Des logements abordables financés par le fédéral ne sont toujours pas construits

OTTAWA — Le gouvernement fédéral a investi des milliards de dollars pour construire rapidement des logements abordables dans l’ensemble du pays, mais des retards dans la construction laissent entendre que de nombreux projets dont le financement a été approuvé ne respectent pas les délais.

L’Initiative pour la création rapide de logements est un programme fédéral lancé en 2020 qui fournit un financement aux villes et aux organismes à but non lucratif pour construire des logements abordables pour les Canadiens vulnérables, y compris les personnes en situation d’itinérance.

Le gouvernement fédéral a offert 2,5 milliards $ au cours des deux premiers cycles de financement du projet, à la condition que les unités approuvées soient construites dans les 12 mois suivants, ou dans les 18 mois dans les communautés nordiques ou éloignées.

Mais un document préparé par la Société canadienne d’hypothèques et de logement (SCHL) en réponse à une question écrite d’un député montre que la majorité des unités approuvées n’ont pas encore été construites.

Le premier cycle d’appel de projets s’est clôturé fin mars 2021 et a abouti à l’approbation de 4 792 projets de logements, tandis que 5 473 autres ont obtenu le feu vert lors du deuxième cycle, qui a été effectué un an plus tard.

Le document de la SCHL, daté du 30 novembre, indique que seulement 1 449 unités ont été achevées.

Ni la SCHL ni le cabinet du ministre du Logement, Ahmed Hussen, n’ont indiqué combien de projets avaient manqué les délais.

Un porte-parole de la SCHL a toutefois reconnu que certains avaient été retardés. «En raison des circonstances sans précédent auxquelles ont été confrontés les promoteurs immobiliers au cours des dernières années, notamment les perturbations de la chaîne d’approvisionnement, la hausse des coûts et les phénomènes météorologiques violents, certains projets devraient prendre plus de temps, principalement en raison de problèmes d’infrastructure et de construction», a déclaré Leonard Catling.

Carolyn Whitzman, experte en politique du logement et professeure à l’Université d’Ottawa, affirme que le gouvernement fédéral a présenté l’Initiative comme une réussite, car plus d’unités que prévu ont été approuvées pour la construction. Les deux premières séries d’approbations ont dépassé l’objectif, qui était de 2 600 unités au total, a-t-elle noté.

Mais la professeure pense que plusieurs obstacles entravent de nombreux projets de logements abordables, notamment l’opposition de résidants et le manque de soutien des gouvernements provinciaux.

«Afin d’obtenir un logement avec services de soutien grâce à une initiative pour la création rapide de logements ou à tout autre programme, vous avez besoin d’une collaboration très solide entre les trois paliers de gouvernement», a-t-elle souligné.

Elle a aussi rappelé que la construction de logements a également été influencée par la hausse des coûts et les pénuries de main-d’œuvre.

En novembre, le gouvernement fédéral a annoncé le troisième cycle de financement de l’Initiative, qui fournira un montant supplémentaire de 1,5 milliard $.

Le fédéral a prolongé les délais de construction de cette ronde à 18 mois pour la plupart des maisons et à 24 mois pour les projets dans les collectivités nordiques ou éloignées.

Le gouvernement du premier ministre Justin Trudeau a fait du logement abordable la pierre angulaire de son programme de soutien et d’expansion de la classe moyenne. Il a annoncé sa Stratégie nationale du logement en 2017, un plan sur dix ans qui investit des dizaines de milliards de dollars dans le logement abordable.

Dans un rapport publié en novembre, la vérificatrice générale Karen Hogan a constaté que le gouvernement ne faisait pas de suivi de ses progrès en matière de réduction de l’itinérance chronique, malgré son objectif de l’abaisser de 50 % d’ici 2028.

Le rapport de Mme Hogan a révélé qu’il existe des lacunes dans la collecte de données au sein du gouvernement fédéral, ce qui rend difficile l’évaluation du succès de divers programmes.

La SCHL, en sa qualité de cheffe de file de la stratégie nationale sur le logement, a dépensé 4,5 milliards $ depuis 2018. Mais le rapport a révélé que la société ne sait pas qui en bénéficie.

La Pre Whitzman a fait valoir que le fait de ne pas suivre le succès de ses projets peut conduire à la méfiance du public et susciter le scepticisme quant à savoir si des problèmes tels que l’accès au logement peuvent être résolus par le gouvernement fédéral.

«Si vous allez investir des milliards de dollars dans un programme, vous devez en mesurer l’efficacité», a-t-elle déclaré.