La facture du cafouillage dans la transition numérique de la SAAQ dépasse les 41 M$

MONTRÉAL — Le fiasco informatique à la Société de l’assurance automobile du Québec aura finalement coûté un peu plus de 41 millions $ à la SAAQ.

C’est ce qu’a révélé le président-directeur général de la société, Éric Ducharme, mardi, lors d’une conférence de presse où la ministre des Transports, Geneviève Guilbault, était venue annoncer un troisième congé de primes d’assurance pour les automobilistes et motocyclistes en 2024.

Le chiffre de 41 millions $ a fait sourciller les représentants des médias, puisque l’étude des crédits budgétaires du ministère des Transports, en mai dernier, faisait état d’un coût de 2,6 millions $ en temps supplémentaire.

Mais la ventilation de M. Ducharme comportait quelques éléments additionnels, le plus important étant l’embauche de 465 personnes, soit une dépense de 28 millions $ sur une base annuelle. Quant au temps supplémentaire, c’est une somme presque trois plus élevée qui a été évoquée par le PDG, soit 6 millions $. À cela s’ajoute un 3 millions $ en journées additionnelles qu’ont dû faire les agents de sécurité dans les points de service, ceux-ci ouvrant les soirs et fins de semaine en surplus afin de tenter d’élaguer les listes d’attente. Enfin, un peu plus de 4 millions $ ont été dépensés en communications, licences et autres.

«Nous le ferions à nouveau»

«Si nous devions refaire le tout, nous le ferions à nouveau», a affirmé Mme Guilbault, soulignant que le temps supplémentaire, les ouvertures en dehors des heures habituelles représentaient des coûts acceptables dans les circonstances. «C’est sûr qu’il y a des coûts à ça, mais rétrospectivement, je ne pense pas qu’on aurait pu faire cette économie parce que ça se serait fait inévitablement et directement sur le dos de la qualité du service aux contribuables.»

Geneviève Guilbault était toutefois de passage à Montréal pour annoncer une troisième année consécutive de congé de paiement d’assurance au renouvellement des permis de conduire en 2024. 

La réduction importante de circulation durant la pandémie a en effet entraîné une baisse des indemnisations versées par la SAAQ et, donc, un surplus de près de 700 millions $ au Fonds d’assurance automobile.

De cette somme, 600 millions $ seront remis aux détenteurs de permis de classe 5 (véhicules de promenade) et 6 (moto), qui ne paieront que 25,50 $ pour leur permis l’an prochain. Les économies seront de l’ordre de 101,55 $ pour les détenteurs de permis de classe 5 et de 186,50 $ pour les détenteurs de permis jumelant les classes 5 et 6. 

Un autre 44 millions $ ira à des projets en sécurité routière et 52 millions $ serviront à bonifier la couverture d’assurance. 

Appropriation politique

Mme Guilbault a bien tenté de s’approprier politiquement cette remise, cherchant à l’imputer aux politiques de son gouvernement. «C’est la troisième année consécutive qu’on fait une telle remise, notre gouvernement en collaboration avec la SAAQ, parce que, justement, vous savez que c’est une des promesses-phares de la CAQ de remettre de l’argent dans le portefeuille des Québécois. (…) Il y a une décision qui devait être prise à savoir: « qu’est-ce qu’on fait avec ces surplus-là? ». Et le choix qu’on fait, c’est de remettre 600 millions $ dans la poche des détenteurs de permis de conduire.»

Or, comme pour les deux années précédentes, la remise de 2024 n’a rien à voir avec une décision politique. Pressé par les journalistes, Éric Ducharme a admis que le Fonds, qui ne peut accumuler des surplus au-delà d’une capitalisation de 125 % des indemnités prévues, n’a pas d’autre choix. «La loi prévoit que ces argents peuvent servir à la sécurité routière ou encore à indemniser les assurés. On ne peut pas utiliser ces sommes-là à autre chose», a-t-il dit.

Confrontée à cette réalité, la ministre a reconnu qu’il s’agissait bien d’une décision du conseil d’administration de la SAAQ dont le gouvernement caquiste ne pouvait que se réjouir. «Qu’ils aient pris une décision conforme aux orientations du gouvernement, c’est pour ça que j’ai dit que c’était une excellente décision quant à moi, mais c’est effectivement une décision qui est prise par le CA (conseil d’administration).»

Mme Guilbault a par ailleurs profité de l’occasion pour annoncer également l’ouverture d’un nouveau centre de services de la SAAQ à la Place Versailles, qui emploiera 70 personnes et qui viendra pratiquement doubler la capacité de rendez-vous quotidiens de l’ensemble des points de service de la Communauté métropolitaine de Montréal mis ensemble. 

Cette décision s’explique par le fait que les délais d’attente dans la région de Montréal sont 36 % plus élevés que la moyenne québécoise.