Étude: décloisonner les métiers de la construction pour gagner en productivité

MONTRÉAL — L’industrie de la construction au Québec accuse un retard en matière de productivité par rapport à l’Ontario. Pour atténuer cet écart, il faudrait décloisonner les métiers et accroître la mobilité interrégionale des travailleurs.

C’est ce que plaide l’Association de la construction du Québec (ACQ), à la lumière d’une étude qu’elle a fait faire sur la productivité dans l’industrie. L’association patronale a aussi mené une consultation en demandant à 112 entrepreneurs d’évaluer jusqu’à quel point et par quels moyens leur productivité pourrait être accrue.

En matière de productivité de l’industrie québécoise par rapport à celle de l’Ontario, «l’écart moyen a été de 7,56 %, mais il atteignait 10,4 % en 2022, démontrant une certaine détérioration. Étant donné la similitude entre les deux économies, la proximité géographique et la prise en compte des effets de l’inflation, il est difficile d’expliquer ce qui justifie un tel écart», affirme-t-on dans l’étude.

Les entrepreneurs consultés ont estimé que le décloisonnement des métiers de la construction, pour obtenir une plus grande polyvalence des travailleurs, permettrait des «gains potentiels» de 10 % d’heures de travail, ce qui réduirait du tiers l’écart de productivité avec l’Ontario.

Selon la Commission de la construction du Québec, en 2022 l’industrie de la construction a enregistré 210,2 millions d’heures de travail. L’ACQ postule donc que 21 millions d’heures de travail pourraient être ajoutées

«En termes clairs, c’est 25 écoles primaires qu’on pourrait construire de plus au Québec», a avancé Guillaume Houle, porte-parole de l’ACQ, en entrevue.

M. Houle assure qu’il ne veut pas décloisonner à tous crins et demander à des électriciens ou des plombiers de faire de la peinture. Il voudrait par contre plus de polyvalence dans des métiers comme plâtrier, peintre, charpentier-menuisier.

Il précise qu’«il manquait 11 000 travailleurs dans le secteur de la construction au premier trimestre de 2023».

«On se pose la question: comment on peut faire plus avec moins, dans un contexte où il manque des travailleurs», ajoute M. Houle.

Mobilité entre les régions

Un autre moyen suggéré par l’ACQ pour accroître la productivité est de lever des barrières à la mobilité interrégionale des travailleurs.

À l’heure actuelle, il existe des règles et une limite au nombre de travailleurs qu’un entrepreneur peut emmener avec lui, lorsqu’il décroche un contrat dans une autre région que la sienne.

«Le fait est que l’employeur ne peut pas embaucher qui il veut, actuellement. Et ça limite, dans les régions, la saine concurrence», affirme M. Houle.

Cette question de la priorité d’embauche régionale avait fait parler d’elle lors des audiences de la Commission Charbonneau. Cette notion est parfois la cause de frictions, lorsque des travailleurs de la construction sans emploi, dans une région, voient débarquer un entrepreneur d’une autre région pour s’activer à un chantier avec ses propres travailleurs.

Parmi les autres moyens identifiés pour accroître la productivité, on note une meilleure formation des travailleurs, ainsi que des superviseurs et gestionnaires.

L’ACQ lance cette étude alors que le ministre du Travail, Jean Boulet, a annoncé une réforme de l’industrie de la construction pour l’automne. Le ministre veut notamment faciliter la reconnaissance de la formation reçue hors du Québec et la reconnaissance de l’expérience acquise par des travailleurs dans une industrie connexe à celle de la construction.

Ces questions de la mobilité interrégionale et du décloisonnement des métiers sont chères aux syndicats de l’industrie de la construction — ce qui augure d’intenses débats à venir.