuelles effectuées auprès des citoyens ayant pris rendez-vous).

En réponse à une intervention de la Farnhamienne Nathalie Tanguay, Nature Energy indique que le rayon de 500 mètres auquel les plaignants font référence « provient des lignes directrices du ministère de l’Environnement (MELCCFP ») et « est calculé à partir de la cheminée du bio-filtre et du système de purification ».

Le maire de Farnham, Patrick Melchior abonde dans le même sens.

« La distance séparatrice de 500 mètres ne fait pas partie de la réglementation, car l’arrivée des usines de biométhanisation au Québec est relativement récente et certains aspects de ce type de production ne sont pas encore réglementés chez nous », explique-t-il.

Regard extérieur

Les plaignants se demandent également pourquoi le projet n’a pas fait l’objet d’un examen par le Bureau d’audience publiques sur l’environnement (BAPE) comme ils l’auraient souhaité.

L’entreprise répond que le projet de Farnham « ne rencontre pas les déclencheurs d’une étude d’impact en environnement » définis par le règlement provincial tout en prenant soin d’ajouter qu’elle fait « des études de nuisance dans le cadre sa demande d’autorisation ministérielle, dont une modélisation atmosphérique et un plan de gestion des odeurs ». Ces documents seront rendus publics lorsque l’autorisation ministérielle aura été émise par le MELCCFP.

Le maire Melchior estime pour sa part que le conseil municipal a fait ses devoirs et effectué un suivi auprès des instigateurs du projet afin de s’assurer que la population n’ait pas à vivre de préjudices. Il prend également soin de rappeler qu’un comité de liaison, « regroupant des personnes élues démocratiquement », a été mis sur pied afin d’assurer le lien entre les promoteurs et les citoyens.

« Avec les défis environnementaux qui sont les nôtres, je vois mal comment on peut s’opposer à un projet comme celui-là. Je trouve ça très hasardeux de se braquer contre un projet de ce type », insiste-t-il.

Contrôle des odeurs

Les autorités municipales sont bien conscientes du « faible risque que des odeurs générées par les activités de l’usine de biométhanisation puissent se déplacer dans le périmètre ciblé » en raison des vents dominants du secteur et l’indiquent clairement dans une lettre acheminée aux citoyens du secteur en mai 2023.

« Il faut bien comprendre que les résidants du secteur sont déjà exposés à des odeurs, car ils habitent à proximité de terres agricoles, d’une usine de cannabis et d’un parc industriel, indique M. Melchior.

Ce dernier ajoute que Nature Energy doit rendre des comptes au ministère de l’Environnement et ne peut aucunement se permettre de se mettre à dos la population. L’entreprise n’est pas sans savoir qu’elle doit bien faire les choses.

« Nature Energy a pris soin de faire ses devoirs et a choisi d’investir des sommes importantes dans le traitement des odeurs. J’ai moi-même visité une installation de cette entreprise au Danemark, dans le cadre d’une visite industrielle, et je peux vous assurer que j’aurais été le premier à m’objecter au projet si j’avais eu des doutes sur le professionnalisme de cette entreprise» , ajoute le maire de Farnham.

Dans une conférence prononcée récemment au centre des loisirs Romuald-Potvin, Éric Pineault, professeur à l’Institut des sciences de l’environnement de l’UQAM, se fait également rassurant quant au contrôle des odeurs. Celui-ci mentionne notamment que le transbordement des camions-citernes transportant le fumier et le lisier destinés à être transformés en biogaz et en fertilisant se fera à l’intérieur, derrière des protes closes, dans un environnement à pression négative.

M. Pineault estime par ailleurs que les usines de biométhanisation sont relativement silencieuses et ne présentent pas de risque particulier en matière de contamination de l’air.

«L’entreprise a une bonne réputation au niveau de l’étanchéité de ses installations. Le Canada dispose par ailleurs d’un système de surveillance par satellite pour détecter d’éventuelles fuites de CH4» , indique-t-il.

Hausse du trafic lourd

Certains résidants du secteur craignent par ailleurs une hausse importante du trafic lourd dans le voisinage de l’usine de biométhanisation de Farnham destinée à traiter 715 000 tonnes de fumier et de lisier par an. Ils se demandent également combien de camions-citernes auront à emprunter le chemin Magenta pour accéder au site.

«Notre modèle prévoit jusqu’à 90 livraisons par jour sur le site de Farnham en fonction des besoins de l’usine et de l’incidence de la période de dégel. Nous souhaitons rappeler que le projet vise à exploiter au maximum le boulevard Industriel et les routes secondaires, notamment la voie de contournement qui permet d’éviter le passage au centre-ville de Farnham. À titre indicatif, le débit au carrefour giratoire, situé à l’angle des de la route 235 et du boulevard Industriel, est actuellement d’environ 5000 véhicules par jour, selon les données du ministère des Transports et de la Mobilité durable» , précise Laura-Michelle Marcogliese, conseillère aux affaires publiques chez Énergir Développement.

La porte-parole d’Énergir ajoute que le chemin Magenta ne sera utilisé que pour desservir les partenaires qui y sont localisés.

«Nous n’avons pas, en date d’aujourd’hui, conclu d’entente définitive avec un producteur localisé sur le chemin Magenta bien que nous soyons en discussion avec quelques-uns. Le nombre de camions qui y circulera sera donc extrêmement limité» , indique-t-elle.

L’arrivée d’une usine d’un tout autre type, dans le parc industriel, aurait également généré de la circulation dans le secteur, note le maire Melchior au passage.

Le professeur Pineaut fait par ailleurs remarquer que le gouvernement n’exige pas de compensation de la part des entreprises de transport pour les dommages causés au réseau routier.