Des réformes pourraient empêcher des pressions politiques sur la GRC

OTTAWA — Un criminologue de l’Université Carleton, le Pr Darryl Davies, les doutes au sujet des pressions politiques qui auraient été exercées sur la commissaire de la GRC au cours de l’enquête sur la tuerie survenue en Nouvelle-Écosse, en avril 2020, démontrent pourquoi celle-ci doit dépendre du Parlement, et non du ministre de la Sécurité publique.

Un comité parlementaire a convoqué Mme Lucki, l’ancien ministre de la Sécurité publique Bill Blair et d’autres membres de la GRC, à venir témoigner de ce qui s’est déroulé, le 28 avril. Au cours d’une conversation téléphonique, la commissaire aurait promis à des responsables fédéraux de donner des renseignements sur les types d’arme utilisés par le tireur lors de la tuerie.

Selon des notes manuscrites du superintendant Darren Campbell, alors responsable de l’enquête, sur la tuerie ayant coûté la vie à 22 personnes, Mme Lucki aurait dit que ces renseignements étaient liés à un projet de loi sur le contrôle des armes à feu que voulait présenter le gouvernement.

M. Campbell a choisi de ne rien dire sur les armes, arguant qu’une telle annonce pourrait mettre en danger l’enquête en cours.

Mme Lucki, M. Blair et le cabinet du premier ministre nient toute ingérence politique dans le processus.

Le Pr Davies soutient que ce problème n’existerait pas si la commissaire de la GRC dépendait du Parlement, et non du ministre de la Sécurité publique.

«Ainsi, il serait très clair que la GRC est une organisation autonome et indépendante et que ses décisions seraient libres de toute influence politique.»

Un autre criminologue ne croit pas que place la commissaire sous la responsabilité du Parlement soit l’unique solution.

Le Pr Rob Gordon, de l’Université Simon-Fraser, concède que la GRC a plutôt besoin d’un contrôle civil non politique. Toutefois, pour que cette solution soit efficace, il faudra examiner son mandat en premier lieu.

«Elle essaie de régler trop de choses pour trop de personnes», souligne-t-il en expliquant que les polices nationales aux États-Unis et Royaume-Uni n’ont pas à s’occuper des zones rurales et isolées.

Il fait valoir que de nombreuses études ont démontré au cours des années la nécessité d’un meilleur contrôle civil de la GRC, mais les gouvernements manquent de volonté politique pour l’établir.

«Nous sommes malheureusement pris avec ce symbole canadien que personne ne veut briser», déplore le Pr Gordon.

L’opposition a demandé plusieurs fois jeudi au ministre de la Protection civile, Bill Blair, s’il croyait la version de M. Campbell. «Je n’ai jamais critiqué un membre actif de la GRC et je ne commencerai pas, a-t-il répondu. Je n’ai pas participé aux discussions qui ont eu lieu entre la commissaire et ses subordonnés. Nous n’avons fait aucun commentaire sur cette discussion, mais je répète qu’il n’y a eu aucune ingérence dans cette affaire».

Le Pr Gordon juge que le ministre ne raconte que «des balivernes irresponsables et décevantes». Quant à son collègue, celui-ci croit que le gouvernement préfère défendre la GRC plutôt que d’imposer des réformes.

«Cette institution est en crise. Elle est dysfonctionnelle depuis plusieurs années», affirme-t-il.

Le comité parlementaire va reprendre ses travaux mardi.