Cinq points à retenir du congrès du Parti conservateur du Canada

OTTAWA — Les militants du Parti conservateur du Canada (PCC) ont quitté le congrès politique de leur parti, qui se déroulait vendredi et samedi à Québec, dans une ambiance quelque peu inhabituelle: la célébration.

Les membres du parti, les députés et les experts estiment que la possibilité de voir un retour des conservateurs au pouvoir semble à portée de main. L’unité des conservateurs devient également plus évidente sous Pierre Poilievre, le chef du parti, élu il y a un an.

Avec une bonne humeur soutenue par la hausse du PCC dans les sondages, le défi qui attend le parti, disent certains, est de savoir comment maintenir cet élan jusqu’aux prochaines élections fédérales, qui pourraient avoir lieu seulement en 2025.

La Presse Canadienne a posé cette question aux stratèges, députés et partisans du parti lors du congrès.

Voici cinq points à retenir sur ce que les conservateurs devront faire d’ici au prochain scrutin:

S’en tenir au scénario

Continuer à mettre l’accent sur le coût de la vie est la chose la plus importante, disent des spécialistes et des membres du caucus.

Au congrès, M. Poilievre a consacré la majeure partie de son discours de plus d’une heure à cette question, et plusieurs ont le sentiment qu’après des années passées à livrer un message économique dur, le déclic a finalement eu lieu.

Les conservateurs croient qu’il s’agit d’un sujet central qui présente M. Poilievre comme un premier ministre en devenir, à un moment où les libéraux ne parviennent pas à persuader les Canadiens qu’ils maîtrisent les problèmes de portefeuille.

Le délégué Liam O’Brien, de Terre-Neuve-et-Labrador, a souligné que M. Poilievre semble être un gagnant en raison de sa position contre «le coût de la vie élevé, les impôts élevés et l’incompétence libérale».

Maintenir la discipline signifie d’éviter toute distraction, disent les stratèges, ce qui est un défi avec une base militante qui veut pousser le parti plus loin dans les débats de «guerre culturelle».

Par exemple, les membres du parti ont voté massivement pour modifier la politique conservatrice afin d’interdire aux enfants trans d’accéder à certains soins d’affirmation de genre.

Une déléguée de Montréal, qui s’est présentée uniquement sous le nom d’Andrea, a mis en garde contre des répliques imminentes, alors que les membres se préparaient à voter en faveur d’une politique affirmant que le parti croit aux «espaces non mixtes» pour les femmes dans les toilettes et les vestiaires, ce qui exclurait les personnes trans.

«Les libéraux ne demanderaient pas mieux que de pointer cette question et de dire que nous divisons le pays», a-t-elle soutenu lors du congrès.

Vendre Poilievre

Le parti prévoit continuer à dépenser de l’argent pour diffuser des publicités mettant en vedette son chef.

Permettre aux nouveaux électeurs des circonscriptions clés de le voir en action est également une priorité.

Le parti affirme que la campagne publicitaire ne vise pas tant à changer l’image de M. Poilievre qu’à le présenter aux Canadiens qui ne le connaissent pas encore.

Toutefois, au moins un délégué a lancé un avertissement aux conseillers du chef.

«La seule raison pour laquelle nous pourrions perdre les prochaines élections semble être si nous sommes décrits comme des charlatans ou des radicaux», a affirmé Todd McBride, un délégué de l’Alberta.

Il a fait valoir que le soutien de M. Poilievre à la manifestation du «convoi de la liberté» à Ottawa et aux personnes qui ont refusé de se faire vacciner contre la COVID-19 signifie que «maintenant, bien sûr, nous faisons tout ce que nous pouvons pour le montrer comme un homme raisonnable afin qu’il ait une chance de battre (Justin) Trudeau».

Plus de politiques

M. Poilievre a l’occasion de se présenter aux Canadiens d’une manière que ses prédécesseurs Erin O’Toole et Andrew Scheer n’ont jamais eue.

Même si les deux anciens chefs du parti ont été confrontés à un manque de temps pour permettre aux électeurs d’apprendre à les connaître, M. Poilievre pourrait être confronté au défi inverse.

Certains stratèges affirment qu’une façon de maintenir l’intérêt des Canadiens pour le nouveau chef du PCC est de déployer davantage de politiques.

Toutefois, les militants souhaitent souvent conserver leurs meilleures idées pour leur programme électoral, ce qui complexifie le calendrier.

M. Poilievre, qui est souvent critiqué par ses opposants pour son manque de politique détaillée, a exposé ses priorités lors du congrès: réduire les dépenses, construire des logements et défendre les libertés.

Les libéraux s’en prennent particulièrement à l’absence d’idées de M. Poilievre pour lutter contre les changements climatiques, mis à part sa promesse d’abolir la taxe fédérale sur le carbone et le développement de technologies propres.

Prendre conscience que les sondages changent

Si leur situation semble favorable aujourd’hui, les députés conservateurs savent que l’opinion publique fluctue.

Les participants au congrès qui connaissent M. Poilievre depuis des années disent qu’il est motivé et qu’il n’est pas du genre à tenir les choses pour acquises.

Certains citent en exemple sa course à la direction du parti. Sa campagne s’est efforcée de vendre plus de 300 000 adhésions, malgré un soutien considérable au début, puis s’est concentrée sur l’obtention de votes jusqu’à la dernière semaine, même si de nombreux observateurs avaient pratiquement déclaré sa victoire des semaines plus tôt.

Des sondages qui placent les conservateurs bien devant les libéraux ont été réalisés au cours de l’été, mais il faut y associer un astérisque.

«On aura un meilleur portrait dans un mois», a expliqué Philippe Fournier, de 338Canada, qui publie un modèle statistique de projections électorales basé sur les sondages, la démographie et l’historique des élections.

M. Fournier a soulevé que pendant les vacances d’été, les sondages demandant aux Canadiens pour qui ils pensent voter aux prochaines élections peuvent parfois tomber dans l’oubli. «C’est très hypothétique», a-t-il noté.

Nommer des candidats

Même si M. Poilievre demeurera le communicateur en chef du parti, certains membres et organisateurs de la formation politique affirment que la nomination de candidats est une autre façon de maintenir l’élan de l’organisation.

Gagner une course à l’investiture, c’est avant tout vendre des adhésions, ce qui dynamise les partisans. Nommer un candidat dans une circonscription permet de garantir que quelqu’un diffuse le message conservateur localement dans les régions où il n’y a pas de titulaire pour faire ce travail.

Cette approche pourrait être utile dans la région du Grand Toronto, où M. Poilievre doit percer.

Nadeem Akbar, qui a perdu aux élections de 2021 dans la circonscription de Milton, a déclaré qu’il prévoyait de briguer à nouveau l’investiture conservatrice.

Il dit que regarder le rythme de M. Poilievre envoie un message fort.

«Les gens comme moi et tous les autres candidats, toutes les autres personnes impliquées dans le parti, quand on voit que le chef travaille, c’est sûr qu’on veut suivre ses traces et travailler dur nous aussi», a-t-il dit. 

Cependant, le lancement des courses à l’investiture est compliqué par le fait que les circonscriptions fédérales du pays sont en cours de redistribution, et que des changements n’interviendront qu’au printemps prochain.