Le Canada est réticent à protéger les espèces «à valeur commerciale», conclut DeMarco

OTTAWA — Le gouvernement fédéral est très réticent à inscrire comme «espèces en péril» des poissons qui ont une valeur commerciale, mais qui nécessiteraient pourtant une protection, conclut le commissaire à l’environnement et au développement durable du Canada.

La vérification des efforts du Canada pour protéger les espèces aquatiques en péril fait partie des six nouveaux rapports environnementaux déposés mardi à la Chambre des communes par le commissaire Jerry DeMarco.

La plupart d’entre eux se penchent sur les efforts du Canada pour protéger la biodiversité et prévenir la disparition de chacune des quelque 80 000 espèces vivant sur son territoire.

«Nos rapports démontrent aujourd’hui que la biodiversité est sérieusement en danger au Canada», a conclu M. DeMarco.

Le commissaire à l’environnement a constaté que le ministère des Pêches et des Océans avait été très lent à agir lorsque le comité national chargé d’évaluer si une espèce a besoin de protection déclare qu’une créature ou une plante aquatique particulière est effectivement en péril.

Et lorsque cette évaluation concerne un poisson qui a une valeur commerciale importante, la décision par défaut du ministère semble être de ne pas l’inscrire comme nécessitant une protection spéciale.

«Malheureusement, les soucis économiques à court terme peuvent prévaloir sur le besoin de mesures à long terme pour protéger des espèces et l’on observe un biais défavorable contre la protection d’espèces ayant une valeur commerciale», a martelé M. DeMarco.

Au total, le commissaire a analysé le cas de neuf poissons, deux moules et d’une tortue de mer faisant l’objet d’une recommandation de protection au gouvernement fédéral.

Quatre des poissons, les deux moules et la tortue caouanne, dont la valeur économique était négligeable, ont été ajoutée à la liste des espèces en péril par Pêches et Océans Canada.

Les cinq autres poissons ayant une valeur commerciale importante n’ont pas été inscrits sur la liste. Ce fut le cas, notamment, pour la population de morue franche de Terre-Neuve-et-Labrador.

La surpêche a conduit en 1992 à un moratoire sur la pêche commerciale de la morue de Terre-Neuve. À deux reprises, depuis, le Comité sur la situation des espèces en péril au Canada a évalué cette morue comme étant «en voie de disparition», ce qui signifie qu’elle fait face à un danger imminent d’extinction.

Une fois cette évaluation effectuée, Pêches et Océans Canada doit l’examiner et décider s’il convient d’inscrire l’espèce aux fins de protection spéciale en vertu de la Loi sur les espèces en péril. Cette inscription empêcherait que cette espèce soit tuée, blessée, harcelée ou capturée.

La première évaluation de la morue de Terre-Neuve a eu lieu en 2003, et il a fallu trois ans à Pêches et Océans pour en examiner les conclusions. Mais en 2006, le ministère fédéral a décidé de ne pas l’ajouter à la liste de la Loi sur les espèces en péril et il a autorisé la poursuite d’une partie de la pêche côtière et de la récolte autochtone.

En 2010, le comité a évalué une deuxième fois la morue de Terre-Neuve comme étant en voie de disparition. Aujourd’hui, 12 ans plus tard, au moment de l’audit, Pêches et Océans n’avait toujours pas terminé l’examen pour déterminer quoi faire de cette évaluation du comité national.

Délais trop longs

Les autres espèces de poissons mis en danger en raison de leur valeur commerciale sont la truite arc-en-ciel anadrome (population de la rivière Thompson), la population de saumon quinnat de l’Okanagan, le sébaste à bouche jaune et le thon rouge de l’Atlantique.

Le commissaire DeMarco a également constaté qu’il fallait beaucoup trop de temps au ministère pour mener ses propres études. Il constate que Pêches et Océans n’avait pas terminé son examen de la moitié des 230 espèces aquatiques que le comité national avait recommandées pour une désignation «en péril» depuis l’entrée en vigueur de la Loi sur les espèces en péril en 2004.

De plus, il a constaté que le ministère avait de grandes lacunes dans ce qu’il savait des espèces qui ont besoin de protection, et pas assez de personnel pour faire respecter les protections lorsqu’elles sont mises en place.

«Plusieurs éléments ont des effets indésirables sur les écosystèmes et les collectivités: une partialité qui va à l’encontre de la protection des espèces à valeur commerciale au titre de la Loi sur les espèces en péril, des retards importants dans l’inscription des espèces à protéger, le manque de connaissances concernant des espèces et la capacité limitée à faire respecter la Loi», résume le commissaire dans un communiqué.

Les audits d’automne du commissaire ont également porté sur les politiques de gestion des déchets radioactifs à risque faible et moyen, qui représentent 99,5 % de tous les déchets radioactifs au Canada.

M. DeMarco conclut à ce chapitre que Ressources naturelles Canada, la Commission canadienne de sûreté nucléaire et Énergie atomique du Canada faisaient du bon travail pour gérer ces déchets.