Murray Sinclair est déçu du projet de loi sur les peines minimales obligatoires

OTTAWA — L’ex-président de la Commission de vérité et réconciliation affirme que le projet de loi libéral visant à supprimer certaines peines minimales obligatoires du Code criminel ne va pas assez loin.

Murray Sinclair a affirmé lors d’une audience du comité sénatorial jeudi que ce projet de loi C-5 ne va pas assez loin pour remédier à la surreprésentation des Autochtones et des Noirs dans le système de justice criminelle au Canada.

Il estime que le gouvernement n’a pas fourni de données probantes pour justifier cette «approche fragmentaire», qui maintiendrait dans le Code criminel les deux tiers des peines minimales obligatoires.

«Les peines minimales obligatoires restantes continueraient de restreindre la liberté des juges de première instance d’imposer la peine qu’ils jugent appropriée et justifiée dans les circonstances particulières de l’affaire et de l’individu qui se trouve devant eux», a déclaré M. Sinclair.

«En tant que stratégie visant à réduire la surincarcération des peuples autochtones et noirs, le projet de loi C-5 est loin d’aller assez loin», a-t-il dénoncé. 

L’ancien sénateur Sinclair a fait ces commentaires jeudi matin lors d’une audience du comité sénatorial de la justice, qui étudie le projet de loi déjà adopté en juin à la Chambre des communes, juste avant que le Parlement ne prenne une pause estivale.

Les changements proposés élimineraient certaines mesures de «répression du crime» adoptées pendant une dizaine d’années par les gouvernements conservateurs successifs de Stephen Harper, de 2006 à 2015.

Si le Sénat adoptait le projet de loi tel qu’il est rédigé, les peines minimales obligatoires seraient supprimées pour toutes les infractions liées aux drogues et pour 20 infractions liées aux armes à feu et au tabac.

Le projet de loi permettrait également un plus grand recours aux ordonnances de sursis, ce qui signifie que certains contrevenants pourraient purger leur peine dans la collectivité plutôt que dans un établissement, à la discrétion des juges.

Une porte-parole du ministre de la Justice, David Lametti, a dit que M. Sinclair avait soulevé des questions importantes jeudi.

«Nous tenons à remercier l’ancien sénateur Sinclair pour son travail essentiel qui nous a menés sur la voie de la réconciliation», a mentionné Chantalle Aubertin. Nous sommes d’accord avec son point de vue selon lequel la discrimination systémique et le racisme sont une réalité pour trop de personnes dans le système de justice pénale du Canada.»

Les peines que le projet de loi propose de supprimer représentent plus de 75 % de toutes les admissions dans un établissement fédéral pour des infractions passibles d’une peine minimale obligatoire, a précisé Mme Aubertin, et celles-ci ont «un impact disproportionné sur les populations racialisées et autochtones».

Dans son témoignage, Murray Sinclair a souligné que l’un des appels à l’action de la Commission de vérité et de réconciliation était d’éliminer complètement les peines minimales obligatoires et a exhorté le gouvernement à «mettre pleinement en œuvre» cet appel.

À défaut de supprimer complètement les peines minimales obligatoires, M. Sinclair estime que les sénateurs pourraient modifier le projet de loi pour donner aux juges chargés de la détermination de la peine la compétence et le pouvoir d’ignorer les peines minimales s’ils fournissent les raisons écrites de leur décision. 

Il a fait valoir que cette approche serait préférable au rejet pur et simple du projet de loi. 

Et il a ajouté que les juges ne changeront pas radicalement la façon dont ils abordent la détermination de la peine. «Ils utiliseront probablement toujours les principes appropriés de détermination de la peine, a-t-il déclaré. Ce que vous verrez probablement, c’est un changement dans la détermination de la peine par rapport à ce qu’elle était avant la création des peines minimales obligatoires.»

L’ancien sénateur a soutenu que la confiance des Canadiens envers leurs juges sera déterminée par le comportement des juges — «tout comme la confiance que les gens ont dans le Sénat sera fondée sur le comportement des sénateurs».