Stablex: «ironique» que les municipalités s’opposent au projet, dit Charette

QUÉBEC — Le gouvernement Legault s’en prend aux municipalités qui s’opposent à une expropriation à Blainville pour agrandir un dépotoir de déchets dangereux, alors qu’elles en dépendent.

L’agrandissement de Stablex suscite la controverse depuis plusieurs semaines: à la fin de février, le gouvernement caquiste a déposé le projet de loi 93 pour exproprier au coût de 17 millions $ la municipalité de Blainville, dans la couronne nord, et ainsi fournir à l’entreprise le terrain qu’elle convoite.

Or l’Union des municipalités du Québec (UMQ), la Fédération des municipalités du Québec (FQM), ainsi que des conseils municipaux, y voient notamment un affront à l’autonomie municipale, puisque le gouvernement prend les grands moyens pour déposséder Blainville, contre son gré.

Blainville a offert un autre terrain adjacent, une option écartée autant par le gouvernement que par l’entreprise, qui le considèrent trop petit et trop près, à 300 mètres, d’un quartier résidentiel, par rapport à une distance de 1 kilomètre pour le terrain privilégié.

En mêlée de presse mercredi matin, le ministre de l’Environnement, Benoit Charette, y est allé d’un commentaire cinglant sur les opposants à l’expropriation.

Il a entre autres rappelé que les Villes sont elles-mêmes dépendantes des services de l’entreprise.

«Je trouve ironique de voir les municipalités se mobiliser contre le projet de Stablex, alors qu’elles sont des clients importants de Stablex, alors qu’elles n’auraient aucune autre alternative pour leurs propres déchets si Stablex n’existait pas», a-t-il déclaré.

En commission parlementaire mardi, la direction de l’entreprise a d’ailleurs rappelé que 600 clients au Québec dépendaient de ses services, dont des municipalités.

M. Charette a aussi laissé entendre que, contrairement à la Ville de Blainville, il défendait les habitants à proximité.

Si le gouvernement optait pour le terrain choisi par la Ville, les activités seraient «une nuisance permanente» pour des citoyens qui sont à 300 mètres du lieu de production, a-t-il fait valoir.

«Le respect de la population locale, la Ville de Blainville écarte cet aspect», a déploré le ministre.

Dans son témoignage mardi en commission, la mairesse de Blainville, Liza Poulin, a plutôt laissé entendre qu’elle avait l’appui de ses concitoyens.

Elle réclame notamment le retrait du projet de loi et que l’entreprise prenne le terrain que Blainville préconise – il s’agissait d’ailleurs du périmètre qui était prévu à l’origine pour accueillir l’expansion éventuelle de Stablex, depuis un décret du gouvernement en 1996.

Mercredi, la mairesse a acheminé une lettre au premier ministre François Legault, sa deuxième en quelques semaines, pour réclamer de nouveau une rencontre avec lui, mais aussi pour mousser la solution sur le terrain qu’elle priorise.

«Cette proposition est la seule qui soit viable, tant sur le plan de l’économie que de l’environnement, en plus de générer l’acceptabilité sociale que votre gouvernement a souvent identifiée comme un critère déterminant d’acceptation d’un projet de cette envergure», écrit-elle.

Le projet du gouvernement va «à l’encontre de l’intérêt municipal et ne bénéficiait d’aucune acceptabilité sociale», a renchéri la FQM dans un communiqué publié mercredi.

L’organisme dénonce «une atteinte directe à l’autonomie municipale et aux principes d’aménagement du territoire».

La FQM demande la suspension de l’étude du projet de loi et un «état des lieux complet» sur la gestion des matières dangereuses résiduelles, ainsi que l’exploration d’autres solutions.

La mairesse de Blainville a vanté la qualité écologique du territoire que Stablex veut détruire. Un règlement de contrôle intérimaire (RCI) est d’ailleurs en vigueur sur ce terrain, c’est donc un territoire protégé par la Communauté métropolitaine de Montréal, qui s’oppose aussi au projet.

La ministre des Ressources naturelles, Maïté Blanchette Vézina, l’a accusée en Chambre de dire des «faussetés».

Le terrain convoité par Stablex compte 9 hectares de milieux humides et 58 hectares de boisés.

Le terrain choisi permettrait à l’entreprise de construire une sixième cellule d’enfouissement et de poursuivre ses activités pour une quarantaine d’années, plutôt que 24 ans sur l’autre terrain plus petit.

Il ne reste que deux ans de capacité de stockage à Stablex, soit 400 000 mètres cubes jusqu’en 2027, fait valoir la direction. Et il faudrait deux ans de travaux préparatoires du terrain, et il reste jusqu’au 15 avril pour couper les arbres, a-t-on expliqué.

Le centre de traitement de déchets industriels de Stablex comprend actuellement une usine de traitement et cinq cellules d’enfouissement.

Les déchets traités sont des matières dangereuses résiduelles, des sols contaminés et des matières non dangereuses ayant des propriétés préoccupantes pour l’environnement.

Ces déchets proviennent par exemple de l’industrie minière ou encore de l’industrie pharmaceutique.

En 2024, 17 % des déchets étaient importés des États-Unis.