Changements climatiques: pas de répit pour les glaciers canadiens

VANCOUVER — Au sommet d’une montagne qui surplombe la région métropolitaine de Vancouver, caché au fond d’un ravin orienté vers le nord, le dernier glacier de la région fond à toute vitesse.

Le glacier Coquitlam survit dans sa cachette depuis 4000 ou 5000 ans, du côté est du bassin hydrographique Coquitlam.

Les chercheurs préviennent toutefois qu’il est l’un des milliers de glaciers qui fondent plus rapidement que prévu à travers le Canada en raison des changements climatiques, ce qui pourrait avoir des répercussions sur les écosystèmes, la régulation du climat, l’approvisionnement en eau et le tourisme.

«Il s’accroche, mais en ce moment il disparaît très rapidement, c’est certain», a dit l’hydrologue Peter Marshall, du service d’eau Metro Vancouver.

M. Marshall et son équipe surveillent le glacier avec des lumières et des lasers, et leurs résultats sont inquiétants.

Entre 2015 et 2018, le glacier perdait environ 50 centimètres par année. Mais depuis ce moment, le rythme s’est accéléré à 2,25 mètres par année. Si la disparition du glacier est anticipée, cette multiplication par cinq est étonnante, d’autant plus qu’elle coïncidence avec des années de neige abondante, a dit M. Marshall.

«Avec une couverture neigeuse supérieure à la moyenne, on pensait que ça ralentirait peut-être un peu (la fonte), mais je pense que les étés longs et chauds et secs que nous connaissons depuis cinq ou sept ans ont vraiment accéléré le changement», a-t-il expliqué.

Dans 20 ou 30 ans, «nous dirons officiellement qu’il n’y a plus de glaciers dans notre région», a dit M. Marshall, avant de prévenir que cela pourrait se produire encore plus tôt.

Le glacier Coquitlam compte parmi les nombreux glaciers de l’Ouest canadien que surveillent les chercheurs au moment où le réchauffement des températures et la suie provenant des feux de forêt contribuent à la fonte.

Mark Ednie, un glaciologue de Ressources naturelles Canada, explique que les glaciers canadiens jouent un rôle spécial dans la régulation du climat mondial, puisque le pays compte plus de kilomètres carrés de glaciers que n’importe quelle autre région du globe, à part l’Antarctique et le Groenland.

Et ceux de la Colombie-Britannique, du Yukon et de l’Alberta se distinguent par la rapidité de leur fonte.

«La fonte des glaciers de l’ouest du Canada et du nord des États-Unis est l’une des plus rapides du monde, donc c’est très, très révélateur», a dit M. Ednie.

Les glaciers de l’Ouest canadien sont une source cruciale d’eau, alimentant des cours d’eau comme les rivières Bow et North Saskatchewan. Avec la fonte des glaciers, le niveau et la qualité de l’eau diminueront, ce qui pourrait potentiellement avoir un fort impact sur les habitants de ces régions, a-t-il ajouté.

M. Ednie compare les glaciers à des réservoirs ou à des banques d’eau. En ce moment, nous retirons de l’eau qui a été stockée dans les années 1800, a-t-il dit. «Mais à un moment donné très bientôt», a-t-il dit, la fonte des glaciers atteindra son maximum, puis l’écoulement vers les ruisseaux et les rivières diminuera.

«Il faut se préparer à ça», a prévenu M. Ednie, en précisant que les impacts seront ressentis de l’hydroélectricité à l’agriculture. Comprendre ce qui se passe et se préparer pour l’avenir est mon message central.»

M. Ednie est l’un des trois membres du Projet national de glaciologie, qui est chapeauté par le gouvernement fédéral. Ses collègues et lui se rendent en hélicoptère et à ski visiter et mesurer les dix mêmes glaciers au moins deux fois par année.

Comme le glacier Coquitlam, il a vu des résultats alarmants. En Alberta, dans le parc national de Banff, le glacier Peyto a reculé de près de 200 mètres horizontaux en 2021 après avoir perdu seulement 500 mètres au cours des dix années précédentes, a-t-il révélé.

«On arrive vraiment au point final de la désintégration de ce glacier», a dit M. Ednie.

Brian Menounos, le titulaire de la Chaire de recherche du Canada sur l’évolution des glaciers, raconte être tombé en amour avec les glaciers pendant sa jeunesse, lors de randonnées dans les Alpes autrichiennes.

«C’était spectaculairement beau. La glace en particulier. Je dis toujours à mes étudiants que c’est le minerai le plus précieux de la Terre», a dit M. Menounos, qui enseigne à l’Université du Nord de la Colombie-Britannique.

Le rôle des glaciers pour aliment les rivières et les ruisseaux en eau après la fonte de la neige est crucial. Leur disparition aurait des conséquences dramatiques pour le saumon et d’autres espèces, les cultures autochtones, l’économie et le tourisme, a-t-il ajouté.

Et si les glaciers de l’ouest du Canada ne contribuent pas grand-chose à la hausse du niveau des mers, il n’en va pas de même pour la calotte glaciaire et les champs de glace de l’est de l’Arctique canadien, ce qui a des implications mondiales.

«Ça devrait être une autre alarme immanquable qu’il faut agir dès maintenant et décarboniser rapidement», a dit M. Menounos.

Mais les menaces ne cessent de se multiplier, a-t-il souligné. L’an dernier, c’était le soi-disant ‘dôme de chaleur’, qui a été suivi d’incendies de forêt qui ont déposé de la suie noire sur la surface blanche des glaciers, leur faisant du fait même absorber plus de chaleur.

Cette année, les chutes de neige ont été abondantes, mais l’été et la saison chaude se sont étirés jusqu’en octobre.

«C’est un événement météorologique particulier. Mais si on met toutes ces anomalies annuelles bout à bout, ça donne une fonte beaucoup plus accélérée que ce qu’on voit habituellement, a-t-il dit. Si je devais tout résumer, je dirais qu’il n’y a pas de répit pour les glaciers.»

Et malgré tout ce qu’on sait au sujet de la vulnérabilité des glaciers, il y en a encore beaucoup qu’on ne sait pas.

Par exemple, ce n’est que tout récemment qu’on a accepté que les feux de forêt et leur rôle dans le réfléchissement de la lumière contribuent de manière importante à la fonte, a-t-il dit.

M. Menounos a ajouté qu’on doit investir de manière urgente dans la recherche pour obtenir les données qui nous aideront à comprendre les impacts et à élaborer de meilleures réponses.

«Il faut améliorer notre capacité à surveiller efficacement les glaciers de la Colombie-Britannique, de l’Alberta et d’ailleurs», a-t-il dit.