Fermeture de la Résidence Duhamel: 21 aînés d’ici à la recherche d’un nouveau toit

HÉBERGEMENT. La Résidence Duhamel, de Notre-Dame-de-Stanbridge, fermera ses portes le 31 décembre prochain. La décision des propriétaires a eu l’effet d’un choc sur les résidents, leurs proches et les employés de l’entreprise.

Cette résidence privée pour aînés (RPA) héberge 21 personnes de 70 ans et plus. La doyenne de l’établissement a 92 ans alors que certains résidents y habitent depuis près d’un quart de siècle. La très grande majorité de la clientèle est originaire de la région immédiate (Bedford, Farnham, Brigham, Cowansville, etc.).

La Résidence Duhamel a recours aux services de six préposées aux bénéficiaires et de deux cuisinières qui se retrouveront sans emploi dans trois mois.

«Notre personnel est entièrement féminin», précise la propriétaire, Johanne Duhamel.

Cette dernière est une ancienne infirmière auxiliaire de l’Hôpital du Haut-Richelieu et a travaillé dans le réseau public pendant 28 ans avant de faire l’acquisition la RPA de Notre-Dame-de-Stanbridge avec son conjoint, Mario Blanchard, en avril 2014.

Motifs de la fermeture

La propriétaire reconnaît que la décision n’a pas été facile à prendre, elle qui a consacré sa vie à prendre soin de ses semblables.

«On ferme la résidence, on vend la bâtisse. Ça fait trop mal, c’est très dur émotivement», indique-t-elle.

Mme Duhamel ne cache pas que la pandémie a dûrement affecté les petites résidences privées qui ont dû faire des pieds et des mains pour maintenir la qualité des services durant cette période de grande incertitude.

«Quand une employée devait s’absenter en raison de la COVID ou pour d’autres motifs, le reste du personnel devait prendre les bouchées doubles pour faire face à la situation. J’ai moi-même dû multiplier les heures de travail et ça m’a littéralement épuisée», explique-t-elle.

Si la pandémie semble en voie de résorber, la pénurie de main-d’œuvre est plus marquée que jamais et complique la tâche des propriétaires d’entreprises.

«Le gouvernement du Québec nous a accordé une subvention de 4 $ l’heure pendant la pandémie pour chacune de nos préposée aux bénéficiaires, mais cette aide financière ne sera pas éternelle. Les RPA devront tôt ou tard assumer l’entièreté de la masse salariale», précise Mme Duhamel.

La hausse du coût de la nourriture grève par ailleurs le budget des établissements privés au même titre que celui des établissements publics.

«Il faut également savoir que la gestion d’une résidence est devenue très exigeante en raison des lourdeurs administratives et des exigences bureaucratiques», poursuit notre interlocutrice.

Exigences gouvernementales

Les propriétaires de RPA devront par ailleurs doter leur établissement d’un système de gicleurs dans un avenir rapproché à la demande du gouvernement du Québec. Une décision qui fait suite à la tragédie survenue en janvier 2014 à la Résidence du Havre, à l’Isle-Verte, près de Rivière-du-Loup.

«Les RPA avaient jusqu’en décembre 2022 pour procéder à l’installation des gicleurs, mais le gouvernement vient de leur accorder un délai supplémentaire de deux ans», signale Mme Duhamel.

Même si tout le monde s’entend pour dire que la mise en place de ce système de protection contre les incendies est très louable, plusieurs propriétaires de RPA peinent à trouver les fonds requis pour se plier aux exigences gouvernementales. À preuve, la liste des résidences qui ferment leurs portes ne cesse de s’allonger (environ 280 fermetures en 18 mois selon les plus récentes données disponibles).

«Une entreprise référée par le Regroupement québécois des résidences pour aînés (RQRA) a évalué à 400 000 $ les coûts d’installation d’un système de gicleurs dans notre établissement. Comme notre résidence n’est pas desservie par un aqueduc et s’alimente en eau potable à même un puits artésien, certaines mesures additionnelles sont requises. Pour garantir une bonne pression dans le système, on doit notamment installer un gros bassin de réserve avec les frais que cela implique. Et même si une aide financière est disponible, il nous faut sortir 200 000 $ de nos poches. C’est une gros investissement pour un établissement de la taille du nôtre», résume la propriétaire, qui n’a pas hésité à dépenser des sommes importantes ces dernières années pour améliorer le confort de sa clientèle.

Quelques réactions

Johanne Duhamel a convoqué les membres de son personnel, le 26 septembre dernier, pour leur faire part de la triste nouvelle.

«Nos employées ont été rencontrées en groupe et m’ont dit qu’elles resteraient en poste jusqu’à la fermeture», précise Mme Duhamel, avec soulagement.

Une heure plus tard, c’était au tour des résidents et de leurs proches d’être rencontrés par la propriétaire, en compagnie de Josée Lapointe, répondante en matière de certification au CIUSSS de l’Estrie – CHUS, et de quelques employés du service de soins à domicile du RLS La Pommeraie.

«La propriétaire a appelé les familles des résidents le vendredi afin de leur demander d’être présents à une rencontre d’information le lundi suivant. Je m’attendais à ce genre d’annonce», indique Gille Jolin, un proche aidant dont le frère de 91 ans habite la Résidence Duhamel depuis une décennie.

M. Jolin est présentement à la recherche d’une autre RPA dans la région de Granby pouvant offrir le gîte et le couvert à son frère.

«Mon frère devra sans doute payer plus cher, ailleurs, pour avoir droit aux mêmes services», ajoute-t-il.

Les filles d’un autre résident ayant grandi à Bedford, mais qui habite la Résidence Duhamel depuis trois mois, se disent également préoccupées par la situation.

«Nous trouvons ça révoltant qu’un établissement de cette qualité doive cesser ses opérations pour une question d’argent. On a grand besoin de RPA comme la Résidence Duhamel où les résidents peuvent vivre dans une ambiance familiale en présence de propriétaires et d’employés dévoués», signale Hélène Fontaine, l’une des deux filles de ce résident de 81 ans.

Le maire de Notre-Dame-de-Stanbridge, Daniel Tétreault, partage cet avis.

«C’est dommage, car la Résidence Duhamel est l’une des belles entreprises de notre village. Je comprends très bien qu’une RPA doit être sécuritaire, mais le gouvernement en demande toujours davantage. Les petites résidences sont toutes en train de fermer. C’est rendu complètement fou», affirme-t-il.