L’autre bal des finissants

Pour des centaines de jeunes garçons et de jeunes filles des écoles secondaires de la région le grand soir approche. En cette période de l’année, les robes, les paillettes et le flafla n’ont pas de limite pour célébrer «leur» bal des finissants. GranbyExpress.com a assisté à «l’autre bal», celui qui célèbre la fierté de la différence et de la persévérance.

Comme tous les autres finissants, les jeunes, qui entrent dans la salle du Club de golf Granby–St-Paul, portent robes de soirée et habits neufs. Ils ne recevront pas de diplôme, n’entreront pas au cégep, mais ils sont fiers! Ils n’ont pas lâché alors que tout aurait pu les éloigner de l’école.

L’autre bal, c’est celui des élèves du programme Préparation à la vie (PAV) de l’école secondaire Haute-ville. Ces jeunes sont atteints de déficience intellectuelle moyenne. À l’école, ils apprennent à acquérir de l’autonomie. «Il y en a qui vont réussir à trouver un emploi et qui vont pouvoir se débrouiller et il y en a d’autres qui vont toujours avoir besoin de soutien», souligne l’enseignante Marie-Claude Lahaie.

Certains élèves fréquentent le PAV durant neuf ans. De l’âge de 12 à 21 ans, ils développent leurs habiletés et leur potentiel avec le personnel de l’école Haute-ville.

Jeudi soir dernier, ils étaient une soixantaine de jeunes réunis pour fêter avec parents, amis et membres du personnel de l’école. Du nombre, six sont des finissants. Les autres assistent à la soirée pour le volet reconnaissance qui récompense les jeunes qui se sont démarqués entre autres par leur implication.

La directrice de l’école Haute-ville Danielle Faubert, souligne à quel point les jeunes sont heureux de participer à cette soirée. Ils l’ont attendu toute l’année, ont travaillé à son organisation, à la décoration et là, c’est le grand soir. «Il faut les voir quand la danse commence, ils sont tellement heureux!», assure-t-elle.

Le capitaine

Mathieu Fiset a fière allure dans sa chemise lilas. Une grosse bague au doigt, le crâne rasé, un sourire qui dépasse des deux côtés de son visage. Il a l’air de n’importe quel jeune de 20 ans. D’ailleurs, il va poursuivre son parcours scolaire en mécanique automobile au Centre régional intégré de formation (CRIF). Mathieu complète présentement un stage chez Écolo-vélo du cœur.

«Il a la chance d’avoir ce talent-là», reconnaît son prof et coach de hockey-balle Claude Lessard. C’est grâce à Claude si Mathieu est encore là. «Je voulais lâcher à 16 ans, confie le garçon. Les profs m’ont encouragé à rester à l’école.»

Claude Lessard et Marie-Hélène Roy travaillent en équipe. Lorsque l’un des leurs en arrache, ils passent à l’action. «On fait des rencontres face à face et on se dit les vraies affaires», résume l’homme qui a mis sur pied un programme de sport pour garder ses garçons motivés.

Mathieu y a trouvé son phare. Capitaine de l’équipe et champion compteur, il s’enorgueillit des deux championnats remportés par les Griffons, dont celui de cette année. Il faut voir l’expression sur son visage quand il raconte comment les «déficients» battent les «normaux» à plate couture!

Météorologue et commis d’épicerie

Vincent Labrecque est originaire de Cowansville, il a 20 ans et fréquente le PAV depuis six ans. «Je suis à la recherche d’un emploi», avance le jeune homme qui est en charge de la boutique de location d’équipement à l’école.

Membre du conseil étudiant, il a, entre autres, aidé à l’organisation de la fête de Noël. Vincent possède sa propre station météorologique et se passionne pour l’observation du ciel depuis l’âge de 14 ans. Lui non plus n’est pas triste de quitter l’école. Il a apprécié son passage et l’expérience, mais il a hâte d’entrer sur le marché du travail.

À ses côtés, Francis Daviault et Stéphane Giard ont une autre perception des choses. Pour eux, ce sera difficile de passer à une autre étape. «Moi, j’aime ça l’école», répète Stéphane à plusieurs occasions. Il va s’ennuyer de ses amis et de son équipe de hockey-balle.

Toutefois, il a eu la chance de réaliser un stage chez IGA et dit avoir adoré l’expérience. «J’ai fait du compost, des étiquettes, c’est le fun», avoue-t-il.

Francis Daviault, a fait son stage chez la concurrence, du côté du supermarché Métro. Lui aussi dit avoir «aimé ça», mais son attachement à ses enseignants va faire en sorte qu’ils vont lui manquer.

Fanny et le chocolat

Seule fille de la cohorte, Fanny Morin est entrée au PAV après sa première année de secondaire il y a huit ans. Elle a aujourd’hui 21 ans et s’apprête à entrer au CRIF. «Ça va être un peu émotif ce soir», confie la jeune femme qui trouve ça dur de quitter ses profs. Malgré tout, elle se dit prête pour affronter l’avenir.

Fanny a décroché un stage chez Zellers où elle a accroché des vêtements sur les rayons et fait un peu de ménage. Elle a aussi passé une journée par semaine à la chocolaterie Fleur de sel. Elle jure ne pas avoir mangé beaucoup de chocolat…

L’an prochain, Fanny doit entrer au CRIF pour poursuivre son cheminement vers l’autonomie.

Francis «la star»

Le dernier mais non le moindre se prénomme Francis. À voir comment ses camarades l’accueillent, il est une véritable vedette dans son groupe. D’ailleurs, il n’est pas passé inaperçu pour son bal puisque pas moins d’une vingtaine de personnes de sa famille ont assisté à la soirée!

Atteint de trisomie, le jeune homme ne parle pas beaucoup, mais son visage dit tout! Autour de lui, la fierté est contagieuse. À sa table, sa sœur et son parrain ne cachent pas leur enthousiasme pour l’événement. «C’est un grand moment pour lui», mentionne sa sœur.

Ni elle, ni personne d’autre n’avait envie d’être ailleurs ce soir-là. Jeudi dernier, c’était «l’autre bal», celui de Francis et de sa bande des six.