Gaza: Mélanie Joly demande à Israël de «respecter le droit international»

MONTRÉAL — Le Canada demeure prudent dans le vocabulaire utilisé face au bombardement de civils dans la bande de Gaza par Israël.

Devant un parterre de près de 300 convives invités par le Conseil des relations internationales de Montréal (CORIM), mercredi, la ministre des Affaires étrangères, Mélanie Joly, a pressé le gouvernement israélien de «respecter le droit international».

Mme Joly n’est donc pas allée jusqu’à condamner le gouvernement de Benjamin Netanyahou, malgré le bombardement d’un camp de réfugiés la veille, affirmant d’abord que «comme tous les États, Israël a le droit de se défendre contre les attentats terroristes». 

Elle a aussitôt enchaîné en ajoutant qu’«il doit le faire en respectant le droit international», faisant valoir que «même en temps de crises, il y a des principes à suivre» et que «même en temps de guerre, il y a des règles à respecter».

La ministre a qualifié de «tragédie humaine» la situation dans la bande de Gaza et a affirmé que «les civils — autant les Israéliens et que les Palestiniens — doivent être protégés et traités de la même manière».

Évacuer les 400 Canadiens à Gaza

Par ailleurs, la priorité immédiate du Canada dans cette région est de venir à la rescousse de ses citoyens. «Quatre cents Canadiens sont pris au piège à Gaza. Ils vivent dans la peur et le désespoir. En tant que gouvernement, nous avons le devoir de les protéger et de les sortir de cette situation intenable», a-t-elle affirmé, rappelant que sept Canadiens sont morts dans ce conflit jusqu’ici et qu’Affaire mondiales Canada est «toujours à la recherche de deux personnes qui pourraient être détenues en otage».

Le Canada, comme plusieurs autres pays, demande une pause humanitaire, mais pas de cessez-le-feu. La nuance est importante, selon Mme Joly. «Un cessez-le-feu, c’est lorsque les hostilités se terminent complètement et que les parties s’entendent. Un cessez-le-feu, c’est toujours plus facile lorsque ce sont deux États qui sont en guerre. Présentement, on est face à un État, Israël, et une organisation terroriste qui est le Hamas.»

Le Canada, dit-elle, privilégie une approche «très pragmatique qui est d’avoir des pauses humanitaires, une trêve humanitaire», afin de réaliser trois priorités: sortir les 400 Canadiens qui sont à Gaza, obtenir la libération de plus de 200 otages détenus par le Hamas et laisser entrer l’aide humanitaire.

«Le fait d’avoir des pauses humanitaires, ça fait en sorte peu à peu que, concrètement, ça peut amener une certaine détente dans le conflit, une désescalade», se permet-elle d’espérer. 

Relier diplomatie et défense

Mme Joly ne s’est pas limitée à discuter du conflit au Moyen-Orient. Toute la diplomatie canadienne doit s’inspirer, dit-elle, de cette approche pragmatique pour s’adapter à ce qu’elle estime être une crise de sécurité internationale avec la guerre en Ukraine, les manœuvres de la Chine et ainsi de suite. À cela s’ajoutent les défis que présentent les changements climatiques, l’inflation, l’intelligence artificielle, la polarisation politique, les migrations irrégulières, l’aggravation des inégalités et ainsi de suite. 

Mélanie Joly s’est ensuite longuement étendue sur la nécessité de renforcer la sécurité du territoire canadien, ses intérêts économiques, sa démocratie et sa culture pour faire une affirmation qui tranche avec la diplomatie canadienne traditionnelle: «Maintenant, plus que jamais, diplomatie et défense sont importantes et interreliées.»

Elle a invoqué un rehaussement des investissements dans les Forces armées canadiennes, l’achat d’avions F-35, le renforcement de NORAD, l’augmentation de la présence canadienne sur le flanc est de l’OTAN, notamment en Lettonie, et du soutien à l’Ukraine.

Renforcer la sécurité en Arctique

L’accessibilité de l’Arctique oblige aussi le Canada à investir pour renforcer la sécurité du passage du Nord-Ouest et assurer sa souveraineté sur ce territoire, alors que la Russie et la Chine lorgnent le Nord et ses ressources. Il sera aussi nécessaire, dans cette optique, «d’investir dans les relations diplomatiques avec les pays d’Europe du Nord,  l’Islande, la Norvège, le Danemark, la Suède et la Finlande».

Le Canada, a insisté Mme Joly, doit aussi se défendre contre l’ingérence étrangère et contre les menaces internes à sa démocratie que représentent «les mouvements extrémistes et populistes».

L’ approche pragmatique exposée par la ministre Joly implique également un engagement diplomatique, même avec des pays qui ne partagent pas les valeurs canadiennes. «Nous ne pouvons pas nous permettre de refuser de parler aux États avec qui nous ne sommes pas d’accord. (…) Si nous refusons de nous engager, nous incitons ceux qui ne partagent pas nos objectifs de s’unir à notre détriment. Lorsque le respect des règles diminue, la politique de la chaise vide ne sert à personne.»

En évoquant les principes de ce que doit être la diplomatie canadienne, la ministre a promis qu’elle devra «exiger que chaque pays respecte la souveraineté et l’intégrité territoriale des autres».

L’héritage à laisser à nos enfants

Ottawa, dit-elle, s’engage à accroître sa présence aux Nations unies et dans les institutions multilatérales. Reconnaissant la frustration et le désir de changement des pays à plus faibles revenus, elle a promis de «s’efforcer à rendre la Banque mondiale et le FMI (Fonds monétaire international) plus efficaces».

La mise à jour de la diplomatie canadienne dans le contexte d’un XXIe siècle perturbé est «un défi qui va façonner le monde que nous léguerons à nos enfants et petits-enfants. Ils nous jugeront sur la base des décisions que nous prendrons. Sur notre capacité à prévenir un conflit mondial et à construire un monde stable et inclusif.»

«C’est un test que nous ne pouvons pas échouer», a-t-elle conclu.