Le français poursuit son déclin au Québec et au pays, indique Statistique Canada

OTTAWA — Le poids de l’anglais a continué de s’accroître au Canada et au Québec entre 2016 et 2021, la proportion de personnes dont la première langue officielle parlée est le français ayant pendant ce temps poursuivi son déclin.

Ce constat, qualifié d’inquiétant par le gouvernement fédéral, peut être fait au moyen de données du plus récent recensement publiées mercredi par Statistique Canada.

L’agence gouvernementale rapporte que le pourcentage de Québécois parlant principalement le français à la maison est passé de 79 % à 77,5 % depuis le précédent recensement de 2016.

L’apport de Québécois qui ont uniquement le français comme première langue officielle parlée a diminué de 1,5 point de pourcentage, passant de 83,7 % à 82,2 % de 2016 à 2021.

Si le nombre de personnes utilisant la langue de Molière a augmenté, passant de 6,4 millions à 6,5 millions, la proportion que celles-ci représentent a toutefois diminué.

«Les données du recensement sur les langues officielles sont préoccupantes et démontrent ce que notre gouvernement a déjà dit très clairement: le français est menacé au Canada, y compris au Québec», a commenté dans une déclaration écrite la ministre fédérale des Langues officielles, Ginette Petitpas Taylor.

À son avis, ces statistiques justifient d’autant plus l’adoption rapide qu’elle souhaite du projet de loi C-13 qui viendrait moderniser la Loi sur les langues officielles. Elle a aussi promis que les données orienteraient ses décisions en vue du prochain Plan d’action pour les langues officielles.

La Fédération des communautés francophones et acadienne du Canada (FCFA) a signalé attendre ce plan de pied ferme. «Il faut que le prochain Plan d’action pour les langues officielles soit véritablement un plan de relance pour la francophonie. Il faut une cible de rattrapage et de réparation en matière d’immigration francophone», a mentionné par communiqué la présidente de l’organisme, Liane Roy.

Le commissaire aux langues officielles, Raymond Théberge, croit également qu’Ottawa doit se concentrer sur l’accroissement de l’immigration francophone. «Nous constatons aujourd’hui que les cibles manquées en matière d’immigration francophone au cours de la dernière décennie contribuent à une érosion démographique qui, au fil du temps, risque de mettre en péril les services de première ligne dans nos communautés de langue officielle, comme les guichets de services gouvernementaux, la santé et l’éducation en milieu minoritaire», a-t-il déclaré par écrit.

Le cap d’un million d’anglophones dépassé au Québec

La proportion de personnes dont la première langue officielle parlée est le français a diminué dans toutes les régions du Québec, sauf en Gaspésie–Îles-de-la-Madeleine, toujours selon Statistique Canada. La baisse est plus marquée au Nord-du-Québec (-3,6 points de pourcentage), à Laval (-3,0 points de pourcentage), à Montréal (-2,4 points de pourcentage) et en Outaouais (-2,4 points de pourcentage).

Pendant ce temps, le nombre de personnes dont l’anglais est la première langue officielle parlée a continué d’augmenter dans la province, passant de 12 % à 13 % de 2016 à 2017.

«Pour la première fois depuis que des données comparables sont compilées, le nombre de personnes ayant l’anglais comme première langue officielle parlée a franchi le cap du million de locuteurs au Québec en 2021», souligne-t-on dans le rapport de Statistique Canada.

Parmi ces locuteurs, plus de 7 sur 10 se trouvaient à Montréal ou en Montérégie.

De façon générale, Statistique Canada explique la croissance de l’apport de la langue de Shakespeare par les migrations, en plus du fait que les anglophones sont en moyenne plus jeunes et ont donc un taux de décès plus faible.

«On sait (en provenance) d’autres sources de données que le nombre de résidents non permanents qui se sont établis au Québec de façon générale, de 2016 à 2021, a augmenté par rapport à la période précédente», a affirmé en point de presse le directeur adjoint du Centre de démographie de Statistique Canada, Éric Caron-Malenfant.

Le poids de l’anglais comme première langue officielle parlée n’augmente pas seulement au Québec, mais dans l’ensemble du Canada, et ce, depuis 1971. De 2016 à 2021, il est passé de 74,8 % à 75,5 %, tandis que le même indicateur pour le français a varié de 22,2 % à 21,4 %.

«Comme par le passé, l’immigration a contribué à cette tendance puisque c’est vers l’anglais que se tourne une majorité d’immigrants après leur arrivée au pays», peut-on lire dans le rapport publié mercredi.

M. Caron-Malenfant a souligné que Statistique Canada dévoilera des données spécifiques à l’immigration et aux déplacements de population interprovinciaux en octobre prochain. «On va avoir un aperçu beaucoup plus complet», a-t-il dit.

Effritement du français hors Québec

Comme constaté précédemment, le recensement de 2021 démontre que la proportion de francophones à l’extérieur du Québec a diminué.

Le nombre de personnes employant principalement le français à la maison représente 1,9 %de la population hors Québec, une baisse de 0,2 point de pourcentage. 

À ce chapitre, la baisse la plus marquée parmi les provinces et territoires autres que le Québec est observée au Nouveau-Brunswick, avec un écart de 1,6 point de pourcentage. L’Ontario suit avec une diminution de 0,3 point de pourcentage, puis l’Île-du-Prince-Édouard, le Manitoba, l’Alberta et le Yukon qui enregistrent tous une baisse de 0,1 point de pourcentage.

Le Nouveau-Brunswick a aussi subi la plus forte diminution sur le plan de la proportion de personnes déclarant avoir le français comme première langue officielle parlée. En effet, ce taux est passé de 31,6 % à 30 % entre 2016 et 2021, une chute de 1,6 point de pourcentage.

La baisse a été de 0,4 point en Ontario et au Manitoba, alors qu’elle a été de 0,3 point à l’Île-du-Prince-Édouard, en Nouvelle-Écosse, en Saskatchewan et en Alberta.

Quant à la maîtrise de langues autochtones, elle est en recul dans l’ensemble du Canada, selon les données diffusées mercredi. Le nombre de personnes ayant indiqué être en mesure de soutenir une conversation dans l’une de ces langues a diminué de 3,3 % entre 2016 et 2021.

Ce pourcentage peut être obtenu si l’on se fie aux «municipalités, réserves et établissements ayant participé au recensement à la fois en 2016 et en 2021», a précisé Statistique Canada. L’agence a fait savoir que la pandémie de COVID-19 a entraîné des difficultés à recueillir des données auprès de plusieurs communautés autochtones.

Parmi les personnes qui ont déclaré parler une langue autochtone de façon prédominante à la maison, l’inuktitut et les langues cries étaient celles qui recueillaient le plus de locuteurs.

En ce qui concerne les langues originaires d’autres pays, les plus parlées au Canada sont le mandarin et le pendjabi, toujours selon les données du recensement de 2021.