La concurrence a diminué au Canada depuis 20 ans, mais pas les marges bénéficiaires

OTTAWA — Le Bureau fédéral de la concurrence affirme que les profits et les marges bénéficiaires des entreprises ont augmenté au cours des deux dernières décennies au Canada, pendant que la concurrence, elle, diminuait.

Le bureau a publié jeudi une analyse en profondeur de l’évolution de la concurrence dans les différents secteurs au Canada entre 2000 et 2020. L’agence a utilisé les données de Statistique Canada ainsi que l’analyse fournie par le professeur agrégé de l’Université de Toronto Matthew Osborne et son équipe.

Le rapport, considéré comme le premier du genre, examine un large éventail d’indicateurs. Le Bureau conclut que l’intensité de la concurrence au Canada a diminué au cours de cette période.

«Notre principale conclusion est claire: il y a eu une baisse inquiétante de l’intensité concurrentielle dans l’ensemble de l’économie canadienne de 2000 à 2020», a résumé Alexa Gendron-O’Donnell, sous-commissaire déléguée, en point de presse jeudi.

Le rapport révèle qu’entre 2005 et 2018, la concentration a augmenté dans les industries qui sont déjà les plus concentrées, et que le nombre d’industries «fortement concentrées» a aussi augmenté. 

Dans les secteurs où les entreprises peuvent tirer profit de la technologie pour augmenter leur production et réduire leurs coûts, il peut être plus efficace d’avoir moins d’acteurs, créant ainsi plus de concentration.

Or, le rapport révèle a contrario que les grandes entreprises sont devenues moins efficaces que les petites entre 2001 et 2018. Il n’y avait donc aucun lien entre l’augmentation de la concentration et le fait que les grandes entreprises deviennent plus efficaces.

Par ailleurs, les grandes entreprises font face à une concurrence moins rude de plus petits joueurs, et moins de nouvelles entreprises se taillent une place dans ces marchés de plus en plus concentrés, constate le Bureau.

L’agence a relevé que moins d’entreprises sont entrées dans les industries en général entre 2001 et 2022, ce qui suggère que de nombreuses industries sont devenues moins dynamiques.

Le Bureau de la concurrence a également constaté que les profits et les marges bénéficiaires ont tous deux augmenté dans l’ensemble depuis 20 ans. 

Entre 2002 et 2018, la marge bénéficiaire moyenne dans tous les secteurs a augmenté de 6,7 %. Mais dans les secteurs où les marges estimées étaient les plus élevées, la hausse a atteint en moyenne 12,5 %.

Un résultat similaire a été obtenu en ce qui concerne les profits, qui ont augmenté davantage dans les secteurs les plus rentables entre 2000 et 2020.

Inflation et coût de la vie

Le rapport arrive à un moment où les questions de concurrence attirent l’attention des consommateurs canadiens et des décideurs politiques, un phénomène dont le Bureau de la concurrence a pris note alors qu’il préconise une approche «pangouvernementale» pour s’attaquer à ce problème.

«Alors que nous, au Bureau, plaidons depuis longtemps en faveur de politiques plus favorables à la concurrence, nous avons constaté que récemment, le public canadien et les décideurs politiques commencent à considérer cet enjeu comme une priorité», a souligné jeudi le sous-commissaire Anthony Durocher.

La récente flambée de l’inflation a mis ces questions de concurrence au cœur de l’actualité, alors que les consommateurs et les politiciens se demandent pourquoi les prix ont augmenté autant et si rapidement, entre autres au supermarché.

Les recherches menées par le personnel de la Banque du Canada montrent que les augmentations de prix ont étroitement reflété les augmentations de coûts auxquelles les entreprises ont été confrontées, ce qui implique que les consommateurs en ont supporté tout le fardeau.

Le gouvernement fédéral a récemment présenté un projet de loi qui apporterait plusieurs modifications à la Loi sur la concurrence et s’est aussi engagé à procéder à une refonte de la loi. Cependant, on ne sait toujours pas exactement quel est l’échéancier d’une modernisation complète de la loi.

Le commissaire Matthew Boswell affirme que ce dernier rapport du Bureau souligne encore une fois la nécessité de moderniser les lois canadiennes sur la concurrence «et d’adopter une approche pangouvernementale de promotion de la concurrence».

«Sans l’adoption de politiques favorables à la concurrence, le déclin de l’intensité concurrentielle risque de se poursuivre au Canada, indique M. Matthew dans un communiqué. Agir pour accroître la concurrence fera baisser les prix et rendra la vie plus abordable pour les Canadiens et les Canadiennes.»