Les excuses d’Amira Elghawaby ne suffisent pas, selon Roberge

QUÉBEC — Les excuses d’Amira Elghawaby ne suffisent pas: le gouvernement Legault juge qu’elle n’a «ni la crédibilité ni la légitimité» pour occuper la fonction de conseillère spéciale du premier ministre Justin Trudeau dans la lutte à l’islamophobie. 

Le ministre québécois de la Laïcité, Jean-François Roberge, a ainsi balayé du revers de la main les excuses que venait de présenter Mme Elghawaby mercredi après-midi à Ottawa. Le gouvernement Legault avait déjà demandé sa démission et n’a donc pas reculé.  

Rappelons que la militante a fait de nombreuses déclarations péjoratives visant les Québécois au cours de sa carrière et qu’elle a été nommée par Justin Trudeau la semaine dernière. 

Mais selon M. Roberge, ses excuses sont arrivées trop tard, parce qu’elle a d’abord tenté de justifier ses propos le week-end dernier, après sa nomination, en citant des informations erronées.

«Elle a fait des déclarations qui sont terribles, qui s’apparentent à du racisme, des préjugés odieux envers les Québécois, et elle a tenté de justifier des propos qui étaient totalement odieux et inacceptables, et je ne pense pas que ses excuses rétablissent tout le tort qu’elle a préalablement causé», a dit le ministre en mêlée de presse à la sortie de la séance du conseil des ministres mercredi après-midi.

«Trop grave»

C’est une «erreur trop grave», a-t-il conclu. 

Au sortir d’un entretien avec le chef bloquiste Yves-François Blanchet, Mme Elghawaby a dit mercredi: «je m’excuse sincèrement d’avoir blessé (les Québécois) avec mes mots.»

On lui reproche notamment d’avoir taxé les Québécois d’islamophobes en se fondant sur des données tronquées d’un sondage. 

Tous les partis à l’Assemblée nationale ont condamné les propos de Mme Elghawaby et demandé sa révocation en adoptant une motion, sauf Québec solidaire (QS), qui s’est abstenu.

Éric Duhaime

Même le chef conservateur Éric Duhaime a ajouté sa voix à ce rare consensus en réclamant aussi sa «destitution», pour reprendre ses mots.

«Comment voulez-vous qu’on croit à la sincérité de ses propos alors que ça fait une semaine qu’on lui demande de s’excuser? a-t-il dit en conférence de presse à Québec. Tu ne peux pas être la représentante spéciale pour la tolérance alors qu’elle même entretient des préjugés.»

QS sur la défensive

Québec solidaire (QS) est plutôt sur la défensive dans cette affaire. La co-porte-parole de QS Manon Massé a eu beaucoup de mal à justifier clairement la position de son parti mercredi.

Le Parti libéral (PLQ) accuse QS de duplicité, tandis que de son côté, le Parti québécois (PQ) reproche à QS d’avoir affaibli la position de l’Assemblée nationale, en refusant d’appuyer la motion. 

Les élus de QS eux-mêmes divergent d’opinion sur l’affaire Elghawaby. Le député Haroun Bouazzi juge que la CAQ fait diversion avec cette controverse pour éviter qu’on ne parle d’autres problèmes au Québec. Mais Manon Massé n’est pas de cet avis.

«On ne vit pas tous les choses de la même façon», a-t-elle dit concernant les divergences apparentes dans le caucus. 

«Peut être que… Tu sais, je veux dire, on est des humains, on est des humains.»

PLQ

«Il y avait comme un malaise chez le collègue de Québec solidaire», a argué le chef libéral Marc Tanguay. 

«Quand vous voyez un député de Québec solidaire dire: « on ne devrait pas parler de ça, circulez, il n’y a rien à voir. » Désolé, on va en parler.»

M. Tanguay soutient que QS est «assis sur la clôture» en n’ayant pas d’opinion sur un dossier «excessivement névralgique» puis dit une chose et son contraire, en étant à la fois fédéraliste et indépendantiste. 

PQ

Le PQ y voit les tiraillements d’une base très militante de QS. 

«Cette timidité par rapport à la question du destin du Québec, elle a toujours existé dans des groupes internes, qu’ils soient marxistes ou antiracistes, décoloniaux, ces groupes-là existent dans le parti de Québec solidaire, et ça explique peut être le manque de solidarité flagrant qu’on a vu.»

Son collègue Pascal Bérubé regrette que QS ne se soit pas élevé pour que tous les élus protègent «les prérogatives de l’Assemblée nationales», selon les mots. 

«Ils se sont abstenus, c’est comme s’ils avaient voté contre. Donc, je suis très déçu de ça, et je pense qu’ils vont devoir porter un certain bout de temps cette non-décision.»

Maccarone s’explique

Pour sa part, la députée libérale Jennifer Maccarone a fait son mea culpa, mercredi, concernant un message où elle semblait donner son appui à Mme Elghawaby.

Dans un micromessage maintenant effacé, la députée disait que le gouvernement Legault manquait d’humanité en demandant la démission de Mme Elghawaby.

«J’ai agi trop rapidement, trop tôt, sans avoir l’information complète, a dit Mme Maccarone. C’est pour ça que j’ai présenté mes excuses à la population. J’ai fait une erreur, et pour ceci, je suis profondément déçue en moi-même», a-t-elle déclaré.