Écoles: Drainville veut rapidement encadrer la gestion des dossiers d’inconduites

QUÉBEC — Le ministre de l’Éducation, Bernard Drainville, veut agir d’ici à la rentrée de 2024 pour réprimer les cas d’inconduite dans les écoles, à la suite de la publication d’un rapport qui fait état de nombreuses lacunes. 

Des actes répréhensibles sont ainsi perpétués parce que des employés passent d’un Centre de services scolaire (CSS) à l’autre sans que leurs antécédents les suivent, parce que d’autres bénéficient d’une amnistie, constate-t-on dans le rapport abondamment caviardé. Ou encore, des victimes sont mal accompagnées ou le traitement de leurs plaintes n’est pas transparent.

«J’ai été surpris par l’ampleur des lacunes, de là le sentiment d’urgence qui m’habite», a déclaré M. Drainville vendredi matin, lors d’une conférence de presse à l’Assemblée nationale pour commenter le rapport.

Il a évoqué l’amélioration du traitement des plaintes par le Protecteur national de l’élève qui vient d’entrer en fonction lundi, pour finalement laisser entendre qu’il ne portera pas un jugement tout de suite sur son travail.

Le rapport évoque notamment la «culture de la mansuétude», la «complaisance», voire des «conflits d’intérêts» dans des CSS. 

«Je suis extrêmement troublé», a indiqué le ministre en anglais.

Le document de plus de 120 pages qui se penche sur 18 cas est représentatif de la situation actuelle dans les écoles, estime le ministre. 

«Un échantillonnage comme celui-là nous permet de dire que les conclusions du rapport s’appuient non pas sur un incident ou deux, mais sur de nombreux incidents survenus dans de nombreux établissements, dans de nombreux organismes. C’est ce qui me fait croire que ça reflète assez bien la réalité.»

Le ministre songe à ajouter des amendements dans son imposant projet de loi 23, qui est actuellement à l’étude à l’Assemblée nationale.

M. Drainville avait commandé cette enquête à la suite de nombreuses allégations d’inconduites dans les écoles. Les travaux se sont déroulés du 21 mars au 31 juillet. Le rapport a été remis au ministre le 6 août et rendu public vendredi.

Il a soutenu que les correctifs seront mis en place avant la rentrée scolaire de 2024, soit une procédure de traitement des plaintes plus efficace, mais aussi un meilleur accompagnement des victimes et des dénonciateurs.

«Apporter un soutien adéquat aux victimes, avant, pendant et après la plainte, est aussi important que le traitement de la plainte elle-même.»

Le document d’une centaine de pages relève plusieurs problèmes dans la gestion des dossiers, notamment un manque de communication entre les différents employeurs, un manque de cohérence dans l’encadrement des enseignants et une formation limitée des intervenants.

On relève notamment qu’une direction n’a «pas fait les démarches nécessaires auprès de l’employeur précédent à la suite d’informations reçues selon lesquelles (l’enseignant) pourrait constituer une menace pour l’intégrité physique et morale des élèves».

Les auteurs suggèrent notamment d’améliorer la transmission d’informations d’un employeur à un autre pour déceler dès l’embauche des employés problématiques. On recommande aussi de mieux faire le suivi sur l’évolution des antécédents judiciaires, puisqu’en ce moment, il appartient seulement à l’employé de tenir au courant son employeur si sa situation change.

«C’est un non-sens qu’un enseignant, et plus largement, un employé de centre de services puisse commettre des gestes à caractère sexuel ou des gestes violents et se déplacer d’un centre de services à un autre sans conséquence», a déploré le ministre.

M. Drainville s’est dit également préoccupé par le fait que certaines sanctions imposées au personnel soient effacées de leur dossier après un certain temps. 

Par exemple, à Montréal, pour le personnel enseignant, l’avertissement écrit demeure au dossier cinq mois, la réprimande écrite ou la suspension demeure au dossier pendant 12 mois.

Le rapport recommande d’éliminer l’amnistie dans les cas d’inconduite sexuelle et de violence. 

Le ministre a promis d’avoir des discussions avec les syndicats pour que le dossier personnel «ne soit pas un obstacle à la protection des enfants». Il souhaite aussi que des vérifications continuent d’être effectuées en cours d’emploi.  

Le rapport suggère aussi de mieux informer la victime et les dénonciateurs du cheminement des plaintes, car ils n’ont souvent pas de suivi.

À Montréal, «seule une plainte écrite présentée par une personne identifiée victime et suffisamment détaillée peut être jugée recevable», ce qui écarte donc des témoins. 

Dans d’autres cas, on ne rencontre même pas la victime, mais ses parents.

Autre exemple évoqué: l’enseignant visé n’est pas titulaire d’un brevet d’enseignant, une situation plus courante désormais avec la pénurie de personnel. On ne peut donc imposer comme sanction de suspendre le brevet.

Le rapport recommande donc un mécanisme de contrôle pour les individus sans brevet.

D’ailleurs M. Drainville s’engage à rendre le mécanisme de suspension ou de révocation «plus simple et plus accessible».

Dans un communiqué, Québec solidaire (QS) a proposé au ministre d’adopter le projet de loi-cadre que le parti avait déposé au printemps dernier pour prévenir et contrer les violences sexuelles en milieu scolaire. 

Dans les derniers mois, plusieurs médias avaient exposé des cas inquiétants dans les écoles. Le rapport traite d’ailleurs de certains dossiers en particulier dans des écoles de la grande région de Montréal, mais ces sections ont été fortement caviardées.

Au total, 26 «situations problématiques» ont été évaluées dans le rapport, mais 18 dossiers ont été retenus et analysés. Plus de 25 rencontres préparatoires avec des dénonciateurs ou témoins ont eu lieu. Près de 80 entrevues ont été réalisées.

Quatre autres «situations» ont été retenues et seront traitées ultérieurement.

Un seul cas concerne un établissement privé, le Collège Saint-Charles-Garnier.  

Le Protecteur national de l’élève est entré en fonction le 28 août. Toute personne qui désire porter plainte peut s’adresser à son école, au Centre de services scolaire ou au Protecteur de l’élève de sa région pour s’assurer du traitement rapide d’une plainte à caractère sexuel.

Voici la liste des organisations étudiées et les personnes visées dans les 18 cas: 

CSS des Trois-Lacs: enseignant au secondaire 

CSS des Affluents: enseignant au primaire  

CSS des Mille-Îles: enseignante au primaire  

CSS de Montréal: personnel d’encadrement, trois enseignants au secondaire et un technicien en loisirs.  

CSS des Patriotes: enseignant au secondaire et enseignant au primaire  

CSS de la Pointe-de-l’Île: technicienne en éducation spécialisée au secondaire et enseignant au secondaire 

CS Eastern Townships: incident n’impliquant pas un membre du personnel 

Collège Saint-Charles-Garnier: enseignant au secondaire  

CSS de Laval: entraîneur et enseignant au secondaire  

CSS des Premières-Seigneuries: enseignant au secondaire   

CSS Chemin-du-Roy: enseignant au primaire et enseignant au secondaire.