Incendies: pluie sur la Côte-Nord, mais le nord-ouest québécois est en état de siège

De nouvelles évacuations sont nécessaires en Abitibi et dans le Nord-du-Québec en raison des incendies de forêt.

Bien que la situation se soit améliorée sur la Côte-Nord en raison de la pluie, aucune précipitation n’est attendue plus à l’ouest avant lundi.

Le premier ministre François Legault a fait le point mercredi à Québec, annonçant que certains secteurs de la municipalité de Senneterre, en Abitibi, s’ajoutaient à celles où des évacuations sont requises et que la communauté crie de Mistissini, au nord de Chibougamau, serait sur le point d’être évacuée également. Les évacuations de Chibougamau, Normétal et Lebel-sur-Quévillon sont maintenues. 

Mistissini refuse pour l’instant

La communauté crie de Mistissini a refusé toutefois d’évacuer pour l’instant.

Dans une mise à jour sur sa page Facebook mercredi soir, à 18 h 00, on indique que la SOPFEU a signalé qu’il n’y a pas de danger imminent pour le public à Mistissini.

On y précise cependant que l’incendie de la baie Penicouane a fusionné avec les deux autres feux de forêt et se dirige vers le sud-ouest.  Le feu se trouve toujours à 17 km de la collectivité, mais il n’a pas progressé de façon significative mercredi, écrit-on.

La communauté crie reste cependant en «mode alerte», précise le communiqué.  

La route 167 est fermée à plusieurs endroits, notamment au nord de la rivière Perch. 

Seuls «ceux qui ont une preuve d’identité avec preuve d’adresse à Mistissini seront autorisés à retourner», précise la communauté crie.

Dans une allocution à la radio locale plus tôt dans la journée et diffusée sur les réseaux sociaux, le chef Michael Petawabano a commencé la portion anglaise de sa déclaration en affirmant que «nous sommes en sécurité ici dans la communauté. Nous vous demandons d’attendre nos rapports provenant de la communauté.»

Puis, il a dit avoir pris connaissance des propos du premier ministre, ajoutant aussitôt que «Legault ne dirige pas notre communauté. La communauté est dirigée par le leadership d’ici. Nous prenons les décisions ici.»

Le chef Petawabano a cependant suggéré aux personnes vulnérables qui reçoivent des soins à Chibougamau, qui est évacuée, de «commencer à penser à ce qu’elles devront faire».

Évacuations conseillées à Chapais

Les évacuations volontaires étaient fortement recommandées par la mairesse de Chapais, Isabelle Lessard, mercredi soir, aux personnes ayant des problèmes de santé «en raison des services de santé limités depuis l’évacuation de la ville de Chibougamau», plus au nord. 

Les gens qui ont des problèmes pulmonaires, cardiaques et les femmes enceintes sont notamment visés par cette recommandation. 

Un centre d’hébergement temporaire était déjà prêt à les accueillir au cégep de Saint-Félicien, a-t-elle expliqué en conférence de presse mercredi à 19 h 00, même avec leurs animaux de compagnie s’ils amènent l’équipement nécessaire et la nourriture de leurs animaux avec eux. Des services de santé et psychosociaux seront aussi disponibles pour les citoyens évacués.

La mairesse Lessard a cependant indiqué qu’iln’y a pas d’évacuations obligatoires.

«Le feu à proximité de Mistissini n’a pas progressé de façon significative et c’est une des raisons qui explique que l’on peut demeurer ici ce soir (mercredi)», a expliqué Mme Lessard.

Quant aux citoyens qui choisissent de rester sur place, mais qui ont besoin de médicaments, ces derniers sont invités à se rendre à l’hôtel de ville puisque la pharmacie s’est installée temporairement à Roberval lors de la première évacuation.

«Ceux qui ont des médicaments réguliers et qui en ont de besoin jusqu’à lundi, vous allez pouvoir vous présenter à l’hôtel de ville dès ce soir (mercredi). Il y a quelqu’un qui va prendre votre nom et votre numéro de téléphone et ces informations seront transmises à nos pharmaciens propriétaires qui sont à Roberval», a expliqué la mairesse.

Une personne sera autorisée à faire la livraison de ces médicaments jeudi, a-t-elle précisé. 

La route 117 pourrait fermer

Dans un gazouillis mercredi soir, la Sûreté du Québec conseillait aux gens de planifier leurs déplacements et de rester prudents sur la route.

«La R-117 dans la réserve faunique est sous surveillance. La route pourrait fermer à tout moment pour cause de visibilité réduite par la fumée #FeuxDeForêt», les invitant du coup à suivre l’état de la situation sur le site du ministère des Transports à quebec511.info .

«En raison des feux de forêt au nord du Québec, la route 117 est en préalerte de fermeture. Évitez de circuler sur celle-ci entre Grand-Remous en Outaouais et le secteur Louvicourt à Val-d’Or. La visibilité peut être réduite considérablement et nuire à la conduite», pouvait-on lire d’ailleurs sur le site.

Pas de pluie avant lundi

«Je veux qu’on soit tous réalistes, qu’on ne mette pas de lunettes roses: pour l’instant on ne prévoit pas de pluies importantes avant lundi soir prochain. Donc, ça veut dire que les cinq, six prochains jours, on ne peut pas trop créer d’attentes d’être capables de retourner à la maison», a dit M. Legault à l’issue d’une rencontre avec les dirigeants de la Société de protection des forêts contre le feu (SOPFEU).

M. Legault a fait part d’une préoccupation particulière dans le cas de Lebel-sur-Quévillon où se trouvent d’importantes réserves de mazout sur le terrain de l’usine Nordic Kraft. «C’est très important que les gens ne retournent pas en particulier à Lebel-sur-Quévillon», a insisté le premier ministre.

Jusqu’ici, 11 400 citoyens ont été évacués, auxquels devaient s’ajouter les 4000 membres de la communauté crie de Mistissini. François Legault avait d’ailleurs été clair à cet effet: «On demande d’évacuer Mistissini, une communauté crie. Il y a un risque», avait-il dit.

Message aux récalcitrants

Ironiquement, François Legault avait du même souffle livré ce message auxéventuels récalcitrants: «Il y a toujours quelques personnes qui résistent. Je comprends que c’est angoissant de laisser sa maison, mais il faut penser à sa propre sécurité d’abord. Je le dis à tous les Québécois: ne mettez pas votre vie en danger. Quand on vous demande d’évacuer, c’est qu’il y a un risque réel.»

La communauté de Chapais, dont les citoyens avaient pu réintégrer leur domicile, est sur un pied d’alerte alors qu’une nouvelle évacuation n’est pas écartée.

M. Legault a profité de l’occasion pour remercier les citoyens du Saguenay-Lac-Saint-Jean, qui ont été fort nombreux à lever la main pour accueillir les réfugiés du feu de Chibougamau. «Il y a vraiment une solidarité exceptionnelle chez les Québécois.»

Compensations aux évacués

Il a aussi donné l’assurance que les personnes évacuées seront indemnisées pour les dépenses additionnelles encourues. «On devrait dans les prochains jours être capables de sortir un programme. Notre objectif, c’est de couvrir toutes les dépenses extraordinaires que vous avez eues, des dépenses que vous n’auriez pas eues si vous n’aviez pas été évacués.»

François Legault a expliqué que la SOPFEU dispose de 13 avions, dont 11 sont en service, les deux autres devant interrompre leur combat pour des inspections obligatoires après 50 heures de vol. Les pilotes seront également obligés de prendre des pauses bientôt.

«Il n’y a pas de manque de pilotes actuellement, mais au bout d’une semaine, il va y avoir des enjeux effectivement. Après un certain nombre d’heures de vol, il y a des heures de repos qui sont nécessaires et qui sont prévues pour les pilotes», a-t-il fait valoir.

Avions et pompiers en renfort

Deux autres avions-citernes de Yellowknife, dans les Territoires du Nord-Ouest, et quatre appareils américains sont venus en renfort. Ces avions, qui combattaient les incendies de la Nouvelle-Écosse, ont été libérés de la province maritime. En contrepartie, deux appareils prêtés par Terre-Neuve-et-Labrador ont dû être rapatriés par la province qui doit elle aussi affronter des incendies de forêt.

En termes de personnel, quelque 520 employés de la SOPFEU et 150 militaires sont à pied d’œuvre sur le terrain. Des troupes additionnelles sont aussi attendues du Nouveau-Brunswick, des États-Unis, du Mexique,de la France, de l’Espagne et du Portugal.L’objectif est de porter à 1200 le nombre de sapeurs forestiers sur le terrain au cours des prochains jours.

Le premier ministre a expliqué que les effectifs sont en mesure de combattre 40 feux à la fois, mais qu’il y en a 150 qui font rage. La saison 2023 est la pire jamais vue en termes de nombre d’incendies et d’hectares affectés.

Triste record

Aux côtés du premier ministre, la ministre des Ressources naturelles et des Forêts, Maïté Blanchette-Vézina, a expliqué que le Québec a déjà, en tout début de saison, fracassé tous les records depuis la création de la SOPFEU, il y a près de 50 ans. «C’est une situation que nous n’avons jamais vue. Les feux, les hectares brûlés, ce n’est pas terminé, mais on a dépassé le record de la pire année à ce moment-ci», a-t-elle précisé.

Le directeur du Centre provincial de la SOPFEU, Luc Dugas, a d’ailleurs reconnu n’avoir jamais vu pire en 23 ans de carrière. Avec autant d’incendies qui font rage présentement, les pompiers forestiers doivent prioriser, a-t-il répété à quelques reprises. «C’est réellement la protection des vies, des communautés et des infrastructures.» En d’autres termes, on ne se préoccupe pas du bois ou de «la matière ligneuse» dans le jargon forestier. «Quand la pluie va arriver, on va pouvoir commencer à avoir une planification plus grande pour la matière ligneuse», a-t-il dit.

François Legault répète depuis quelques jours qu’il faudra investir dans la protection des municipalités contre les incendies de forêt, mais lorsqu’interrogé sur la somme de 2 milliards $ par année réclamée par les municipalités pour qu’elles puissent s’adapter aux changements climatiques, il a souligné que la situation actuelle démontre que cette planification est plus complexe qu’elle ne le semble. «Je veux juste rappeler à certaines personnes qu’on a déjà un milliard et demi (consacré à l’adaptation aux changements climatiques) et que dans les demandes des municipalités, il n’y avait pas de demandes pour les feux de forêt. Donc, les besoins évoluent et on va continuer à investir.»

Ressources étirées

À Ottawa, le premier ministre Justin Trudeau a tenu un point de presse entouré de trois de ses ministres au cours duquel il a assuré que le Canada disposera de suffisamment de pompiers et de matériel pour répondre aux urgences pendant tout l’été. Il a néanmoins admis que les «ressources sont étirées», alors qu’à l’échelle du pays 414 feux brûlent, dont 239 considérés hors de contrôle, et que 20 183 personnes demeurent évacuées.