Une première au Canada: un patient reçoit un cœur qui avait cessé de battre
TORONTO — Un hôpital de Toronto dit avoir réalisé le mois dernier la première transplantation d’un cœur qui avait cessé de battre au Canada.
Le Réseau universitaire de la santé de Toronto (UHN) affirme que la procédure pourrait permettre d’accroître de 30 % le bassin national de donneurs si elle est étendue dans l’ensemble du pays.
Cette procédure a été adoptée il y a une décennie dans certains pays européens et en Australie.
La procédure a été réalisée par une équipe chirurgicale menée par le Dr Seyed Alireza Rabi. Celui-ci était membre de l’équipe qui avait réussi une des premières transplantations du genre aux États-Unis.
L’hôpital a indiqué que le receveur se rétablissait bien.
Le Dr Rabi arrive du Massachusetts General Hospital, où il a réalisé une cinquantaine de fois cette opération. Le chirurgien considère comme miraculeux chaque moment où le cœur d’un donneur se remet à battre dans le corps d’un autre patient.
Le chirurgien en chef du RHS, le Dr Thomas Forbes, mentionne que le nombre de personnes en attente d’un nouveau cœur au Canada s’élève à plus de 175 personnes. Cette nouvelle procédure pourrait sauver la vie de plusieurs d’entre eux.
«Cette innovation permet fondamentalement d’accroître le nombre de cœurs disponibles pour un don. Malheureusement, il existe une pénurie d’organes pour les patients souffrant d’une insuffisance cardiaque avancée», lance-t-il.
Des chercheurs québécois ont découvert que le temps d’attente pour une transplantation cardiaque est de 342 jours dans la province. Un adulte sur quatre inscrits sur une liste d’attente au Canada mourra ou ne sera plus admissible à cette opération parce que son état de santé s’est détérioré.
Des données de l’Institut canadien d’information sur la santé révèlent que 13 personnes sont mortes en attendant une transplantation cardiaque en 2024.
Le Dr Forbes dit que le UHN espère réaliser de 10 à 15 opérations supplémentaires grâce à la nouvelle procédure.
«Nous voulons surveiller très étroitement les résultats et les bénéfices de l’opération pour les patients, l’importance de bien sélectionner les patients, aussi bien les donneurs que les receveurs. On verra une croissance lente au cours des prochaines années.»
Une procédure inversée
Habituellement, une transplantation cardiaque est réalisée lorsque le cœur d’un donateur déclaré en état de mort cérébrale bat encore. Le chirurgien retire le cœur du donneur, le refroidit et le place dans une solution de conservation spéciale. L’organe peut demeurer à l’extérieur d’un corps pour environ quatre heures s’il est placé dans de la glace, et même pendant une plus longue période si la température est contrôlée.
Cette procédure est semblable à celle réalisée le mois dernier au UHN, seul l’état de santé du donneur était différent. La personne a été déclarée morte par des critères circulatoires.
Le cerveau du donateur peut encore montrer des fonctions de base, comme des réflexes très limités, mais les perspectives de rétablissement neurologique sont nulles. Si la famille accepte de lui retirer l’assistance vitale, le patient sera considéré comme un candidat potentiel pour une telle opération.
L’équipe ne dispose que de 60 minutes pour transplanter le cœur d’un donneur à un receveur, raconte le Dr Rabi. L’organe n’est plus considéré comme viable au-delà de cette période.
L’équipe doit transporter rapidement le donneur à la salle d’opération, ouvrir la poitrine et enlever le cœur. Elle doit ensuite placer l’organe dans une solution pour contrôler sa température. Au cours de cette période, le cœur est encore chaud, même s’il ne reçoit plus d’oxygène.
Le Dr Rabi s’est déplacé de l’autre côté de la salle d’opération et relie le cœur du donneur à une machine cardio-pulmonaire déjà connectée à un receveur. Le sang et l’oxygène alimentent de nouveau le cœur qui se remet à battre avant même d’être installé dans le corps.
Une grande nervosité règne dans la salle pendant une brève période pendant que l’équipe attend de voir si le cœur se réveillera dans son nouveau corps.
«C’est un cœur que l’on prend d’une personne. Il cesse de battre. Il est froid. La température est de quatre à dix degrés. On l’apporte, on le replace dans le corps d’un autre patient. Il est exposé à un nouvel environnement, à un sang nouveau. Et là, on espère qu’il se remettra à battre, pas seulement à battre, mais à battre à un point où il pourra aider une autre personne à vivre», souligne le Dr Rabi.
