Pas d’obligation de rapatrier les Canadiens des camps en Syrie, dit une avocate

OTTAWA — Une avocate du gouvernement a déclaré à une audience de la Cour fédérale que la Charte des droits et libertés n’obligeait pas Ottawa à rapatrier les Canadiens détenus dans des camps syriens.

Les membres de la famille de 23 Canadiens détenus — six femmes, quatre hommes et 13 enfants — demandent au tribunal d’ordonner au gouvernement d’organiser leur retour, affirmant que refuser de le faire viole la Charte.

Ces citoyens canadiens font partie de nombreux ressortissants étrangers qui demeurent détenus dans les camps syriens dirigés par les forces kurdes qui ont repris à Daech (le groupe armé État islamique) la région déchirée par la guerre.

Selon l’avocate fédérale Anne Turley, il n’y a aucune obligation de faciliter le rapatriement de ces Canadiens inscrite dans la Charte, la loi ou le droit international.

«Il est clair que pour que la Charte s’applique à l’étranger, il doit y avoir des preuves que des responsables canadiens participent à des activités de l’État étranger qui sont contraires aux obligations internationales du Canada ou aux normes fondamentales des droits de la personne. Rien n’indique que c’est le cas dans la situation actuelle», a expliqué Me Turley.

Les personnes concernées dans ce dossier sont détenues à l’étranger par des entités étrangères qui opèrent indépendamment de la juridiction ou du contrôle du Canada, a-t-elle ajouté.

Exiger que le gouvernement agisse obligerait donc le tribunal à se pencher sur les questions de contrôle de la Couronne sur les relations internationales et les affaires étrangères, a-t-elle précisé.

Une poignée de femmes et d’enfants sont revenus de la région au cours des dernières années, mais le Canada n’a pas emboîté le pas des autres pays qui ont réussi à rapatrier des citoyens.

Processus complexe

Malgré cet avis, Affaires mondiales Canada a récemment déterminé que les six femmes et 13 enfants remplissaient les critères mis en place en 2021 concernant une aide extraordinaire.

Donc, Affaires mondiales Canada a commencé des évaluations en vertu des principes directeurs du cadre politique pour déterminer s’il convient de fournir cette assistance.

Les noms des femmes et des enfants n’ont pas été divulgués. Mais parmi les hommes, on retrouve Jack Letts, dont les parents ont publiquement pressé le gouvernement à aider leur fils. Ils soutiennent qu’il n’y a aucune preuve qu’il soit devenu un combattant terroriste à l’étranger.

Dans leur dossier déposé auprès du tribunal, les familles des Canadiens détenus soutiennent que le processus par lequel le gouvernement a déterminé s’il fallait rapatrier ses citoyens «constitue une violation de l’équité procédurale».

Selon elles, aucun demandeur n’a été informé du cadre politique fédéral mis en place pour déterminer s’il fallait prolonger l’aide jusqu’en novembre 2021, environ 10 mois après sa mise en œuvre, et environ deux mois après le début de la demande en justice.

Les membres de la famille veulent une déclaration selon laquelle l’inaction du gouvernement était déraisonnable, une demande officielle de rapatriement des membres de leurs familles, la délivrance de documents de voyage d’urgence et l’autorisation d’un représentant pour faciliter leur retour.

Cependant, Me Turley a rappelé que le processus est plus complexe qu’il n’y paraît.

«Ce n’est pas, comme les demandeurs voudraient vous le faire voir, un exercice simple et direct, a-t-elle mentionné. Ce n’est pas une approche unique.»

Le cadre politique du gouvernement vise à guider la prise de décision concernant une éventuelle aide extraordinaire «sur une base individuelle», a soutenu Me Turley.

Les responsables doivent tenir compte de la sécurité des représentants du gouvernement canadien impliqués dans les efforts de rapatriement ainsi que de celle des détenus, a-t-elle expliqué.

De plus, le gouvernement doit peser «la menace pour la sécurité publique et la sécurité nationale, ainsi que la protection du public canadien», a ajouté Me Turley.

«Le gouvernement doit évaluer ces variables, et elles évoluent. C’est une décision ponctuelle.»