L’approche de Nétanyahou est une erreur, estime le président Joe Biden

TEL-AVIV, Israël — Le président américain Joe Biden a qualifié d’erreur la gestion de la guerre à Gaza par le premier ministre israélien Benjamin Nétanyahou et a demandé à son gouvernement d’inonder d’aide le territoire assiégé, accentuant ainsi la pression sur Israël pour qu’il parvienne à un cessez-le-feu et creusant un fossé entre les deux alliés indéfectibles.

M. Biden soutient ouvertement la guerre menée par Israël contre le Hamas depuis que le groupe militant a lancé un assaut meurtrier le 7 octobre. Mais ces dernières semaines, sa patience à l’égard de M. Nétanyahou a semblé s’émousser et son administration a adopté une ligne plus sévère à l’égard d’Israël, ébranlant l’alliance vieille de plusieurs décennies entre les deux pays et aggravant l’isolement international d’Israël à cause de la guerre.

Le désaccord le plus sérieux a porté sur les plans d’Israël pour une offensive dans la ville de Rafah, à l’extrême sud de Gaza, et le fossé s’est creusé depuis, aggravé par une frappe aérienne israélienne la semaine dernière sur un convoi d’aide, qui a tué sept travailleurs de l’organisation caritative alimentaire World Central Kitchen (WCK), dont un Québécois. Israël a déclaré que ces décès n’étaient pas intentionnels, mais M. Biden s’est indigné.

Les commentaires de M. Biden, formulés lors d’une entrevue diffusée mardi en fin de journée après avoir été enregistrée deux jours après l’attaque du WCK, soulignent les divergences entre Israël et les États-Unis au sujet de l’aide humanitaire apportée à la population de Gaza, où une guerre de plusieurs mois a conduit à des mises en garde contre une famine imminente.

«Ce qu’il fait est une erreur. Je ne suis pas d’accord avec son approche», a déclaré M. Biden à la chaîne de télévision hispanophone Univision.

Il répondait à la question de savoir si M. Nétanyahou donnait la priorité à sa survie politique plutôt qu’à l’intérêt national.

M. Biden a déclaré qu’Israël devrait accepter un cessez-le-feu, inonder la bande de Gaza assiégée d’aide pendant les six à huit prochaines semaines et permettre aux autres pays de la région de contribuer à la distribution de l’aide. «Cela devrait être fait maintenant», a-t-il lancé.

La faim à Gaza assombrit la fête musulmane de l’Aïd al-Fitr, un festival typiquement joyeux au cours duquel les familles célèbrent la fin du ramadan.

Israël a interrompu les livraisons d’aide à Gaza dans les premiers jours de la guerre, mais sous la pression des États-Unis, il a lentement augmenté le nombre de camions autorisés à entrer dans le territoire. Néanmoins, les groupes d’aide se sont plaints que les fournitures ne parviennent pas assez rapidement aux populations désespérées, accusant les restrictions israéliennes, et les pays ont tenté d’autres moyens de les acheminer, notamment par voie aérienne et maritime.

Israël affirme avoir régulièrement augmenté l’aide tout au long de la guerre, en ouvrant davantage de points d’entrée pour que les camions puissent pénétrer dans les zones particulièrement touchées, comme le nord de la bande de Gaza, une des premières cibles d’Israël dans la guerre.

Israël reproche aux organisations humanitaires d’être trop lentes à acheminer l’aide une fois à l’intérieur de la bande de Gaza. Ces groupes affirment que les problèmes logistiques et la situation sécuritaire précaire ― soulignée par la frappe contre la WCK ― compliquent l’acheminement de l’aide.

Israël et le Hamas sont actuellement engagés dans des pourparlers visant à instaurer un cessez-le-feu en échange de la libération des otages capturés par le Hamas et d’autres personnes qui ont pris d’assaut la frontière le 7 octobre. Mais les deux parties restent très éloignées sur des questions essentielles, notamment le retour des Palestiniens dans le nord de la bande de Gaza, durement touchée. Le cabinet de sécurité de M. Nétanyahou s’est réuni mardi en fin de journée pour discuter des négociations sur les otages, mais n’a pris aucune décision.

M. Nétanyahou s’est engagé à remporter une «victoire totale» dans la guerre, en promettant de détruire les capacités militaires et administratives du Hamas afin d’empêcher la répétition des attaques du 7 octobre et de restituer les otages. Selon lui, cette victoire doit passer par une offensive à Rafah, qui est, selon Israël, le dernier bastion important du Hamas, mais où plus de la moitié des 2,3 millions d’habitants de Gaza cherchent actuellement refuge.

Six mois après le début de la guerre, Israël est de plus en plus isolé, même son partenaire le plus proche exprimant de plus en plus ouvertement son mécontentement quant à l’orientation de la guerre, et ses partenaires commerciaux de longue date, comme la Turquie, prenant des mesures économiques potentiellement douloureuses pour exprimer leur désarroi.

M. Nétanyahou, qui fait l’objet d’un procès pour corruption présumée, est sous pression pour décider d’une vision de l’après-guerre pour Gaza. Mais ses détracteurs affirment qu’il temporise parce qu’il ne veut pas fâcher ses partenaires ultranationalistes au gouvernement.

Les partenaires de M. Nétanyahou au sein du gouvernement s’opposent également à toute concession significative au Hamas dans le cadre des négociations en cours. Ils ont menacé de quitter le gouvernement, une mesure qui entraînerait l’effondrement de la coalition au pouvoir et déclencherait de nouvelles élections.

«Si le premier ministre pense qu’il va y avoir un accord imprudent, il ne passera pas, a tonné Limor Sonn Har Melech, un législateur du parti de la ligne dure Puissance juive, dans une interview accordée à une station de radio israélienne. Si nous réalisons que l’arrêt de la guerre signifie une capitulation face au Hamas, nous ne serons pas là.»

Israël a lancé la guerre en réponse à l’assaut transfrontalier du Hamas, au cours duquel les militants ont tué 1200 personnes, pour la plupart des civils, et pris environ 250 personnes en otage, selon les autorités israéliennes.

Plus de 33 200 Palestiniens ont été tués dans les combats incessants, selon le ministère de la Santé de Gaza, qui ne fait pas de distinction entre les civils et les combattants dans son décompte, mais précise que la plupart des morts sont des femmes et des enfants. Israël affirme avoir tué quelque 12 000 militants, sans fournir de preuves.

La guerre a déclenché une catastrophe humanitaire. La majeure partie de la population du territoire a été déplacée et de vastes pans du paysage urbain de Gaza ont été rasés au cours des combats, de sorte que de nombreuses zones sont inhabitables.