La police enquête sur une manifestation sur Gaza sur la colline du Parlement à Ottawa
OTTAWA — Il peut parfois être difficile de discerner ce qui constitue un crime haineux, a reconnu lundi le chef de la police d’Ottawa, confirmant que son service enquêtait sur une manifestation propalestinienne qui s’est déroulée ce week-end sur la colline du Parlement.
Des membres de l’unité des crimes haineux et préjugés de la ville ont commencé samedi à enquêter sur les plaintes concernant l’événement.
Des vidéos diffusées sur les réseaux sociaux montrent une grande foule de manifestants défilant devant la tour de la Paix, nombre d’entre eux brandissant des drapeaux palestiniens, des banderoles et des pancartes appelant à la fin de l’occupation israélienne des territoires palestiniens.
Mais dans l’une des vidéos, on entend un homme faire l’éloge de l’attaque du 7 octobre perpétrée par le Hamas et ses groupes affiliés, qui a tué 1200 personnes en Israël.
«Nos attaques de résistance sont la preuve que nous sommes presque libres, dit un homme dans la vidéo. Le 7 octobre est la preuve que nous sommes presque libres. Vive le 7 octobre, vive la résistance, vive l’Intifada, vive toute forme de résistance.»
«Intifada» est un mot arabe dont les significations incluent se débarrasser de l’oppression. En anglais, il est le plus souvent associé à deux périodes d’une intensité particulière dans le conflit israélo-palestinien, qui comprenaient une série d’attaques perpétrées par des groupes terroristes palestiniens contre des lieux publics en Israël.
M. Trudeau et le chef conservateur, Pierre Poilievre, affirment tous deux que de tels commentaires sont inacceptables.
Dans un message sur le réseau social X, dimanche, M. Trudeau a qualifié certains discours d’«inadmissibles» et d’«intimidation haineuse».
Le premier ministre a écrit qu’il y avait «une différence entre les manifestations pacifiques et l’intimidation haineuse».
«Il est inadmissible de glorifier les actes de violence antisémite, notamment les meurtres, que le Hamas a commis le 7 octobre. Ce genre de discours n’a pas sa place au Canada. Absolument pas», a indiqué M. Trudeau.
Le chef du NPD, Jagmeet Singh, a ajouté sa voix lundi. «Je condamne sans équivoque ceux qui scandent des propos incendiaires, haineux et qui glorifient la terreur et la mort du 7 octobre», a-t-il dit.
«Le gouvernement fédéral doit faire preuve d’un minimum de sens des responsabilités et s’assurer que ces comportements – littéralement de l’encouragement au terrorisme – ne pourront avoir cours au Québec et au Canada», a pour sa part écrit le chef du Bloc québécois, Yves-François Blanchet, dans une publication sur X.
Au moins une plainte à la police
La police d’Ottawa affirme avoir reçu une vidéo de l’incident.
Au moins un membre de la communauté juive d’Ottawa a officiellement porté plainte auprès de la police, a déclaré le Centre des affaires israéliennes et juives, un groupe de défense national.
Le chef de la police d’Ottawa, Eric Stubbs, a refusé de dire lundi s’il considérait les déclarations en question comme antisémites.
«Ce que nous devons faire lorsqu’il s’agit d’une enquête, c’est de prendre le contexte de ce qui a été dit – la phrase avant la phrase, la phrase après», a expliqué M. Stubbs.
«Ils analyseront cela et consulteront le procureur de la Couronne.»
La police d’Ottawa a une tolérance zéro à l’égard de la haine, mais comme l’affaire fait l’objet d’une enquête, il serait inapproprié que le chef de la police intervienne, a-t-il ajouté.
Plusieurs groupes militants nommés dans des publications en ligne annonçant le rassemblement n’ont pas immédiatement répondu lundi lorsqu’ils ont été contactés par La Presse Canadienne.
M. Stubbs a déclaré qu’il espérait obtenir des détails «en temps voulu» sur la manière dont la police avait géré la manifestation. La police prend en compte différents facteurs dans de telles circonstances, a-t-il ajouté.
Les manifestations concernant le conflit entre Israël et le Hamas peuvent être particulièrement complexes pour les policiers qui tentent de rester neutres et de respecter le droit du public à la libre expression, a affirmé M. Stubbs.
Si la police constate un crime de haine «évident», elle peut agir immédiatement, mais parfois ce n’est pas clair tout de suite. Et les policiers ne voient ou n’entendent souvent pas tout, a-t-il précisé.
«Je peux vous dire ceci : lors de cet incident particulier, j’ai regardé la vidéo trois, quatre ou cinq fois, en essayant toujours d’écouter pour comprendre exactement les mots qui ont été prononcés et en essayant de les assimiler moi-même.»
Davantage de mesures demandées
Les dirigeants juifs canadiens ont appelé à plusieurs reprises la police à prendre davantage de mesures contre les manifestations devenues monnaie courante depuis l’automne dernier.
Les tactiques utilisées par la police lors de tels événements sont souvent inefficaces, a déclaré le député libéral Anthony Housefather, qui est juif.
«Cela a en fait donné du pouvoir aux personnes haineuses, a écrit M. Housefather sur X. Nous avons besoin que la police (et) les universités de toute l’Amérique du Nord adoptent une approche plus active.»
Un porte-parole a confirmé que la Ville n’avait reçu aucune demande de permis pour la manifestation, mais qu’en avoir une n’est pas techniquement nécessaire, puisque la Charte canadienne des droits et libertés protège le droit à la libre réunion.
La représentante spéciale fédérale pour la lutte contre l’islamophobie a qualifié de «problématiques» les propos entendus durant la manifestation, mais a souligné qu’il s’agissait d’un point de vue minoritaire.
«Quelques manifestants ont tenu des propos problématiques. C’est inacceptable et contraire à nos valeurs communes, a écrit Amira Elghawaby sur le réseau X. Ce qui est également préoccupant, ce sont les efforts délibérés visant à salir tous les manifestants d’un seul coup, ce qui laisse entendre que quiconque appelle le Canada à respecter et à protéger le droit humanitaire international s’aligne sur le terrorisme.»
L’envoyée fédérale dans la lutte contre l’antisémitisme, Deborah Lyons, a également dénoncé cette rhétorique.
«La réticence de la société à faire face à la normalisation de l’antisémitisme et à la glorification du terrorisme permet aux mots de se transformer en violence», a-t-elle déclaré.