Erreur humaine fatale, Nouvel Air blanchie

Cinq mois après avoir présidé une enquête publique sur la mort du parachutiste Philippe Huard, le coroner Luc Malouin publie son rapport qui blanchit, une fois pour toutes, l’école de Parachutisme Nouvel Air. Une erreur humaine serait à l’origine de cet accident fatal survenu en octobre 2010.

Si le rapport rédigé en avril 2011 par l’enquêteur de la Commission de la santé et de la sécurité au travail (CSST), dont les conclusions ont été reprises en juin 2011 par le coroner Jacques Robinson, blâmait ouvertement l’entreprise située sur le chemin Lebeau à Farnham, Luc Malouin rejette du revers de la main l’ensemble des conclusions.

Les deux documents établissaient que la détermination de la passe de largage (le moment où les parachutistes sautent de l’avion) était déficiente, que le terrain présentait des zones de turbulence et que l’utilisation d’une mauvaise voile aurait mené à la mort du parachutiste-caméraman de 34 ans, le 10 octobre 2010.

Lors de cette journée qui s’est avérée mortelle pour le parachutiste, pas moins de 60 personnes ont effectué un saut en parachute. Toutes sont arrivées au bon endroit, à l’exception de Philippe Huard. «Si le largage avait été déficient, il est évident que des parachutistes seraient arrivés à l’extérieur de la zone prévue. Il est hautement improbable que le largage effectué pour toutes ces personnes, au même endroit, ait été déficient uniquement pour M. Huard. Une cause extérieure au largage est la seule conclusion pour expliquer la mauvaise arrivée de M. Huard», note Me Luc Malouin.

Quant à la présence de zones de turbulence, aucune variation notable n’a été enregistrée cette journée-là et la preuve entendue durant l’enquête fait état que la zone d’arrivée ne présentait pas de turbulence le 10 octobre 2010.

Enfin, l’utilisation d’une mauvaise voile n’est pas en cause. «Avec respect pour l’enquêteur de la CSST, la preuve entendue contredit ces affirmations. M. Huard utilisait une voilure Katana 107, laquelle est considérée comme une voilure performante. Il avait fait plus de 300 sauts sous cette voilure», écrit le coroner. Lorsqu’elle avait acquis cette nouvelle voilure, la victime, qui cumulait plus de 800 sauts en deux ans, a suivi une formation spécifique. «Selon moi, M. Huard était un sauteur expert, dédié à son sport, y consacrant tout son temps libre et effectuant toutes les semaines de nombreux sauts. Il avait, sans l’ombre d’un doute, les compétences et l’habileté pour utiliser la voile qu’il a choisie», enchaîne le médecin légiste.

De la pression sur les parachutistes?

Dans le rapport publié par la CSST, les deux enquêteurs en charge de déterminer si la santé et la sécurité du travailleur ont été mises en danger indiquent qu’«après avoir filmé la chute libre du client, il [le caméraman] doit se rendre à la zone d’atterrissage avant l’arrivée du client. Le caméraman sent alors le besoin d’aller vite après l’ouverture de son parachute. Il tente alors d’améliorer sa performance de sauts avec de petites voiles».

Luc Malouin se montre critique envers ces allégations qu’il croit injustifiées. «Je n’ai rien entendu dans la preuve qui me permet d’affirmer, comme le fait la CSST, que l’employeur met de la pression sur les épaules du caméraman pour qu’il aille plus rapidement ou encore qu’il effectue des sauts à risque. C’est très mal connaître le milieu du parachutisme que de faire de telles affirmations. Personne ne peut mettre de pression sur un parachutiste pour qu’il effectue des sauts à risque.»

Un simple rhume?

La prise de décongestionnant le jour du drame pourrait aussi avoir joué un rôle dans le décès de Philippe Huard. L’un des treize témoins entendus lors de l’enquête publique, le Dr René Blais, urgentologue et toxicologue expert, a précisé que les décongestionnants en vente libre peuvent causer de la somnolence, de la fatigue et une perte de vigilance. La qualité des images captées par Philippe Huard lors de son dernier saut démontre qu’il était pleinement conscient et qu’il possédait toutes ses facultés. Le coroner Malouin souligne donc que la médication sans ordonnance ne semble pas avoir joué un rôle sur la vigilance, du moins lors de la chute libre.

Dans son témoignage, le Dr Blais a ajouté qu’un état de congestion nasale peut altérer la pression sur l’oreille interne. «Ce faisant, il peut y avoir une perte de conscience ou de la douleur et des vertiges. Cette situation peut causer une perte de vigilance», rapporte le coroner Malouin.

Une erreur humaine

En avril dernier, Christian Hacquin, procureur aux enquêtes du coroner, qui assistait Me Malouin, laissait entendre, dans nos pages, qu’une erreur humaine serait à l’origine des événements. «Il n’y a pas de réponse certaine à 100%. Seul M. Huard sait exactement ce qui s’est passé en cette journée du 10 octobre 2010. Par contre, en reprenant les principes de base en matière de parachutisme et à la lumière de tous les témoignages d’experts entendus, je crois que l’erreur humaine explique cet accident».

«Une chose m’apparaît cependant certaine: un moment d’inattention causé par un agent extérieur est survenu dans les derniers instants du vol sous voilure. À cause de ce moment d’inattention, M. Huard a dépassé l’endroit où il devait amorcer ses derniers virages. Une erreur de pilotage est la cause probable et directe de ce malheureux accident», conclut le coroner Luc Malouin.

Soulagement

Près de deux ans après l’accident fatal, l’un des propriétaires de Nouvel Air, Michel Lemay, se dit soulagé, mais amer. «On est content que ce soit fini. On est blanchi, bien qu’on savait qu’on n’avait pas de responsabilité dans cet accident. On savait que de notre côté, les choses avaient été bien faites. C’est juste plate que ce soit rendu là parce que la CSST n’a pas mandaté quelqu’un de compétent pour faire la lumière», explique-t-il.

Cette mauvaise publicité a fait un tort énorme à son entreprise. Ce dernier n’écarte pas d’intenter des procédures judiciaires. «On analyse la possibilité», se contente-t-il de dire.