Décisions mitigées sur l’obligation des pays à atteindre leurs objectifs climatiques

STRASBOURG, France — Le plus haut tribunal européen des droits de la personne a statué mardi que ses États membres ont l’obligation de protéger leurs citoyens des effets néfastes des changements climatiques, mais a rejeté une affaire très médiatisée intentée par six jeunes Portugais visant à forcer les pays à réduire leurs émissions de gaz à effet de serre.

La Cour européenne des droits de l’homme s’est en effet rangée du côté de plus de 2000 membres du groupe Aînées pour la protection du climat Suisse. Elle a toutefois rejeté le dossier des jeunes Portugais et celui d’un maire français.

Les avocats des trois groupes espéraient que le tribunal de Strasbourg estimerait que les gouvernements nationaux ont l’obligation légale de veiller à ce que le réchauffement climatique soit maintenu à 1,5 degré Celsius au-dessus des niveaux préindustriels, conformément aux objectifs de l’accord de Paris sur le climat.

«J’espérais vraiment qu’on gagnerait contre tous les pays, donc je suis évidemment déçue que ça ne soit pas le cas», a reconnu Sofia Oliveira, âgée 19 ans, qui est l’une des plaignantes portugaises.

«Mais le plus important est que la Cour a déclaré dans l’affaire des Suissesses que les gouvernements doivent réduire davantage leurs émissions pour protéger les droits de la personne. Leur victoire est donc une victoire pour nous aussi, et une victoire pour tout le monde.»

Faisant référence à sa Convention fondamentale des droits de l’homme, «le tribunal a estimé que l’article 8 de la Convention englobe le droit des individus à une protection efficace de la part des autorités de l’État contre les effets néfastes graves des changements climatiques sur leur vie, leur santé, leur bien-être et leur qualité de vie».

Les arrêts de la Cour européenne des droits de l’homme ont créé un précédent juridique sur la base duquel les futurs procès pourraient être jugés dans les 46 États membres du Conseil de l’Europe.

Même si des militants environnementaux avaient déjà obtenu gain de cause dans des procès nationaux, c’était la première fois qu’un tribunal international se prononçait sur les changements climatiques.

L’Union européenne, à l’exclusion de la Suisse, s’est actuellement fixé pour objectif d’atteindre la carboneutralité d’ici 2050. De nombreux gouvernements ont prévenu qu’il serait économiquement impossible d’atteindre l’objectif de 2030.

Avec cinq autres jeunes, André dos Santos Oliveira, 16 ans, a poursuivi le Portugal et 32 autres pays en justice, arguant que leur incapacité à arrêter les émissions violait leurs droits fondamentaux. Leur cas a été rejeté.

«Les vagues de chaleur extrêmes, les pluies diluviennes, suivies de vagues de chaleur, nous étouffent avec l’effet de serre. Et ce qui m’inquiète, c’est qu’elles ont commencé à se produire de plus en plus. C’est ce qui me fait vraiment peur. Et je me suis dit: « Qu’est-ce que je peux faire? »», a-t-il dit.

Les juges ont tout de même donné raison à un groupe de retraitées suisses exigeant que leur gouvernement en fasse davantage pour lutter contre les changements climatiques.

Aînées pour la protection du climat Suisse, dont les membres sont âgées en moyenne de 74 ans, a plaidé que les droits des femmes âgées sont particulièrement bafoués parce qu’elles sont les plus touchées par les chaleurs extrêmes, qui deviendront plus fréquentes en raison du réchauffement climatique.

La Terre a battu des records mondiaux de chaleur annuels en 2023, flirté avec le seuil de réchauffement convenu à l’échelle mondiale et montré davantage de signes d’une planète fiévreuse, a averti en janvier Copernicus, une agence européenne pour le climat.

Dans les trois cas, les avocats ont soutenu que les protections politiques et civiles garanties par la Convention européenne des droits de l’homme n’ont aucun sens si la planète est inhabitable.