La VG déplore les lenteurs pour contrer la discrimination dans la fonction publique

OTTAWA — La vérificatrice générale estime que les efforts du Canada pour lutter contre le racisme et la discrimination dans les principaux ministères et organismes fédéraux sont insuffisants.

Dans un rapport publié jeudi, la vérificatrice générale, Karen Hogan, constate notamment que les fonctionnaires n’utilisent pas les données existantes pour comprendre ce que ressentent les employés racisés dans leur milieu de travail.

Cela se traduit par une occasion manquée «d’élaborer et de mettre en œuvre des changements qui pourraient améliorer les expériences d’emploi des personnes racisées», indique le rapport.

Le bureau de Mme Hogan a examiné les ministères et agences axés sur la sécurité publique et la justice, qui représentent environ 20 % des travailleurs fédéraux.

La vérification a ainsi porté sur le ministère de la Justice et celui de la Sécurité publique, la Gendarmerie royale du Canada, l’Agence des services frontaliers, le Service correctionnel et le Service des poursuites pénales. 

L’audit a couvert une période allant de janvier 2018 à décembre 2022, mais la vérificatrice générale a également examiné des questions pertinentes avant 2018.

Même si ces six organisations se sont concentrées sur l’objectif de constituer une main-d’œuvre représentative de la société canadienne, cette «première étape», importante, «n’est pas suffisante pour susciter un virage durable au sein de la culture organisationnelle», conclut Mme Hogan.

Pas de mesures de résultats

Bien que tous les organismes aient établi des plans d’action en matière d’équité, de diversité et d’inclusion, le rapport indique que les fonctionnaires n’ont aucun moyen de savoir si ces plans fonctionnent — et il n’existe aucun rapport complet sur les résultats.

Aucune des six organisations n’a ainsi examiné la distribution de la cote de rendement ou la durée d’occupation pour le personnel racisé, «et seulement certaines organisations avaient examiné les résultats de sondage et les données sur la représentation, les promotions et le maintien en poste».

Même à cette époque, ces évaluations se déroulaient en vase clos plutôt que dans le cadre d’une vision globale de la situation des employés, note la vérificatrice générale (VG).

«Lorsque les organisations n’utilisent pas les données afin de comprendre les expériences vécues par le personnel racisé en milieu de travail, ces organisations et l’ensemble de la fonction publique ratent des occasions d’élaborer et de mettre en œuvre des changements qui pourraient améliorer les expériences d’emploi des personnes racisées», lit-on dans le rapport. 

Les gestionnaires

L’audit a aussi révélé que la responsabilité des gestionnaires en ce qui concerne le changement de comportements et de culture à l’échelle des différentes organisations «était limitée et n’était pas mesurée de façon efficace».

Environ 20 % des employés de la fonction publique centrale se sont identifiés comme membres d’une minorité visible l’année dernière.

Mme Hogan a constaté qu’aucune des six organisations examinées n’avait analysé les données sur les plaintes afin d’«orienter la façon dont elles traitaient les plaintes liées à des comportements racistes et aux déséquilibres de pouvoir connexes», même si le personnel racisé avait soulevé des préoccupations à l’égard des mécanismes existants.

«De plus, les organisations ne tiraient pas toujours profit des ententes de rendement des cadres, des gestionnaires et des responsables de la supervision pour définir les attentes liées aux comportements souhaités afin de favoriser l’inclusion et la responsabilisation à l’égard du changement», ajoute la VG.

Certains employés s’étaient portés volontaires pour être interviewés dans le cadre de cet audit. Ils ont déclaré qu’ils considéraient les lacunes comme un «manque d’engagement» à l’égard de l’équité, de la diversité et de l’inclusion. Ces employés avaient ainsi l’impression qu’«aucun changement significatif n’avait été réalisé».

Le rapport indique que dans les six ministères et organismes, les résultats du Sondage auprès des fonctionnaires fédéraux de 2018 à 2020 ont révélé que les personnes qui s’identifiaient comme membres d’une minorité visible étaient plus susceptibles de déclarer avoir été victimes de discrimination au travail.

Des ministres promettent d’agir

Le ministre de la Sécurité publique, Dominic LeBlanc, a déclaré que le gouvernement était d’accord et acceptait les conclusions de Mme Hogan.

«Il y a encore du travail à faire, notamment en ce qui concerne l’utilisation des données pour suivre nos progrès, a-t-il déclaré. Au cours des prochains mois, notre gouvernement s’efforcera de donner suite et de mettre en œuvre ces recommandations.»

Le ministre de l’Immigration, des Réfugiés et de la Citoyenneté, Marc Miller, a dit croire que le «racisme systémique existe dans tous les départements», incluant son propre ministère. 

Il a fait valoir que les gens devraient s’attendre à une fonction publique exempte de racisme.

«Mais on ne parle pas de racisme individuel. On parle d’un système qui est porté à la discrimination de façon systémique. Donc, une prise de décision qui reflète des préjugés implicites, explicites, et ça a des répercussions sur la vie des gens», a affirmé M. Miller.

Il a rappelé que la fonction publique est indépendante, mais que cela «ne veut pas dire pour autant (qu’elle) n’a pas des comptes à rendre aux politiciens».

«Et nous, on s’attend à un standard qui vise à éliminer le racisme systémique. (…) Je suis à la tête d’un département en particulier, qui dans le passé ne laissait que les gens blancs rentrer, puis ça a changé. Et il faut que ça change davantage», a-t-il conclu en réagissant au rapport de la vérificatrice générale.

Se disant particulièrement sensible aux questions de discrimination, la présidente du Conseil du Trésor, Anita Anand, a dit vouloir continuer de travailler avec les fonctionnaires, les ministères et ses collègues «sur ce que nous pouvons faire pour améliorer la situation, pas seulement pour les fonctionnaires, mais aussi pour tout le monde dans notre pays».