Faute d’interprétation dû au chahut, un député bloquiste estime ses droits brimés

OTTAWA — Un député bloquiste unilingue francophone s’estime brimé dans ses droits linguistiques et en impute le blâme aux conservateurs alors que les interprètes cessent de traduire les délibérations du comité permanent des ressources naturelles où il siège en raison de la cacophonie qui s’y produit sans cesse, en anglais il va sans dire.

«De nombreux députés conservateurs parlent les uns par-dessus les autres, ce qui fait en sorte qu’à ce moment-là, pour les francophones, il n’y a plus d’interprétation. (…) Ça intervient un peu contre nos privilèges (parlementaires)», a déclaré lundi le député Mario Simard lorsque La Presse Canadienne l’a interpellé sur le sujet.

M. Simard, qui est porte-parole bloquiste en matière de ressources naturelles, avait soulevé l’enjeu lors d’échanges la semaine dernière alors que les conservateurs avaient une prise de bec avec le président du comité, le libéral de l’Alberta George Chahal.

M. Chahal venait alors de rendre une décision dans laquelle il tranchait que «le désordre en comité ne constitue pas en tant que tel un enjeu de santé et de sécurité» pour les interprètes, mais que lorsque cela se produit «il y aura interruption du service».

Dans sa décision, le président affirmait qu’il serait «vigilent» afin que l’interprétation soit disponible afin de permettre une participation «égale et juste» à tous les membres du comité «conformément à la Loi sur les langues officielles et à la Constitution». M. Chahal rappelait donc aux élus qu’il leur est interdit de prendre la parole avant qu’il ne la leur donne.

Il n’en fallait pas plus pour que les rappels au règlement fusent, à commencer par le conservateur albertain Garnett Genuis qui lui a reproché d’avoir induit le comité en erreur en invoquant précédemment des risques de santé et de sécurité en tentant péniblement de maintenir l’ordre et de calmer les ardeurs des élus.

«Et bien que des membres conservateurs tentent régulièrement de corriger vos fausses informations, vous avez redoublé d’efforts dans votre affirmation selon laquelle avoir plusieurs micros ouverts constituait un risque pour la santé et la sécurité, ce qui n’était clairement pas le cas, a-t-il déclaré. Il serait plus approprié que vous vous excusiez au comité.»

M. Simard lui a répondu que cela revient à dire: «permettez-nous de rester disgracieux, s’il vous plaît, parce que ça ne nuit pas aux interprètes».

La déclaration a mis le feu aux poudres dans la salle. «C’est pas (ce) que j’ai dit», a lancé en français à quelques reprises le député Genuis.

Un autre conservateur, le Saskatchewanais Jeremy Patzer, a tenté de justifier qu’il est «extrêmement important de noter» que des élus n’allument pas leur micro lorsqu’ils s’échangent des «plaisanteries» alors que d’autres parlent, ce qui n’est «pas abusif ou offensant envers les interprètes».

Durant son intervention, certains de ses collègues ont jugé approprié de commenter en parallèle ses propos à de multiples reprises, ce qui a mené le président à rappeler à tous «la déclaration que je viens juste de faire».

Le député néodémocrate Charlie Angus a quant à lui jugé que c’est «une tactique abusive» que «d’avoir plusieurs personnes qui parlent en même temps au micro» et que les objections des conservateurs ne visent qu’à «dénigrer» le président du comité.

«C’est aussi simple que ça»

M. Simard a plaidé que les conservateurs n’entendraient «rien» si des députés francophones parlaient en même temps parce que «les gens qui sont de l’autre bord de la vitre là-bas, qui font de la traduction, ils ne peuvent pas traduire simultanément dix personnes qui ouvrent leur micro».

«Le Parti conservateur ne comprend pas un principe de base, c’est que (…) tout le monde doit avoir accès à ce qui se dit. Donc l’enjeu principal est le fait que vous ouvrez tous vos micros en même temps en parlant en même temps et moi je ne comprends rien à ce moment-là. C’est aussi simple que ça», a-t-il déclaré.

En entrevue, lundi, un terme d’un comité qui s’est avéré beaucoup plus calme que les précédents, M. Simard s’est désolé que des conservateurs invoquent le règlement réclament quasiment «le droit de faire de l’obstruction et du chahut» sans qu’il ne leur soit demandé de cesser cette pratique.

Selon lui, ce chahut est «un prétexte» pour ralentir les travaux du comité. C’est que les conservateurs ont entrepris des tactiques d’obstruction parlementaire qui ont pour conséquence de complètement paralyser le comité depuis le 30 octobre.

«Depuis une vingtaine d’heures, notre principal sujet de conversation c’est savoir à qui est le tour de parole, a résumé M. Simard. Ce n’est rien pour diminuer le cynisme de la population face au travail des politiciens. Bien sincèrement, moi, si je demandais à quelqu’un que je connais d’écouter ce que je fais de mes journées en comité, je suis persuadé qu’il serait très découragé.»

La Presse Canadienne a été incapable de remonter le fil des échanges au-delà de mercredi dernier étant donné que le système de diffusion des débats de la Chambre des communes peine à gérer la vidéo de cette réunion qui ne fait qu’être suspendue sans être ajournée depuis un mois.