L’opposition s’inquiète de l’avenir du plan stratégique d’Hydro-Québec

QUÉBEC — L’avenir d’Hydro-Québec inquiète les partis d’opposition qui affirment qu’un flou demeure quant à la stratégie de la société d’État dans la foulée des départs de sa présidente-directrice générale, Sophie Brochu, et du chef d’exploitation, Éric Filion. 

Hydro-Québec serait «en crise», selon le chef parlementaire de Québec solidaire, Gabriel Nadeau-Dubois. Il juge que les plans du gouvernement sont «improvisés» et «irréalisables». «Sophie Brochu quitte le navire. Éric Filion quitte le navire. Hydro-Québec est en crise», a-t-il dit à l’Assemblée nationale, mercredi. 

M. Nadeau-Dubois a réitéré sa demande d’entendre Sophie Brochu en commission parlementaire. La veille, le premier ministre, François Legault, avait dit que la personne qui témoignera serait celle qui dirigera Hydro-Québec sans préciser si la commission aurait lieu avant le départ de Mme Brochu en avril. 

«Une commission parlementaire sans Sophie Brochu, c’est comme une réunion de la CAQ sans McKinsey, a dénoncé l’élu solidaire à l’Assemblée nationale. Il manque un gros morceau.»

M. Legault a souligné que Mme Brochu avait été «très claire» quand elle a dit en entrevue qu’elle ne partait pas en raison d’un différend stratégique avec le gouvernement. «C’est rendu que le chef de Québec solidaire fait de la compétition avec Éric Duhaime [le chef du Parti conservateur du Québec] pour être le champion des complots au Québec», a ironisé le premier ministre. 

Pour sa part, le chef conservateur, Éric Duhaime, a dénoncé la «terminologie» employée par M. Legault. Il accuse le premier ministre de jeter de «l’huile sur le feu» en faisant allusion au complotisme et de «continuer à agiter une division» au moment où les tensions sociales liées à la pandémie se sont apaisées.  

Il aimerait de «tout cœur» que Sophie Brochu puisse témoigner en commission parlementaire. «C’est difficile pour le commun des mortels, présentement, de comprendre exactement ce qui se passe à Hydro-Québec parce que les gens qui savent ne parlent pas et les gens qui parlent ne savent pas.»

Cette absence de réponse amène des hypothèses, mais elles ne s’appuient pas sur des faits, ajoute-t-il. «Je pense que tout le monde ici à une hypothèse, mais on ne sait pas exactement ce qui se passe. Donc la meilleure chose serait de l’entendre de la bouche de Sophie Brochu, elle-même.»

Plus tôt en conférence de presse, le député du Parti québécois (PQ), Pascal Bérubé, a laissé entendre que le gouvernement veut gagner du temps. «Il joue l’horloge. Plus il repousse, un moment Mme Brochu aura fait ses boîtes et elle aura quitté le bâtiment. »

L’indépendance d’Hydro-Québec

Le chef de l’opposition officielle, Marc Tanguay, a qualifié la situation à Hydro-Québec de «préoccupante», en conférence de presse. «Je pense qu’on peut clairement parler d’un manque de gouvernail, a dit l’élu libéral. On manque un plan de route. Ils vont nommer un ou une PDG. Quelle sera la feuille de route? Est-ce que la feuille de route, c’est dire : « Appeler le ministre Fitzgibbon? [le ministre de l’Énergie et de l’Économie, Pierre Fitzgibbon] »»

M. Tanguay craint que le ministre Fitzgibbon en mène trop large dans la gestion de la société d’État. «Il ne peut pas décider seul dans son bureau à portes closes. Nous devons participer à ces décisions. Quand j’entends M. Fitzgibbon dire: « On en a pour après 22 000 ou 24 000 mégawatts (MW) de projets, on va en prendre la moitié et c’est moi qui décide”. On ne connaît pas les critères.»

Le chef de l’opposition faisait référence à un mémoire déposé, mardi, par Hydro-Québec, qui a révélé que la liste des demandes d’alimentation pour d’éventuels grands projets d’entreprises représenterait une puissance totale de 23 000 MW s’ils allaient tous de l’avant, hypothétiquement. Cela équivaut à 13 fois le complexe de la Romaine.

M. Fitzgibbon a dit qu’il pourrait approuver entre 8000 et 10 000 MW de projets industriels «pour la décarbonation et pour la création de richesse».

Le chef péquiste, Paul St-Pierre Plamondon, parle d’un «affaiblissement» d’Hydro-Québec. «Il y a des préoccupations légitimes sur la politisation d’Hydro-Québec.» 

Plus tard en commission parlementaire, l’analyste du secteur de l’énergie, Jean-François Blain, s’est inquiété que le gouvernement ait un plus grand pouvoir discrétionnaire sur l’approbation des projets industriels si le projet de loi 2 est adopté.

Le projet de loi 2 prévoit de réduire le seuil à partir duquel Hydro-Québec a l’obligation d’alimenter un projet. Ce seuil passerait de 50 MW à 5 MW, une demande formulée par la société d’État.    

L’analyste appuie ce changement dans un contexte de forte augmentation prévue de la demande, mais il croit que des organismes indépendants, comme la Régie de l’énergie, devraient effectuer la sélection des projets à partir de critères «transparents» et «rigoureux».  

«Si ce n’est plus Hydro-Québec qui décide si elle doit fournir ou pas au-delà de 5 MW, c’est la discrétion exercée au niveau politique qui se retrouve amplifiée avec les conséquences que ça peut avoir.»