Énergie fossile: présentation du plan pour mettre fin aux «subventions inefficaces»

MONTRÉAL — Le gouvernement du Canada a présenté lundi matin son plan pour mettre fin aux «subventions inefficaces aux combustibles fossiles», en y incluant une série d’exemptions.

Le gouvernement a dévoilé les lignes directrices et le cadre d’évaluation que devront suivre les ministères pour déterminer ce qui constitue une «subvention inefficace aux combustibles fossiles».

Les subventions qui «avantagent de manière disproportionnée le secteur des combustibles fossiles, soutiennent uniquement des activités liées aux combustibles fossiles et favorisent la consommation de combustibles fossiles» ne pourront plus être octroyées à partir d’aujourd’hui.

«J’invite le monde à rejoindre le Canada», a lancé le ministre de l’Environnement, Steven Guilbeault, lundi à Montréal, quelques heures avant son départ pour une réunion du G20 en Inde.

L’annonce ne concerne pas les engagements de subventions qui ont été pris dans le passé.

Le gouvernement fédéral a indiqué qu’il avait déjà identifié 129 mesures fiscales qui seront touchées par le plan. Le ministre  Guilbeault n’était toutefois pas en mesure de chiffrer ce que représente ces «subventions inefficaces».

Mais selon un responsable gouvernemental, les programmes gouvernementaux qui pourraient être affectés par les directives contrôlent environ 1 milliard $ de fonds publics.   

L’annonce de lundi ne concerne pas les fonds publics qui transitent par des sociétés d’État telles qu’Exportation et développement Canada, la source de la majorité des subventions gouvernementales au secteur des industries fossiles.   

Julia Levin, de l’organisme Environmental Defence, a dit que son groupe avait calculé qu’environ 19 milliards $ de financement pour les combustibles fossiles étaient passés par Exportation et développement Canada en 2022, alors que seulement 2 milliards $ provenaient d’autres sources.   

Le ministre Guilbeault a promis que des règles restreignant les investissements de la Couronne dans le développement des combustibles fossiles seront annoncées «d’ici l’automne 2024».

Six catégories d’exemptions

Le diable est dans les détails, car il existe une série de critères qui permettront de continuer d’octroyer des subventions à l’industrie des combustibles fossiles.

Voici la liste des six catégories d’exemptions:

– Une subvention qui «permet des réductions importantes des émissions nettes de gaz à effet de serre (GES) au Canada ou à l’échelle internationale en accord avec l’article 6 de l’Accord de Paris»; 

– Une qui «encourage les énergies propres, les technologies propres ou les énergies renouvelables»;

– Une qui «permet d’offrir des services énergétiques essentiels à une communauté éloignée»;

– Une qui «permet d’offrir du soutien à court terme dans le cadre d’une intervention d’urgence»;

– Une qui «encourage la participation économique des Autochtones à des activités liées aux combustibles fossiles»;

– Une qui «permet de soutenir des processus ou des projets de production atténuée qui s’accompagnent d’un plan crédible pour atteindre la carboneutralité d’ici 2030».

Le NPD est mécontent

Le Nouveau Parti démocratique a fait de l’élimination des subventions aux énergies fossiles une priorité de l’entente de soutien et de confiance conclue avec les libéraux.

Dans un communiqué diffusé après l’annonce, le NPD s’est dit «mécontent» du plan et juge qu’il ne répond pas à l’urgence climatique.

«Il est clair que cette annonce ne répond pas à l’urgence du moment, alors que les catastrophes climatiques mettent en péril tout ce à quoi nous tenons», a affirmé le NPD.

L’une des exemptions qui permettent de continuer à offrir des subventions à l’industrie fossile concerne «les technologies de production atténuée», comme le captage du carbone, ce que déplore le deuxième parti d’opposition.

«Les libéraux sont prêts à donner aux grandes sociétés pétrolières 12 milliards de dollars supplémentaires pour des technologies telles que le captage et le stockage du carbone, alors qu’elles ont déjà réalisé des profits records cette année» , a déploré le NPD.

De son côté, Monique Pauzé, porte-parole du Bloc québécois en matière d’environnement, a indiqué que «les libéraux de Justin Trudeau nous mentent éhontément lorsqu’ils parlent de « subventions efficaces » au secteur pétrolier. Cela n’existe pas et relève de la fiction».

Selon le Bloc, avec autant d’exemptions, «le pétrole et le gaz continueront d’être grassement subventionnés au Canada».

Un pas en avant, selon des environnementalistes

L’organisme Équiterre s’est également dit préoccupé par «les exemptions accordées, notamment pour le développement de solutions technologiques marginales comme la capture et le stockage de carbone et l’hydrogène, qui verrouillent l’avenir énergétique dans les projets d’énergies fossiles». 

Toutefois, le directeur des relations avec le gouvernement de l’organisation, Marc-André Viau, a indiqué que les «nouvelles balises entourant les subventions inefficaces sont un premier pas important pour débuter la transition du secteur pétrolier et gazier vers des énergies propres et renouvelables».

La directrice générale de la Fondation David Suzuki pour le Québec et l’Atlantique, Sabaa Khan, a également fait valoir qu’il s’agissait «d’une étape importante qu’on attendait depuis longtemps».

Par contre, «il y a un manque de transparence», car il n’y a pas «d’inventaire compréhensif» du soutien du Canada à l’industrie fossile, a-t-elle déploré.

Un plan bien accueilli par les producteurs de pétrole

L’Association canadienne des producteurs pétroliers, quant à elle, a accueilli favorablement les exclusions concernant des technologies qui pourraient éventuellement permettre de réduire les émissions de l’industrie.

Nous sommes «généralement alignés sur le cadre des subventions inefficaces aux combustibles fossiles publié aujourd’hui», a indiqué la présidente de l’association, Lisa Baiton, dans un courriel.

«Nous sommes heureux de voir qu’il est reconnu que le partenariat avec l’industrie pour investir dans les technologies afin d’aider à décarboniser l’économie canadienne demeure un élément important pour atteindre les priorités du gouvernement en matière de changement climatique et d’énergie», a-t-elle précisé.

Une promesse de longue date

Depuis la campagne électorale de 2015, qui a permis aux libéraux de Justin Trudeau d’obtenir leur premier de trois mandats consécutifs, ceux-ci promettent de réduire les subventions à l’industrie des énergies fossiles.

Cet engagement, aussi pris par le Canada au G20, n’a pas été rempli depuis. Dans leur plateforme de la plus récente campagne électorale, en 2021, les libéraux avaient promis que ce serait chose faite d’ici la fin de 2023.

En décembre 2022, Ottawa avait présenté une première mouture de son plan, en publiant les lignes directrices pour mettre fin aux nouvelles subventions directes pour les investissements et les projets de combustibles fossiles à l’étranger, y compris ceux qui appartiennent à des entreprises canadiennes.