L’Alberta invoque sa loi sur sa souveraineté, admettant son effet surtout symbolique

EDMONTON — La première ministre Danielle Smith a invoqué lundi la Loi sur la souveraineté de l’Alberta pour mettre en œuvre de nouvelles mesures dans sa lutte contre les règles imminentes d’Ottawa sur l’électricité propre, tout en admettant qu’elle n’avait pas besoin de la loi pour mettre en place des changements.

Mme Smith a déclaré qu’elle voulait invoquer la loi pour envoyer le message que son gouvernement est sérieux dans sa volonté de s’opposer au projet d’Ottawa visant à rendre le réseau électrique canadien plus vert d’ici 2035, un plan qui, selon elle, pourrait faire des ravages sur le réseau de gaz naturel de l’Alberta.

«Nous créons une opportunité pour le gouvernement fédéral de faire ce qu’il faut et de reculer», a indiqué Mme Smith aux journalistes.

«Nous envoyons le message : « Continuez à travailler avec nous pour atteindre notre objectif de 2050″», a-t-elle renchéri.

Mme Smith a fait ce commentaire avant qu’une motion ne soit présentée à la Chambre en vertu de la Loi sur la souveraineté de l’Alberta au sein d’un Canada uni.

Elle maintient qu’il y a des raisons de croire que les producteurs albertains d’électricité pourraient atteindre un objectif ultérieur de 2050. Une échéance plus hâtive pourrait exposer le réseau à un risque de panne pendant les périodes de pointe, craint-elle.

La loi précise que les membres de la Chambre doivent débattre et voter sur les motions avant que le gouvernement Smith puisse agir.

La motion de lundi demande au gouvernement Smith d’autoriser les responsables provinciaux et les régulateurs à ne pas coopérer avec les règles fédérales liées au réseau vert 2035 – mais pas au point d’enfreindre la loi. Elle indique clairement que cette ordonnance de non-conformité ne s’applique pas aux entreprises privées ou aux particuliers.

La motion appelle également l’Alberta à envisager de créer une société d’État qui jouerait un rôle dans le système électrique privatisé de la province afin de fournir de l’électricité si le réseau vert risquait de priver les citoyens d’une charge de base adéquate.

Bien que la motion n’appelle pas les responsables de l’Alberta à enfreindre la loi, Mme Smith a déclaré qu’ils élaboreraient une sorte de disposition pour les protéger de toute poursuite si cela devait arriver.

Surprise à Ottawa

À Ottawa, le ministre fédéral de l’Énergie, Jonathan Wilkinson, s’est dit déconcerté par la décision de l’Alberta d’utiliser la loi sur la souveraineté contre le projet de réglementation sur l’électricité propre. Il a déclaré qu’il pensait que les deux gouvernements s’acheminaient vers un consensus.

«C’est un triomphe de la politique (partisane) sur la bonne politique publique», a déclaré M. Wilkinson à La Presse Canadienne lors d’une entrevue.

«C’est exactement ce que les Canadiens devraient encourager leurs politiciens à éviter», a-t-il ajouté.

Le Canada et l’Alberta ont créé un groupe de travail sur le climat et l’énergie pour tenter de surmonter certains des obstacles qui les séparent sur diverses politiques. M. Wilkinson a déclaré que le groupe s’est réuni cinq fois et que quatre réunions étaient spécifiques à la réglementation sur l’électricité propre.

Une autre réunion était prévue en décembre.

À aucune des réunions, l’Alberta n’a indiqué qu’elle prévoyait de se tourner vers sa loi sur la souveraineté, a déclaré M. Wilkinson.

« Dans le contexte de toutes ces conversations, pas une seule fois la première ministre Smith ni ses collaborateurs n’ont mentionné qu’ils envisageaient de présenter la loi sur la souveraineté. Pour être honnête, c’est un peu déroutant pour moi, dans le contexte où de bons progrès ont été réalisés», a-t-il mentionné.

Mme Smith a déclaré que la déclaration relative à la loi sur la souveraineté n’est pas conçue pour mettre un terme aux travaux de ce comité.

Une décision idéologique, selon Guilbeault

Le ministre fédéral de l’Environnement, Steven Guilbeault, a lui aussi communiqué sa surprise lors d’un point de presse, lundi après-midi.

«C’est la première fois qu’on en entend parler», a-t-il dit de la loi, dont il doute des assises légales.

Le ministre a allégué que la stratégie du gouvernement Smith est «clairement motivée par une idéologie anti-environnement, anti-lutte aux changements climatiques et anti-progrès».

«Il faut bien comprendre que la première ministre de l’Alberta a mis en place un moratoire sur le développement des énergies renouvelables, ce qui met à risque trente milliards d’investissements dans sa province, a rappelé M. Guilbeault. Des milliers d’emplois sont à risque et c’est complètement motivé par l’idéologie.»

M. Guilbeault a publié début août un projet de règlement visant à établir un réseau énergétique carboneutre d’ici 2035. Il a déclaré que le Canada ne voulait pas être laissé pour compte alors que les États-Unis et d’autres pays du G7 s’orientent vers une électricité propre.

Il a également déclaré que toute affirmation selon laquelle la construction d’un réseau électrique propre en Alberta entraînerait des pannes d’électricité est une désinformation destinée à enflammer plutôt qu’à informer.