Yves-François Blanchet espère raviver des sièges libéraux en Estrie

OTTAWA — Le Bloc québécois mettra les bouchées doubles cette semaine dans l’espoir d’envoyer un signal fort à l’Estrie, une région où le parti souhaite faire des gains aux dépens des libéraux lors des prochaines élections générales.

«Oui, on a des visées sur l’Estrie», admet le chef bloquiste Yves-François Blanchet en entrevue avec La Presse Canadienne.

Et le Bloc ne fera pas les choses à moitié. Non seulement il tiendra son caucus présessionnel à Sherbrooke, mais il a aussi organisé un colloque sur l’énergie à Bromont et pas moins d’une trentaine de rencontres de députés avec la société civile ici et là.

Les bloquistes sont nez à nez avec les libéraux dans les intentions de vote dans plusieurs circonscriptions convoitées de la région. Et ils le savent très bien.

«Brome-Missisquoi, Sherbrooke (et) Compton-Stanstead sont évidemment des endroits où on va aller interpeller les gens plus souvent», déclare M. Blanchet.

Aussi bien transmettre tout de suite des salutations distinguées respectivement aux députées libérales Pascale St-Onge, Élisabeth Brière et Marie-Claude Bibeau.

Tout cela «part d’une déception»: celle que la répartition des sièges aux Québec soit restée la même lors des dernières élections générales en 2021. «On avait des espoirs pour l’Estrie, lâche M. Blanchet. On a dû s’y prendre de façon inadéquate.»

Il note que l’approche sera «un peu différente» cette fois. Les bloquistes traiteront abondamment de l’«identité estrienne et sherbrookoise» qui est «entrepreneuriale et économique».

Et Yves-François Blanchet ne se gêne pas en entrevue pour vanter «cette innovation-là, cette proximité avec des axes internationaux en matière de développement» de la région. Cela est «proprement remarquable», dit-il. Quant à «la haute technologie entre Bromont et Sherbrooke», elle est «reconnue» et constitue «un secteur de pointe à travailler».

«Les voyous conservateurs»

À une semaine de la rentrée parlementaire, la progression des conservateurs dans les intentions de vote à l’échelle nationale n’inquiète pas outre mesure les bloquistes, assure Yves-François Blanchet.

«Une remontée des conservateurs nous positionne pour gagner des sièges libéraux, puis une remontée des libéraux nous positionne pour gagner des sièges conservateurs parce que nous, nos intentions de vote sont soit stables, soit en hausse», dit-il.

Selon le plus récent coup de sonde d’Abacus Data, les conservateurs de Pierre Poilievre récolteraient 40% des suffrages. Ils sont suivis des libéraux de Justin Trudeau à 26% et des néo-démocrates de Jagmeet Singh à 19%.

Au Québec, les bloquistes mènent dans les intentions de vote. Ce même sondage leur en créditait 30%, les libéraux 28%, les conservateurs 25% et les néo-démocrates 12%. Mais quelques jours plus tôt, l’écart était plus significatif alors que la firme Léger plaçait le Bloc à 26%, les libéraux à 30%, les conservateurs à 18% et les néo-démocrates à 10%.

Ces derniers jours, Pierre Poilievre a multiplié les attaques contre les libéraux, mais aussi contre le Bloc québécois. Il a notamment qualifié à maintes reprises de «taxe Blanchet-Trudeau» la tarification du carbone.

«Justin Trudeau et le Bloc qui punissent votre travail, prennent votre argent, taxent votre nourriture, et doublent le prix de votre logement», avait lancé le chef conservateur devant ses militants réunis en congrès à Québec.

Ce changement de ton n’était déjà pas passé inaperçu aux yeux d’Yves-François Blanchet au moment de réaliser l’entrevue quelques jours plus tôt. Il disait déjà s’attendre à des relations «extrêmement tendues» cet automne avec «les voyous conservateurs» avec qui «c’est une rupture claire».

M. Blanchet leur reproche de ne pas se comporter de façon «noble» en produisant «des publicités négatives sur la base de mensonges».

En ce qui concerne la tarification du carbone, par exemple, «ils (les conservateurs) extirpent ce qui fait leur affaire pour m’associer à Trudeau qui, présentement, évidemment, n’est pas au meilleur de sa popularité».

«Évidemment, avec ces niaiseries-là, on se fait écœurer sur les réseaux sociaux», soupire-t-il.

Quoi qu’il en soit, M. Blanchet affirme ne pas croire que Pierre Poilievre formera un gouvernement majoritaire.

En fait, il serait «très, très mauvais» pour le Québec qu’un quelconque parti détienne une majorité des sièges à la Chambre des communes, selon lui. Et inversement, un gouvernement minoritaire serait un scénario dans lequel le Bloc a un plus grand rapport de force pour «imposer sa volonté sur des enjeux importants pour le Québec».

«Je ne vois pas les Québécois être assujettis aux valeurs conservatrices, aux valeurs pétrolières, aux valeurs antiavortement, aux valeurs complotistes des conservateurs. Je pense qu’ils n’ont aucun désir d’être assujettis à un gouvernement Trudeau dont bien des gens sont tout à fait tannés.»

La semaine politique sera fort occupée alors que les libéraux tiendront également leur caucus présessionnel, à London, en Ontario. Lundi prochain, les élus seront de retour en Chambre pour la reprise des travaux parlementaires.