Daoust déplore la réponse des ministres à la saga du monument sur l’Afghanistan

OTTAWA — Le groupe d’architectes qui avait été choisi par un jury pour construire un monument sur l’intervention canadienne en Afghanistan avant d’être écarté du processus par le gouvernement fédéral se désole d’avoir reçu une explication «pathétique» de la part d’Ottawa sur la façon dont le contrat a finalement été octroyé.

Le projet qui avait été soumis par Renée Daoust et son équipe avait été choisi par un jury.

Or, le gouvernement fédéral a fait fi du résultat et a décidé d’octroyer le contrat à un autre groupe. Il a expliqué sa décision en soutenant avoir voulu mieux refléter les préférences des vétérans qui ont participé à un sondage en ligne composé de trois questions.

Mardi, la ministre du Patrimoine canadien, Pascale St-Onge, et sa collègue ministre des Anciens Combattants, Ginette Petitpas Taylor, ont témoigné devant le Comité permanent des anciens combattants de la Chambre des Communes pour expliquer la manière dont le concept final a été retenu.

Dans sa déclaration initiale, la ministre St-Onge a affirmé que les questions devaient surtout être dirigées vers Mme Petitpas Taylor.

«Le ministère du Patrimoine canadien a joué un rôle qui était essentiellement administratif et d’appui dans ce projet-là. Patrimoine canadien a offert son expertise au ministère des Anciens Combattants Canada pour l’organisation du concours de design», a mentionné Mme St-Onge dans son allocution initiale, qui a duré moins d’une minute — bien loin des cinq minutes qui lui étaient accordées.

Tout au long de la réunion du comité, elle a redirigé les questions qui lui étaient posées vers Mme Petitpas Taylor.

Renée Daoust, qui est la porte-parole de l’Équipe Daoust — qui comprend la firme Daoust Lestage Lizotte Stecker, l’artiste Luca Fortin et l’ancienne juge de la Cour suprême Louise Arbour — a qualifié cette réponse d’inacceptable.

«C’était pathétique, je dois dire», a laissé tomber Mme Daoust mercredi en entrevue avec La Presse Canadienne.

Version officielle contredite

À la lumière des documents reçus par son groupe en vertu des lois sur l’accès à l’information, Mme Daoust réfute la version de Mme St-Onge selon laquelle le ministère du Patrimoine canadien n’a joué qu’un rôle de soutien dans ce dossier.

Dans une note datée de février qu’elle a reçue, il était indiqué que le ministère du Patrimoine canadien est responsable de la mise en œuvre de la politique sur les monuments commémoratifs nationaux sur les terres fédérales dans la région de la capitale du Canada.

Dans le même document, on demandait aussi à Pablo Rodriguez, qui était alors ministre du Patrimoine canadien, d’approuver la demande du ministère des Anciens Combattants visant à annuler la décision du jury pour le choix du projet gagnant.

On précisait finalement que les résultats de la consultation menée auprès des vétérans n’étaient pas destinés à sélectionner un gagnant pour le concours.

De son côté, lors de l’audience de mardi, Mme Petitpas Taylor a soulevé que c’était la moindre des choses, pour le gouvernement fédéral, d’écouter l’opinion des anciens combattants pour honorer leur sacrifice.

Selon elle, l’une des propositions finalistes s’est distinguée lors du sondage, récoltant un fort appui auprès des vétérans, soit celle de l’artiste autochtone Adrian Stimson.

«C’est sur la base de ces informations, monsieur le président, qu’après un examen attentif, le gouvernement du Canada a décidé de choisir le concept de design de l’Équipe Stimson», a expliqué la ministre Petitpas Taylor.

Offre d’indemnisation

Le jury a examiné les propositions de cinq équipes finalistes et a choisi le gagnant en novembre 2021 pour ce projet doté d’un budget de 3 millions $.

Des représentants du gouvernement fédéral ont informé l’Équipe Daoust que son projet avait été choisi par le jury, mais que le contrat irait tout de même à l’Équipe Stimson, quelques heures seulement avant qu’Anciens Combattants Canada ne tienne une conférence de presse annonçant le gagnant, le 19 juin dernier.

Paul Ledwell, qui est sous-ministre au ministère des Anciens Combattants, a révélé au comité que le gouvernement avait proposé d’indemniser l’Équipe Daoust.

«Le montant qui était offert, c’était 10 % — ça c’est normal dans ces cas-là», a-t-il indiqué mardi.

De son côté, Mme Daoust a indiqué qu’on avait offert 34 200 $ à son groupe, mais que cette offre avait été rejetée.

La consultation remise en cause

L’Équipe Daoust s’est plutôt tournée vers le soutien de la communauté artistique et architecturale, au sein de laquelle de nombreuses personnes ont exprimé leurs inquiétudes quant à savoir si le gouvernement respectera ses propres processus des prochains concours.

«C’étaient les règles du jeu. C’était clairement écrit», a dénoncé Mme Daoust.

Le groupe a également demandé l’avis de la firme de sondage Léger, qui a évalué les questions de la consultation menée auprès des vétérans, ainsi que sa méthodologie. Sa conclusion a été que les résultats de la consultation n’étaient pas scientifiques.

Confrontée à ce constat, la ministre Petitpas Taylor a soutenu que la consultation avait été envoyée sur les comptes via lesquels les anciens combattants reçoivent des services du gouvernement.

«Je trouve ça assez curieux que des membres de ce comité soient vraiment en train de questionner la validité de l’opinion des vétérans comme tels», a-t-elle martelé.

Le ministère des Anciens Combattants a confirmé que les membres du jury avaient signé des accords de confidentialité qui les empêcheraient de parler publiquement du processus de sélection.

L’Équipe Daoust a été convoquée devant le comité la semaine prochaine.