Rouyn-Noranda: l’INSPQ propose que les émissions d’arsenic ne dépassent pas 15 ng/m3

MONTRÉAL — L’Institut national de santé publique du Québec (INSPQ) propose que les émissions d’arsenic dans l’air de Rouyn-Noranda ne dépassent pas une moyenne annuelle de 15 nanogrammes par mètre cube (ng/ m3), soit 5 fois plus que la norme québécoise de 3 ng/ m3, une recommandation que promet «d’évaluer» le ministre de l’Environnement Benoit Charette.

Selon le directeur national de santé publique, le Dr Luc Boileau, qui a fait le point mercredi sur la santé environnementale à Rouyn-Noranda, ce seuil permet «de protéger solidement la santé des bébés à naître et des enfants en bas âge» et de réduire les risques pour l’ensemble de la population de développer un cancer du poumon. 

«L’atteinte du 15 ng/ m3 est une étape intermédiaire vers l’atteinte de la norme», a précisé un conseiller scientifique de l’INSPQ lors d’une séance d’information technique avec les représentants des médias, un peu plus tôt, en précisant que «cette valeur devrait être atteinte le plus rapidement possible».

Les émissions d’arsenic dans l’air par la Fonderie Horne ont fait couler beaucoup d’encre ces dernières semaines. Actuellement, une entente avec le gouvernement permet que les émissions de la fonderie atteignent une moyenne annuelle de 100 ng/m3, soit 33 fois plus que la norme québécoise de 3 ng/m3.

Le docteur Boileau ne s’est pas prononcé sur un possible échéancier: «nous ne le savons pas», a-t-il dit en indiquant qu’atteindre la norme québécoise demande «des efforts substantiels qui ne se font pas en quelques semaines ou quelques mois».

Le directeur de la santé publique a précisé que le seuil de 15 nanogrammes «est une recommandation formelle au gouvernement» qui doit décider bientôt d’une nouvelle limite d’émissions d’arsenic pour la Fonderie Horne.

Le ministre Charette évaluera la proposition

En point de presse à Québec, le ministre de l’Environnement Benoit Charette ne s’est pas engagé à imposer ce seuil à la Fonderie Horne, mais il a assuré que les prochaines attestations «seront beaucoup plus sévères» que le seuil actuel.

«On ne veut pas compromettre la santé de la population, donc si la santé publique nous parle de 15 nanogrammes, on ne peut pas ne pas considérer cet avis-là, mais je ne peux pas le commenter à l’heure où l’on se parle», a indiqué le ministre en précisant qu’il n’avait pas encore eu le temps de lire la recommandation de la santé publique, mais qu’il compte «l’évaluer dans les prochaines heures».

Si la fonderie peut émettre plus de 33 fois plus d’émissions d’arsenic que la norme québécoise, c’est de la faute à l’ancien gouvernement libéral qui a paraphé cette entente de cinq ans qui vient à échéance en novembre prochain, a indiqué Benoit Charette.

«La fonderie n’est pas sans défaut, mais elle a utilisé toute la corde que les libéraux lui ont donnée. Cependant, cette corde-là était beaucoup trop longue, beaucoup trop grande. Donc oui, elle est un bon citoyen corporatif dans la mesure où elle s’est conformée à ce que lui imposait le gouvernement précédent. Or, ce n’était pas suffisant, ce n’était certainement pas mettre la santé à l’avant-scène et c’est ce qui va changer avec la prochaine attestation», a promis le ministre en indiquant qu’il se rendra à Rouyn-Noranda la semaine prochaine pour confirmer «les principaux éléments de la prochaine attestation».

La Fonderie présentera un plan dans les prochains jours

Après la conférence de presse de la santé publique, Glencore, propriétaire de la Fonderie Horne, a publié un communiqué dans lequel elle indique qu’elle prend acte de la recommandation et qu’elle est sensible «aux préoccupations exprimées quant au bien-être de la communauté» dont elle fait partie depuis 95 ans. 

«Nous dévoilerons dans les prochains jours notre plan d’action complet qui, nous l’espérons, répondra aux préoccupations soulevées jusqu’ici, tout en contribuant au développement durable de notre communauté», a précisé Alexis Segal, de Glencore Canada.

Risque de cancer: trois pour 100 000 habitants

Il y a quelques semaines, un rapport de l’INSPQ révélait que, sur une période de 70 ans, un nombre excédent de citoyens de Rouyn-Noranda, entre un et 14, développeraient un cancer si l’entreprise Glencore ne diminue pas la concentration d’arsenic dans l’air produit par la Fonderie Horne.

Avec le nouveau seuil d’arsenic proposé mercredi, le risque de cancer serait de «trois cas pour 100 000 habitants sur 70 ans» si les normes sont respectées pour les émissions de nickel et de cadmium. Selon l’INSPQ, le «risque inacceptable» correspond à «10 cas sur 100 000 habitants».

Comme il y a environ 40 000 habitants à Rouyn-Noranda, trois cancers pour 100 000 habitants représentent 1,2 cancer sur une période de 70 ans d’exposition.

Dans la conclusion de ce nouveau rapport, l’INSPQ indique qu’ une moyenne annuelle de 15 nanogrammes par mètre cube (ng/ m3), «contribuera à réduire le risque de cancer du poumon, pour les générations à venir du quartier Notre-Dame, par un facteur d’environ 4 par rapport à la situation actuelle, soit un niveau jugé acceptable dans des contextes nord-américains similaires».

Un seuil maximum journalier

L’INSPQ propose également un seuil «maximum journalier de 200 ng/m3» pour l’arsenic.

L’exposition actuelle à l’arsenic et au plomb retrouvés dans les sols pose également un risque préoccupant pour les jeunes enfants et l’INSPQ recommande «l’ajout d’une concentration maximale journalière de plomb de 350 ng/m3», «l’ ajout d’une concentration maximale journalière de cadmium de 30 ng/m3» et le «respect des normes annuelles pour le plomb (100 ng/m3), le cadmium (3,6 ng/m3) et le nickel (20 ng/m3)».

Lundi soir, le conseil municipal de Rouyn-Noranda a adopté à l’unanimité une résolution demandant que «les activités de la fonderie Horne visent l’atteinte des normes environnementales en vigueur pour l’ensemble des métaux lourds et des particules fines rejetées dans l’air». 

Cette résolution, formulée à l’attention du gouvernement du Québec,  s’ajoutait à celle du 13 juin dernier qui demandait notamment un plan d’action interministériel centré sur la santé des citoyens de Rouyn-Noranda.

Le conseil municipal avait également demandé que la prochaine autorisation ministérielle délivrée à Glencore par le ministère de l’Environnement prévoie des plafonds quotidiens d’émission.

Des citoyens déçus

Pour le médecin urgentologue Frédéric Bonin, le nouveau seuil proposé par la santé publique est «un pas dans la bonne direction, mais c’est très insuffisant». 

Celui qui pratique à Rouyn-Noranda «veut voir apparaître le 3 nanogrammes sur la prochaine attestation» qui sera délivrée par le ministère de l’Environnement. 

«On a pris de mauvaises décisions pendant les 40 dernières années, la population de Rouyn-Noranda en a payé le prix et elle ne doit plus payer le prix des mauvaises décisions politiques» a indiqué le docteur Bonin à La Presse Canadienne en faisant référence notamment aux données concernant le cancer et d’autres maladies qui sont plus présentes à Rouyn-Noranda qu’ailleurs dans la province.

Le comité Arrêt des rejets et émissions toxiques-Rouyn-Noranda (ARET) était également déçu de la sortie du docteur Boileau.

«C’est une grande déception, on a peine à comprendre qu’une direction de santé publique va faire qu’une région va être traitée différemment d’ailleurs», a fait valoir la porte-parole d’ARET, Nicole Desgagnés, qui déplore également qu’aucun échéancier ne soit proposé pour atteindre la norme de trois nanogrammes.

«Même pour le 15 nanogrammes, il n’y a pas d’échéancier», a ajouté madame Desgagnés.

Deux visites en quelques semaines

Il s’agit de la deuxième visite du Dr Boileau à Rouyn-Noranda cet été. Il avait tenu un premier point de presse dans cette ville de l’Abitibi-Témiscamingue le 6 juillet dans le cadre de la présentation d’une autre étude de l’INSPQ.

Tant la fonderie que le gouvernement ont reconnu que la quantité d’émissions d’arsenic dans l’air devra être revue à la baisse lors de la prochaine entente, mais aucun seuil exact n’a été confirmé jusqu’à présent.