Le gouvernement fédéral ordonne à la GRC de réviser certaines pratiques

OTTAWA — Le gouvernement fédéral continue de demander à la Gendarmerie royale du Canada de cesser d’utiliser des outils de contrôle de foule très répandus dans les arsenaux des corps de police de l’ensemble du pays: les balles en éponge et les gaz CS.

Le cabinet du ministre de la Sécurité publique, Marco Mendicino, confirme qu’il veut que le recours à ces outils soit interdit, mais la GRC refuse de dire si elle compte suivre ces instructions.

La Fédération nationale de police — le syndicat qui représente les agents de la GRC — dit que le retrait de ces outils devrait soulever des inquiétudes sur la sécurité de la population et des policiers.

«Retirer des options moins létales à nos membres soulève de vraies questions sur la sécurité de la population et des policiers,» affirme le président du syndicat, Brian Sauvé.

Le ministre Mendicino avait ordonné à la commissaire Brenda Lucki d’interdire le recours à la technique du «contrôle carotidien», au gaz lacrymogène et aux balles en caoutchouc dans une lettre de mandat l’année dernière.

Le cabinet du ministre veut aussi s’assurer que la GRC n’utilise pas des moyens similaires.

Il mentionne que le ministre avait employé les termes «balles de caoutchouc» et «gaz lacrymogène» au «sens généralement compris par une majorité de Canadiens».

La GRC dit qu’elle «collabore avec des partenaires, des intervenants et agents du syndicat» pour examiner la lettre. Elle n’a donné aucune indication qu’elle avait l’intention d’obéir à M. Mendicino.

«La GRC continue de rapporter publiquement notre façon d’exercer nos options lors d’une intervention, comme le contrôle carotidien et les armes à impact à portée accrue de 40 mm qui tirent de grosses balles à pointes molles en éponge ou en silicone, pas des balles à caoutchouc, ainsi que d’autres types de munition.»

Elle ajoute que les armes à impact à portée accrue qu’elle utilise depuis 2017 «permettent au policier d’intervenir à une plus grande distance lorsqu’un sujet menace de s’en prendre à lui-même ou à autrui. Cette distance accrue donne aux agents plus de temps pour désamorcer la situation, lorsque cela est possible.»

Selon les données, la GRC a utilisé 102 fois le gaz CS en 2021 et 86 fois des armes à impact à portée accrue.

Des services de police de villes importantes comme Vancouver et Toronto ont confirmé à La Presse Canadienne qu’ils avaient accès à ce type d’arme.

Michael Arntfield, un criminologue de l’Université Western souligne que le gaz CS est «complètement différent» des éléments chimiques qui composent habituellement le gaz lacrymogène. Et les balles en éponge sont différentes des balles en caoutchouc.

Pour lui, les termes de «gaz lacrymogène» et de «balles de caoutchouc» sont «très incendiaires», car ils rappellent des images de coups d’État ou de policiers attaquant des manifestants pacifiques, comme ceux qui marchaient pour les droits civiques des Noirs, à Selma, en Alabama, en 1965.

«Je ne suis pas certain pourquoi ces termes seraient utilisés si le gouvernement était vraiment sérieux à examiner des solutions alternatives moins létales.»

Le Pr Arntfield se dit «vraiment déconcerté» par les raisons ayant pu pousser M. Mendicino à demander à la GRC d’utiliser des moyens policiers communément en œuvre dans l’ensemble du pays.

«C’est du théâtre politique. Cela n’a absolument rien à voir avec les opérations policières.»

La militante El Jones estime que le refus de la GRC d’obtempérer à la demande du ministre démontre que l’existence d’un grave problème d’imputabilité au sein de la police. «Je crois que la police est en train de nous dire que personne ne peut lui dire ce qu’elle doit faire.»

La question des techniques à la disposition de la police a été projetée sous les feux de la rampe à la suite de la mort de Tyre Nichols, battu par des policiers de Memphis, au début de janvier.

Le «contrôle carotidien», employé 14 fois par des agents de la GRC à 2021, a été l’objet d’une vaste condamnation après la mort de George Floyd, à Minneapolis.

Mme Jones dit que la police n’est pas assez transparente sur ses politiques ou sur la formation qu’elle donne à ses agents sur l’usage de la force.

«Il n’y a pas de bonne étude sur l’emploi de la force au Canada, déplore-t-elle. Le portrait de l’usage de la force par la police au Canada n’est pas très clair.»