Loi 21 sur la laïcité devant la Cour suprême: Québec entend se battre «jusqu’au bout»
QUÉBEC — Le gouvernement du Québec entend se battre «jusqu’au bout» pour défendre la loi sur la laïcité de l’État, communément appelée «loi 21», devant la Cour suprême.
Le plus haut tribunal du pays a accepté, jeudi, d’entendre la contestation de la décision rendue par la Cour d’appel en février 2024. C’est donc lui qui tranchera sur le bien-fondé de la controversée loi québécoise.
La loi 21 interdit le port de signes religieux aux personnes en autorité, notamment les juges, procureurs de la Couronne, policiers, agents des services correctionnels et enseignants du primaire et du secondaire.
Elle a été adoptée sous bâillon en 2019 par le gouvernement caquiste de François Legault, qui espérait ainsi mettre fin au débat sur les «accommodements raisonnables» au Québec.
«Chose certaine, le gouvernement du Québec se battra jusqu’au bout pour défendre la loi sur la laïcité de l’État», ont réagi sur X les ministres de la Justice et de la Laïcité, Simon Jolin-Barrette et Jean-François Roberge.
«Les Québécois ont fait le choix de la laïcité, un choix collectif et légitime qui représente l’aboutissement de décennies de débats.
«Il est primordial, voire vital, pour le Québec de pouvoir faire ses propres choix, des choix qui correspondent à notre histoire, à nos valeurs sociales distinctes et aux aspirations de notre nation», ont-ils ajouté.
Ils préviennent qu’«une intervention du gouvernement fédéral en Cour suprême (…) ne pourrait être considérée autrement qu’une attaque envers l’autonomie des états fédérés».
Entrée en scène du fédéral
Le gouvernement fédéral a toujours promis de soutenir une éventuelle contestation en Cour suprême, afin de protéger les droits et libertés des Canadiens.
D’ailleurs, tous les partis fédéraux, à l’exception du Bloc québécois, se sont engagés à contester la loi 21. «On sera là comme gouvernement du Canada», a réaffirmé jeudi le ministre canadien de la Justice, Arif Virani.
«C’est une conversation nationale, (…) parce que (…) la décision va avoir des implications sur les chartes, les droits, l’égalité, l’expression de la religion, qui vont influencer tous les Canadiens», a-t-il poursuivi.
Le ministre des Services publics et député fédéral de Québec, Jean-Yves Duclos, a dit s’attendre à ce que l’ensemble des candidats à la chefferie de son parti s’engagent à défendre la Charte des droits et libertés.
De passage au centre-ville d’Ottawa dans la cadre de sa campagne pour tenter de succéder à Justin Trudeau, Karina Gould a assuré vouloir protéger «les droits de tous les Canadiens».
L’argent du Québec contre le Québec, pestent Blanchet et PSPP
Jeudi, le chef bloquiste Yves-François Blanchet a plutôt exhorté les chefs de partis fédéraux à renoncer à utiliser «l’argent du Québec contre le Québec».
«Les libéraux, les conservateurs, le NPD sont tous en faveur d’utiliser l’argent des Québécois pour financer la contestation d’une loi légitime du Québec jusqu’en Cour suprême. C’est inacceptable», a-t-il martelé.
Réuni en caucus présessionnel à Terrebonne, le Parti québécois a abondé dans le même sens, demandant «formellement» au chef conservateur et aspirant premier ministre Pierre Poilievre de changer son fusil d’épaule.
«Les choix (du Québec) ne devraient pas être renversés par un Canada qui clairement se sent au-dessus des Québécois sur le plan de la moralité», s’est insurgé le chef péquiste Paul St-Pierre Plamondon.
Selon lui, depuis 40 ans, les tribunaux canadiens «charcutent, attaquent, affaiblissent (…) la volonté démocratique des Québécois».
Si la Cour suprême invalidait la loi 21, cela ne ferait qu’aider le mouvement souverainiste, a prédit M. Blanchet, qui voit poindre à l’horizon un «gain» potentiel pour les indépendantistes.
Débat sur l’utilisation de la clause dérogatoire
De son côté, Québec solidaire, qui s’est toujours opposé à la loi 21, a dénoncé jeudi le «recours inapproprié de la Coalition avenir Québec aux clauses dérogatoires».
Le gouvernement caquiste a en effet utilisé la clause dérogatoire de façon préventive afin de protéger des tribunaux certains aspects de la loi 21.
La Saskatchewan et l’Ontario ont depuis utilisé cette même arme dans d’autres dossiers afin de contourner des droits prévus dans la charte.
Dans leur message sur X jeudi, les ministres Jolin-Barrette et Roberge soutiennent que le Québec continuera d’utiliser la clause dérogatoire «aussi longtemps qu’il le faudra pour défendre nos choix de société».
«Nous appelons les autres états fédérés à défendre cette position. Il en va de notre autonomie (…) qui est au fondement même du pacte fédératif», ont-ils argué.
– Avec la collaboration d’Émilie Bergeron, à Ottawa, de Michel Saba, à Laval, de Patrice Bergeron, à Terrebonne, et de Thomas Laberge, à Québec.