«Convoi»: la Loi sur les mesures d’urgence exemptait les manifestations légales

OTTAWA — Les avocats de la défense de deux organisateurs du «convoi de la liberté» ont continué de renforcer leur position mercredi sur la question centrale de leur procès criminel: si la manifestation de 2022 qui a bloqué la capitale nationale du Canada pendant des semaines était ou non une expression légale des droits garantis par la Charte.

Chris Barber et Tamara Lich, deux des dirigeants les plus éminents de la manifestation, ont soutenu que leur seul objectif tout au long du convoi était d’organiser et de superviser une manifestation pacifique et légale, et qu’ils ont encouragé les gens à respecter la loi.

Leurs avocats ont déclaré à plusieurs reprises au tribunal cette semaine que le droit de réunion pacifique et la liberté d’expression sont protégés par la Charte canadienne des droits et libertés. La Couronne soutient cependant que les droits ont des limites et qu’une manifestation n’est pas légale simplement parce qu’elle est pacifique.

M. Barber et Mme Lich sont tous deux accusés de méfait et d’intimidation pour leur rôle dans les manifestations et ils font également face à de multiples accusations consistant à conseiller à d’autres d’enfreindre la loi.

Ils ont aidé à amener des milliers de gros camions et d’autres véhicules à Ottawa, accompagnés par des foules massives, dans le cadre de la manifestation perturbatrice de l’année dernière contre les restrictions de santé publique liées à la COVID-19, jurant de ne pas se retirer jusqu’à ce que le gouvernement fédéral se conforme à leurs demandes.

Le 14 février, après des semaines de manifestations à l’ombre de la colline du Parlement, ainsi que plusieurs manifestations similaires, mais non affiliées, à la frontière canado-américaine et dans les législatures provinciales, le gouvernement fédéral a proclamé l’état d’urgence en matière d’ordre public. Il s’agissait du premier recours à la Loi sur les mesures d’urgence depuis qu’elle a remplacé la Loi sur les mesures de guerre en 1988.

L’avocate de M. Barber, Diane Magas, a lu la proclamation d’urgence à haute voix devant le tribunal mercredi.

«Nous précisons en outre que les mesures temporaires spéciales qui peuvent être nécessaires pour faire face à l’urgence, comme prévu par le gouverneur en conseil, sont des mesures visant à réglementer ou à interdire toute réunion publique — autre que la défense, la protestation ou la dissidence», a récité Me Magas. 

«C’est un facteur très clé, à mon avis», a-t-elle déclaré à la juge.

Me Magas a fait valoir cet argument en réponse à l’allégation de la Couronne selon laquelle M. Barber et Mme Lich ont collaboré si étroitement qu’ils devraient être considérés comme des co-conspirateurs, ce qui signifierait que la preuve contre l’un d’eux s’appliquerait aux deux.

La défense affirme que la Couronne devrait prouver qu’elle a conspiré pour enfreindre la loi, plutôt que d’organiser une manifestation pacifique et légale.

«Il n’y a pas la moindre trace de preuve, directe ou indirecte, suggérant un objectif commun illégal» impliquant M. Barber, a déclaré Me Magas au tribunal mercredi.

De l’avis de la Couronne, ni la manifestation ni les actions de Mme Lich et M. Barber n’étaient licites, a affirmé la procureure de la Couronne, Siobhain Wetscher, une observation qui a amusé la juge Heather Perkins-McVey de la Cour de l’Ontario.

«Je sais, a ri Mme Perkins-McVey. C’est pourquoi nous sommes ici.»

Le co-avocat de Mme Wetscher, Tim Radcliffe, a souligné les dizaines d’appels lancés par Mme Lich et M. Barber pour que les manifestants restent pacifiques, unis et aimants. Ces déclarations revenaient à demander aux gens de rester non-violents, mais pas de rester dans la légalité, a-t-il déclaré.

«C’était le plaidoyer lancé à ceux qui prenaient le train en marche», a affirmé M. Radcliffe.

La défense n’a soulevé aucune contestation constitutionnelle, ce qui rend sans pertinence la question de savoir si la manifestation était une forme d’expression ou de rassemblement protégée par la Constitution, a ajouté Mme Wetscher. 

«Nous sommes confrontés à des infractions pénales», a-t-elle dit. 

M. Radcliffe a déclaré que tout ce que la juge Perkins-McVey devait considérer était de savoir si les rues avaient été bloquées et si la propriété avait été altérée, et si Mme Lich et M. Barber étaient complices de ces crimes.

La Couronne n’a pas encore précisé quand elle allègue que le complot a commencé, ni qui était impliqué en dehors de M. Barber et Mme Lich. La Couronne doit faire valoir ses arguments plus tard mercredi.

Me Magas a présenté au tribunal une chronologie des événements survenus lors de la manifestation du «convoi de la liberté», y compris des exemples de moments où M. Barber a encouragé les manifestants à suivre les conseils de la police et à quitter le centre-ville d’Ottawa afin d’établir un camp à l’extérieur de la ville.

Lors d’un échange de messages texte privés, un manifestant a dit à M. Barber qu’il était arrivé dans une zone de rassemblement sur Coventry Road, en dehors du centre-ville, au cours de la deuxième semaine de la manifestation.

«D’accord, restez là ou allez à la sortie 88», a répondu M. Barber, faisant référence à une zone de rassemblement rurale située à environ 45 kilomètres d’Ottawa. Les deux zones de rassemblement avaient été recommandées par la police.