Des manifestations dans plusieurs villes dimanche pour la profession de sage-femme

MONTRÉAL — Près d’une centaine de personnes se sont rassemblées à Montréal, dimanche après-midi, pour soutenir la profession de sage-femme dont l’avenir est menacé par le projet de loi 15, selon différentes organisations. Des manifestations se sont déroulées simultanément aux quatre coins du Québec.

«Hors de mes tripes», pouvait-on lire sur la pancarte brandie par une manifestante qui, comme des dizaines d’autres, ont bravé la pluie pour faire valoir leur désaccord devant le bureau du premier ministre François Legault, sur la rue Sherbrooke Ouest, au centre-ville de Montréal.

Le rassemblement avait pour but de défendre les droits fondamentaux des femmes qui accouchent, tout comme l’autonomie professionnelle des sages-femmes, a expliqué Sarah Landry, co-coordonnatrice de la Coalition pour la pratique sage-femme.

Le projet de loi 15, présenté par le ministre de la Santé, Christian Dubé, vise à réformer le système de santé, notamment par la création de la société d’État Santé Québec.

«Depuis la légalisation de la pratique sage-femme, elles ont différents mécanismes qui viennent protéger cette autonomie-là. Il y a le Conseil des sages-femmes qui est aboli, au profit de la fusion avec le Conseil des médecins, dentistes, pharmaciens et sages-femmes (dans le projet de loi 15) et c’est sur ce comité-là que les sages-femmes se retrouvent minoritaires», a déploré Mme Landry.

Elle indique également qu’actuellement, il n’y a pas de hiérarchie dans les services de sages-femmes, mais que des responsables coordonnent l’équipe. Le projet de loi viendrait bouleverser ce fonctionnement.

«En plus de les rendre des cheffes de départements, elles sont sous l’autorité du directeur médical, qui doit approuver les règles de soin», a indiqué Mme Landry.

«Cette structure-là hiérarchique est pensée pour les médecins et une organisation des services qui est en centre hospitalier. Notre expertise va au-delà de ça», a déclaré devant la foule Amaili Jetté, vice-présidente du Regroupement Les sages-femmes du Québec (RSFQ), affilié à la FP-CSN.

Selon elle, si le projet de loi 15 était adopté comme tel, cela représenterait «la mise sous tutelle de la pratique sage-femme», et la «fin de la pratique sage-femme telle qu’on la connaît depuis la légalisation», qui est survenue en 1999 au Québec.

«Notre demande au gouvernement est claire: on souhaite qu’il recule sur le projet de loi 15, et qu’il protège l’autonomie professionnelle des sages-femmes dans le cadre de ce projet de loi», a résumé Mme Landry.

Émilie Pelletier participait pour sa part au rassemblement en tant qu’étudiante sage-femme en troisième année.

«La pratique sage-femme, c’est encore une pratique méconnue au Québec, mais ça demeure quand même une alternative pour les femmes qui n’ont pas envie d’être en milieu hospitalier, qui n’ont pas envie de faire comme le corps médical leur dicte de faire», a-t-elle fait valoir.

«Un accompagnement avec des sages-femmes, c’est une alternative plus humaine, et là le projet de loi 15 mettrait les sages-femmes sous la tutelle d’un directeur médical, qui pourrait dicter la pratique, éventuellement, les limites de la pratique sage-femme. Donc pour nous, c’est vraiment important de faire en sorte que ça puisse être empêché», a-t-elle ajouté.

Jade Saint-Arnaud tenait également à prendre part à la manifestation, ayant bénéficié d’un premier suivi avec une sage-femme.

«J’avais commencé un suivi médical, on s’était vu une fois, c’était 15 minutes, elle ne m’a jamais regardé dans les deux. Mais là, au premier rendez-vous (avec la sage-femme), elle me regardait dans les yeux, on avait une discussion, mon chum était impliqué tout le temps, a-t-elle raconté. On était un team à trois, c’était autre chose. Puis le suivi postnatal aussi.»

Des rassemblements sous le thème «touche pas à nos accouchements», organisés par la Fédération des professionnèles (FP-CSN), avaient aussi lieu à Québec, à Sherbrooke, à Gatineau, à Gaspé et à Carleton-sur-Mer.

Le cabinet du ministre de la Santé a réagi par écrit aux manifestations, en disant: «Nous reconnaissons toute l’expertise des sages-femmes et surtout leur apport essentiel dans les soins pour plusieurs femmes et familles partout au Québec. Jamais nous ne toucherons à leur autonomie professionnelle. Avec Santé Québec, ce qu’on souhaite c’est que l’ensemble des professionnels de la santé puissent travailler ensemble et non plus en silo.»

«C’est pour ça que dans le cadre du projet de loi 15 nous avons adopté un article qui mentionne que les sages-femmes pourront admettre et donner des congés à l’hôpital, sans passer par un médecin. Nous poursuivons aussi les travaux pour clarifier rapidement la situation pour s’assurer que les sages-femmes puissent prescrire la pilule abortive», peut-on aussi lire dans la déclaration.